De l’Angélus de l’aube à l’Angélus du soir/La jeune fille

De l’Angélus de l’aube à l’Angélus du soir : 1888-1897Mercure de France. (p. 107-108).


LA JEUNE FILLE…


 La jeune fille est blanche,
elle a des veines vertes
aux poignets, dans ses manches
ouvertes.

On ne sait pas pourquoi
elle rit. Par moment
elle crie et cela
est perçant.

Est-ce qu’elle se doute
qu’elle vous prend le cœur
en cueillant sur la route
des fleurs ?


On dirait quelquefois
qu’elle comprend des choses.
Pas toujours. Elle cause
tout bas.

« Oh ! ma chère ! oh ! là là…
… Figure-toi… mardi
je l’ai vu… j’ai rri. » — Elle dit
comme ça.

Quand un jeune homme souffre,
d’abord elle se tait :
et ne rit plus, tout
étonnée.

Dans les petits chemins
elle remplit ses mains
de piquants de bruyères,
de fougères.

Elle est grande, elle est blanche,
elle a des bras très doux.
Elle est très droite et penche
le cou.


1889.