De l’Imitation de Jésus-Christ (Brignon)/Livre 3/57

Traduction par Jean Brignon.
Bruyset (p. 279-282).


CHAPITRE LVII.
Qu’encore qu’on soit sujet à quelque défaut, on ne doit pas se décourager.
Le Maistre.

MOn fils, j’aime mieux vous voir humble & patient dans l’adversité, que plein d’allegresse & de dévotion dans la prosperité.

Quelle raison avez-vous de vous attrister pour une faute legere dont on vous accuse ?

Quand ce seroit quelque grand crime, vous ne devriez pas en avoir le moindre chagrin.

Laissez maintenant parler le monde. Si l’on dit quelque chose contre vous, ne le trouvez pas étrange ; ce n’est pas la premiere fois qu’on l’a fait ; & si vous vivez long-tems, on vous en dira bien d’autres.

Vous montrez assez de courage quand il n’y a rien qui vous fasse peine. Vous donnez même de fort bons avis aux autres, & vous sçavez les encourager dans leurs afflictions : mais s’il vous survient quelque accident imprévu, vous manquez incontinent de conseil & de force.

Voyez combien grande est vôtre foiblesse. Vous ne l’éprouvez que trop jusques dans les moindres occasions ; mais sçachez que toutes ces peines & d’autres semblables qui vous arrivent, vous sont envoyées d’en haut pour votre salut.

Ne vous en affligez point ; & si vous ne pouvez vous empêcher de les sentir, gardez-vous au moins de vous y laisser abbattre ; & de vous en inquietter long-tems.

Si vous avez trop peu de vertu pour les souffrir avec joye, souffrez-les avec patience.

Si vous n’entendez pas volontiers les railleries & les médisances qu’on fait de vous, & s’il vous vient là-dessus quelque mouvement de colere, tâchez de vous retenir, & de ne point vous échapper en des paroles fâcheuses qui puissent scandaliser les foibles.

Le calme reviendra bien tôt avec la grace, qui appaisera tout le trouble, & adoucira toute l’amertume de vôtre cœur.

Je vis encore, dit le Seigneur, prêt à vous aider, à vous soutenir, à vous consoler extraordinairement, pourvû que vous m’invoquiez avec confiance & avec dévotion.

Soyez plus constant, & préparez-vous à plus souffrir que jamais.

Ne croyez pas cependant que tout soit perdu, s’il arrive que vous soyez ou plus souvent affligé, ou plus rudement tenté.

Vous êtes homme, & non pas Dieu ; vous êtes chair, & non pas esprit comme les Anges.

Comment pourriez-vous être toûjours ferme dans mon service, puisque ni l’Ange dans le Ciel, ni le premier homme dans le Paradis terrestre ne l’ont pas été ?

C’est moi qui releve & qui sauve les personnes affligées, & je communique en quelque sorte ma Toute-puissance à ceux qui reconnoissent leur foiblesse.

Le Disciple.

Seigneur, soyez glorifié à jamais pour votre divine parole, qui m’est plus douce que le miel[1] !

Que ferois je parmi tant de maux dont je me sens accablé, si vous ne disiez quelque mot pour me consoler ? mais quelles que soient mes souffrances, que m’importe, pourveu qu’après de grandes tempêtes, j’arrive enfin au port du salut ?

Faites-moi la grace de bien mourir, & de ne sortir de ce monde que pour aller dans le Ciel.

Souvenez vous de moi, ô mon Dieu, & conduisez-moi par un chemin droit en vôtre Royaume. Ainsi soit-il.

  1. Psal. 18. 11.