De l’Angélus de l’aube à l’Angélus du soir/En songeant

De l’Angélus de l’aube à l’Angélus du soir : 1888-1897Mercure de France. (p. 193-194).
tu rirais  ►

EN SONGEANT…


En songeant à ta maison à carreaux verts
dont le loquet de la porte est tiède en été,
je me suis dit que tu étais, mais grandie, peut-être,
une petite fille qui avait cinq années
lorsque je la vis dans une propriété
où elle habitait avec son tremblant grand-père.

Te souviens-tu ? C’était un dimanche lourd et blanc,
à cette époque où nous étions tous deux enfants.
Il y avait des rosiers près des poiriers en cône,
et des hannetons en métal vert sur les roses,
et, petite fille que je suivais tout doucement,
tu marchais à petits pas vers un moineau
posé en me disant : je vais prendre l’oiseau.


Mais maintenant la douceur d’enfance est partie
comme une grive. Oh ! quand nous étions les petits…
Mon cœur a débordé comme ces pots de terre
où l’on cuit, au feu noir, la cuisine des pauvres.