De l’instruction de Monseigneur le Dauphin/Avertissement du libraire
avertissement
du
libraire.
ne perſonne qui cultive les belles lettres aiant apporté de Paris un Exemplaire des Œuvres de Mr. de la Mothe le Vayer, revû & augmenté par Mr. François le Vayet de Boutigny, Maître des Requêtes duquel nous avons le Roman de Tarſis & Zélie, nos contons lui devoir l’heureux hazard, qui a fait tomber cet Exemplaire entre nos mains, & comme les ouvrages de ce ſavant Auteur ſont dévenus extrênement rares, au point, qu’on ne les trouve plus que dans des ventes d’une certaine conſequence, & encore très rarement, nous avons crû faire plaiſir au Public, en lui en offrant une nouvelle Edition ; Nous nous ſommes livrés à cette entrepriſe avec d’autant plus de confiance que ces ouvrages, qui méritent à tous égards d’être entre les mains de tout le monde, ont eu jusqu’ici l’approbation générale non ſeulement de tous les Savans, mais encore de tous ceux, qui s’intereſſent à l’éducation des Princes & de la jeune Nobleſſe.
On ne croit pas trop dire, quand on avance, que le Recueil des Oeuvres de Mr. de la Mothe le Vayer peut tenir lieu d’une petite Bibliothèque à ceux, qui ſouhaitent d’avoir quelque teinture de Sciences & des belles Lettres.
Outre que ſes Ecrits ſont remplis par tout d’une profonde érudition, ils contiennent en même tems un choix des meilleures penſées des anciens & des modernes, & un abregé de tout ce qu’il importe à un Galant Homme de ne pas ignorer. Ainſi nous oſons nous flatter qu’à coup ſûr ils plairont même aux bons connoiſſeurs. C’eſt ainſi qu’en penſe Mr. Bayle.
Mais comme ce n’eſt pas nôtre affaire d’en prôner ni l’excellence ni la Solidité, d’autres l’aiant fait ſolidement avant nous, nous nous bornerons à dire ici quelques mots touchant les Editions, qui ont précédé la nôtre.
La premiére parut en 1653. en deux Volumes in Folio, & fut publiée par Mr. l’Abbé le Vayer, fils de nôtre Auteur, qui la dédia au Cardinal Mazarin. Il dit dans ſa Dédicace, qui eſt du 2. de Juillet : « Quand par reconnoiſſance & par devoir je ne ſerois pas attaché d’un nœud tout particulier à Votre Eminence, comme fils d’un de ſes plus redévables & de ſes plus humbles Serviteurs ; je ne laiſſerois pas de lui devoir dédier plutôt, qu’à tout autre, ce Recueil des Œuvres de mon Pere, qu’on a imprimé pendant les differens voiages, qu’il a été obligé de faire à la ſuite de la Cour ; ne fût-ce de peur de contrevenir à ſes bonnes inſtructions, dont la principale a toûjours été de me propoſser Votre Eminence pour le but de mes ſervices, & pour la fin de toutes mes penſées.
« Et puis Monſeigneur, le rang, que Vous tenés dans l’Etât, l’obligeant de vous rendre compte des emplois, qu’il a eus tant auprès du Roi qu’auprès de Monſieur, pourrois-je mieux faire, que de Vous préſenter cette nouvelle Edition, qui comprend une partie de ce qu’il a pú contribuer à leur ſervice ? A la vérité, Monſeigneur, la plúpart de ces Ouvrages étant déjà à Vous, & aiant vú le jour ſous les heureux auſpices de Votre Nom, peut-être pourra-t-on dire, que je me devrois paſſ de les offrir une ſeconde fois à Votre Eminence ; & qu’il ſemble, que ce ſoit lui vouloir faire deux préſens d’une même choſe, & lui donner ſon propre bien. Mais, Monſeigneur, quand je conſidére, que Dieu même à qui appartient tout ce qui eſt au monde, ne laiſſe pas néanmoins de ſouffrir, que nous lui en faſſions des offrandes, & de trouver bon, que ceux, qui ſe ſont conſacrés à lui par des vœux particuliers, lui réitèrent tous les ans, en les renouvellant, le préſent, qu’ils lui avoient déjà fait de leurs perſonnes ; Cela me fait eſperer… »
Le reſte ne contient que des Eloges de ce grand Miniſtre. Outre cela on ne trouve aucune particularité ſur les Ouvrages de cet Auteur.
