De la fièvre puerpérale/Avant-propos

De la fièvre puerpérale devant l’Académie impériale de médecine de Paris
Germer Baillière (p. 5-8).


AVANT-PROPOS.


Medicina autem in philosophia non fundata res infirmata est.
(Bacon.)


Toute science repose sur des principes, se fortifie par le développement de ses principes et se propage par de saines traditions. La médecine suit elle-même cette loi fondamentale, et cette loi devient à la fois la source de ses progrès et de sa grandeur. En effet, la médecine vit de ses propres institutions ; elle s’enrichit de leurs applications, et elle trouve dans ses traditions séculaires la force nécessaire pour résister à la tourmente des faux systèmes et aux entraînements des innovations irréfléchies.

Imbu de ces vérités que nous respectons comme un héritage paternel, nous nous sommes fait un devoir depuis vingt-cinq ans de propager et de défendre les principes de la médecine traditionnelle, soit dans les journaux scientifiques, soit dans des livres didactiques dont la composition a absorbé les plus fortes années de notre vie.

Ainsi nous avons publié : en 1835, un Mémoire sur la médecine philosophique ; en 1839, un Traité de Philosophie médicale ; en 1853, un Traité de la science médicale ; et tous ces livres ont contribué à répandre la bonne doctrine par la haute et savante critique dont ils ont été l’objet particulier de la part des écrivains les plus éminents au nombre desquels nous aimons à citer : les docteurs Bessière, Bourdin et Brochin ; le professeur Bouisson (de Montpellier) ; les docteurs Blanchard ; Isidore Bourdon et Bousquet de l’Académie impériale de médecine ; les docteurs Ed. Carrière, Cerise ; le professeur Costes (de Bordeaux) ; le docteur Amédée Dechambre ; les professeurs agrégés Farrat et Quissac (de Montpellier) ; les docteurs Ferrein, Foucart ; le professeur Gaussail (de Toulouse) ; les docteurs Amédée Latour, Munaret ; le professeur Pétrequin (de Lyon) ; les docteurs Félix Roubaud, Villemin, Verger, Sales-Girons, M. Peisse et le professeur Tourdes (de Strasbourg).

Enfin dernièrement, après la discussion solennelle qui a eu lieu à l’Académie sur le vitalisme et l’organisme, nous avons exposé les données de la science sur cette matière dans une brochure, dont le succès est venu nous fortifier dans l’espoir que nous avions conçu d’un prompt retour de l’opinion aux saines traditions dont on ne s’écarte jamais sans tomber dans l’impuissance et la déconsidération ; car, comme le disait naguère une des gloires de la littérature française : « Ceux qui s’imaginent que le passé en face du présent est la mort en face de la vie, se trompent ; ils nient leurs destinées et leur honneur, et cette grossière erreur les conduit à leur perte ou à un abaissement absolu. »

Le travail que nous soumettons aujourd’hui aux hommes de bonne foi, a pour objet de fixer l’attention sur l’anarchie qui nous épuise ; de montrer qu’en médecine aussi la pyramide est renversée, et, enfin, de démontrer une fois de plus l’impérieuse nécessité d’avoir en médecine des principes fixes et inviolables. Du reste, ces principes existent ; ils constituent la science instituée par Hippocrate, et, comme l’a dit avec une raison profonde M. le professeur Pétrequin : « C’est vraiment une chose remarquable que de toutes les sciences, la médecine soit la seule qui ait eu la force de traverser tous les âges et d’arriver jusqu’à nous sous l’auréole d’Hippocrate ! » Cela prouve au moins que le vitalisme possède la vie des grandes vérités, car pour avoir résisté à des attaques qui se renouvellent sans succès depuis deux mille ans, il faut absolument ou que le génie de ses détracteurs soit bien faible, ou que le mythe soit bien fort.

Quoi qu’il en soit, l’occasion est belle pour en parler, car les flots toujours montants du vitalisme annoncent assez qu’on revient avec ardeur à l’esprit ancien… Et qu’on ne vienne pas nous dire que tout est consommé, parce que l’énorme bruit a cessé dans l’enceinte officielle de la rue des Saints-Pères ?… Nous savons au contraire, qu’on entend au dehors une clameur générale, et que l’opinion répète chaque jour davantage, qu’il y a des vérités essentielles à reprendre et des principes féconds à conserver.

Espérons donc que notre voix sera entendue et qu’elle relèvera le courage de ceux qui, en présence du cataclysme qui menace la médecine, ont encore une juste confiance en ses nobles destinées.

Éd. Auber.