De la fréquente Communion.../Partie 1, Chapitre 10

Chez Antoine Vitté (p. 262-265).

Chapitre 10


explication d’un passage de Saint Ignace.

il ne faut qu’opposer à l’obscurité de vos paroles la clarté de celles de S Ignace, pour juger, que leur vray sens est tres-éloigné de vostre pensee : car voicy comme ce S Martyr parle dans l’epistre aux ephesiens, de laquelle seule vous pouvez avoir tiré ce passage, quoy que sur vostre citation il soit assez difficile de le reconnoistre. (...).

Je sçay bien, que ces paroles du texte grec (...), ont donné lieu à quelques interpretes d’entendre de l’eucharistie le commencement de ce passage. Mais le mot de (...) qui suit apres, monstre clairement, que ces termes ne signifient autre chose en ce lieu, que l’action de graces, et de loüanges qu’on rend à Dieu ; pour laquelle l’on sçait que les chrestiens s’assembloient, et non pas seulement pour communier.

Et d’ailleurs, il est visible, que l’effect dont vous parlez en vostre article, de repousser les puissances de Sathan, n’est pas attribué à l’eucharistie, quand mesme le mot (...), la marqueroit ; mais à l’unité de l’esprit, et de la foy, au lien de la paix, et de la concorde, qui s’entretenoit par ces saintes assemblees, et qui s’enflammoit par les hymnes, et par les cantiques qu’ils chantoient, pour imiter dans la terre, ce que les anges font dans le ciel.

Et ce que Sainct Ignace dit icy a grand rapport à ces paroles celebres de Tertullien ; (...). Qui peut douter, que ce qui est agreable à Dieu, ne soit odieux, et formidable aux demons, comme dit ce grand martyr ? Et qui ne voit, que ces esprits de tenebres conspirans tous ensemble pour blasphemer Dieu, ils ne peuvent rien haïr davantage, que ceux qui conspirent ensemble pour le loüer ?

Cette interpretation neantmoins, qui paroist tres veritable et tres naturelle, n’empesche pas, que sous ces paroles generales de rendre graces à Dieu, et de le loüer , l’eucharistie ne puisse estre comprise, comme la plus parfaite de toutes les actions de graces, et qui est appellée particulierement le sacrifice de loüange. Mais apres que vous aurez remarqué, que ceux à qui il escrivoit, estoient en un si eminent degré de saincteté, qu’il prie Dieu peu auparavant, (...). Apres cela, dis-je, vous n’aurez plus sujet d’abuser de ce passage (quand mesme il ne s’entendroit que de la seule communion ; ce qui n’est pas) pour porter à une aussi frequente participation de l’eucharistie, ceux qui n’ont pas seulement l’ombre de la vertu de ces chrestiens d’Ephese, et qui pour user de vos mesmes termes ; (...), que ces premiers fidels estoient remplis de l’amour de Dieu, et attachez à Jesus Christ seul.