La ſeconde Edition fut réimprimée à Paris chés le même Auguſtin Courbé en 1656. auſſi en 2. Volumes in folio.
Le titre porte, qu’elle a été revüe, corrigée & augmentée. On y trouve la même Dédicace & rien de plus. La troiſiéme chez le même Libraire eſt de l’année 1662. & contient 3. Volumes in folio. C’eſt encore M. l’Abbé le Vayer qui l’a publiée & dédiée au Roi Louis XIV. L’Editeur dit dans cette Dédicace : ”Que l’heureuſe conjoncture de la Naiſſance de Monſeigneur le Dauphin lui avoit fait venir l’idée d’offrir au Roi les Œuvres de ſon Pere d’autant plus, qu’il y avoit à la tête de ce Recueil un Ouvrage qui porte ſon nom, & qui fut fait, il y a plus de vingt ans pour S. M. lorsqu’elle le portoit Elle même, & que ſon Pere aiant voulu alors donner le modèle d’un Prince parfait, il avoit fait heureuſement par avance le craïon de S.M. » Il pourſuit & dit : « que même ſans cette raiſon il n’avoit pu ſe diſpenſer de conſacrer au Roi ces ouvrages, qui avoient eu dans leur origine une particuliére rélation à S.M. »
Enfin Louis Bilaine, Libraire de Paris en donna une nouvelle Edition en 1669. & l’augmenta de pluſieurs petit traités qui avoient été imprimés juſque-là ſéparément. Elle eſt en 15 petits volumes in 12mo & les augmentations s’y trouvent depuis le 13éme juſqu’au dernier Volume. Outre cela elle n’ai ni autre Dédicace, que la derniere Edition in fol. ni Préface, ni Avertiſſement de l’Editeur.
Il eſt à remarquer que Jean Guignard, Libraire de Paris, a pris cette même Edition, ou plutôt le même livre, & n’y a changé autre choſe que le Titre, en y mettant ſon nom & l’année MDCLXXXIV.
C’eſt ſur cette petite Edition de 1669 que la nôtre eſt imprimée, & nous nous flattons, qu’elle ſera reçue auſſi favorablement que l’ouvrage politique de Mr. Hume, que nous avons publié la Foire derniere. Les ſoins que nous nous ſommes donnés, autant que peut humainement le permettre une premiére entrepriſe dans ce gout, & plus encore la belle Imprimerie, que S. E. Monſeigneur le Premier Miniſtre Comte de Bruhl vient d’établir à Pſorten, contribuent beaucoup à ces eſperances. Nous oſons du moins promettre, que nous n’omettrons rien de ce qui dépendra de nous, pour rendre cette Edition la plus complette de toutes, & il nous ſera d’autant plus aiſé de l’effectuer, que nous avons ſous les yeux l’avis d’un Parent de nôtre Auteur, qui eſt Mr. de Boutigny, dont nous avons parlé ci deſſus, & duquel nous tenons une liſte de tous les écrits de Mr. de la Mothe le Vayer.
Comme nous publierons ces Ouvrages par Volumes détachés, nous en donnerons les raiſons avant chacune des piéces, qui y ſeront miſes, par un Avertiſſement ſemblable à celui-ci. Le premier Volume, qui eſt diviſé, comme tous les autres en deux Parties, commence par la vie de nôtre Auteur, qui a été rédigée par Mr. le Ch… C… D. M…
La première Partie ne contient autre choſe que le livre de l’Inſtruction de Monſeigneur le Dauphin. Peut-être que cet Ecrit a été déjà imprimé ſéparément du tems du Cardinal de Richelieu.
Nous n’en ſaurions rien dire de certain. Ce qui eſt plus ſûr, c’eſt que ce livre, ſuivant le jugement des Savans, eſt une des meilleurs productions de nôtre Auteur.