De l’Angélus de l’aube à l’Angélus du soir/Bâte un âne

De l’Angélus de l’aube à l’Angélus du soir : 1888-1897Mercure de France. (p. 340).

BÂTE UN ÂNE…


À Paul Fort.


Bâte un âne qui porte une outre d’eau de roche
à son flanc, car dans le pays des améthystes
qu’il te faut longuement traverser l’eau n’existe
pas, ni le pain que tu clôras en ta sacoche.

Or c’est à Bassora, dans la boutique, à gauche
de chez Aboul Hassan Ebn Taher le droguiste.
Devant le souk un dromadaire laisse tristement pendre de sa lèvre une espèce de poche.

C’est là que Tristan Klingsor, l’enchanteur, compose
de doux lieds auprès d’un bassin. Et les roses
l’approuvent en penchant la tête, et son rebec

se plaint comme un vent doux et précieux avec
l’inflexion d’une jeune fille qui pose
sa main dessus son cœur pour un salamalec.