De l’Imitation de Jésus-Christ (Brignon)/Livre 3/39

Traduction par Jean Brignon.
Bruyset (p. 220-221).


CHAPITRE XXXIX.
Qu’on ne doit point s’inquiéter des choses presentes.
Le Maistre.

MOn fils, mettez-moi vos interêts entre les mains, j’en aurai soin, & je pourvoirai à tout dans le tems.

Laissez-moi faire, & vous vous en trouverez bien.

Le Disciple.

Ah, Seigneur, je me repose de toutes choses sur vous : car quel fruit puis-je esperer de mes soins ?

O que n’ai-je assez de force sur moi, pour ne me point inquietter de l’avenir ; pour être prêt, & pour m’offrir même courageusement à tout ce qu’il vous plaira ordonner de moi !

Le Maistre.

Mon fils, il arrive assez souvent que quand on desire passionnément quelque chose, on met tout en œuvre pour l’obtenir, & qu’aussi-tôt qu’on l’a obtenuë, on commence à s’en dégoûter.

L’amour naturellement est volage & inconstant, & il ne fait que passer d’un objet à l’autre, sans jamais pouvoir s’arrêter à rien.

Il n’y a donc pas peu de mérite à se mortifier jusques dans les moindres choses.

L’abnégation de soi-même est la mesure du progrès dans la vertu.

Un homme parfaitement mortifié, est tranquille, & exempt de toute crainte.

Mais l’ancien serpent, cet ennemi de tout bien, ne cesse de le tenter ; il lui tend des piéges par tout, pour le surprendre, s’il n’est sur ses gardes.

Veillez & priez, dit le Sauveur, de peur que vous n’entriez en tentation.