De l’Équitation (Trad. Talbot)/Texte entier
Œuvres complètes de Xénophon, Hachette, , Tome 1 (p. De l'équitation-348).
DE L’ÉQUITATION[1].
CHAPITRE PREMIER.
Une longue pratique de l’équitation nous donnant à penser que nous en avons quelque expérience, nous voulons indiquer aux jeunes gens de nos amis la méthode que nous croyons la meilleure pour bien manier un cheval. Un traité d’équitation a été publié avant le nôtre par Simon[2], qui a érigé, à Athènes, le cheval d’airain qu’on voit dans l’Éleusinium[3], et qui a gravé ses faits et gestes sur la base. Tous les points où nous serons d’accord avec lui, nous ne les supprimerons pas dans notre ouvrage ; nous aurons, au contraire, le plus vif plaisir à les présenter à nos amis, convaincu que nous inspirerons plus de confiance, toutes les fois que l’opinion de ce célèbre écuyer sera conforme à la nôtre : quant à ce qu’il a omis, nous essayerons d’y suppléer.
Et d’abord nous allons indiquer le moyen de n’être pas trompé dans l’achat des chevaux. Il est clair que l’on doit commencer par examiner le corps du poulain à dompter que l’on achète, car il ne donne pas encore d’indices de son caractère, n’ayant jamais été monté. Nous disons donc que, dans le corps, les pieds sont le premier objet à considérer. En effet, de même qu’une maison ne sera d’aucune utilité, quelle que soit la beauté des étages supérieurs, si les fondations ne sont pas construites comme il faut, ainsi un cheval de guerre ne servira de rien, fût-il bon pour tout le reste, s’il a de mauvais pieds ; ce vice rend inutiles les autres qualités. Pour juger du pied, il faut d’abord examiner la corne. Épaisse, le cheval aura de meilleurs pieds que si elle est mince. Ensuite, il ne faut pas oublier de voir si le sabot est haut en avant comme en arrière, ou bien s’il est bas : haut, il éloigne de terre la partie appelée la sole ; bas, le cheval appuierait également sur les parties dures et sur les parties molles du pied, comme les hommes cagneux. Simon dit que les chevaux qui ont de bonnes jambes se reconnaissent au bruit de leur marche ; il a raison : un sabot bien évidé résonoe sur le sol comme une cymbale.
Puisque nous avons commencé d’en bas, nous allons suivre en remontant le reste du corps. Il faut que les os[4] qui sont au-dessus de la corne et au-dessous du boulet ne soient point droits comme ceux d’une chèvre ; ce qui provoque des réactions trop dures pour le cavalier et des inflammations aux jambes ainsi faites ; mais il ne faut pas non plus que ces os soient inclinés, parce que le boulet perdrait ses poils et s’écorcherait, quand on lancerait le cheval dans les terres labourées ou dans les endroits pierreux.
Les canons[5] doivent être épais, vu qu’ils sont les colonnes du corps ; mais cette épaisseur ne doit provenir ni des veines, ni de la chair. Autrement, sur un terrain dur, ces parties se remplissent forcément de sang, il survient des varices, la jambe grossit, et la peau se détache ; or, souvent, quand ce relâchement arrive, le péroné[6] se déplace et rend le cheval boiteux.
Si, en marchant, le jeune cheval fléchit mollement le jarret, vous pouvez présumer que, sous le cavalier, il aura les jambes souples : car tous les chevaux, avec l’âge, fléchissent le genou avec plus de souplesse. On a raison, d’ailleurs, d’estimer les mouvements moelleux : un cheval qui les a bronche moins et fatigue moins le cavalier que celui qui a la jambe roide. Quand la partie de la jambe placée sous l’omoplate est charnue, elle offre apparemment, comme chez l’homme, plus de force et plus de grâce. Plus le poitrail est large, plus cette disposition est heureuse sous le rapport de la beauté comme de la vigueur, et parce qu’elle donne aux jambes un écartement qui empêche l’embarras de l’allure. Au sortir de la poitrine, le cou ne doit pas pencher comme celui d’un sanglier, mais il doit remonter en ligne droite comme chez le coq, et être évidé à l’endroit de la flexion. La tête doit être sèche et la ganache[7] petite, de sorte que l’animal ait son cou devant le cavalier, et qu’il voie bien à ses pieds. Un cheval dans cette attitude ne forcera jamais la main, quelque fougueux qu’on le suppose : car ce n’est pas en se ramenant, mais en tendant le cou et la tête, que les chevaux essayent de s’emporter. Il faut encore examiner si les deux barres[8] sont sensibles, dures ou inégales : car d’ordinaire les chevaux qui les ont inégales ont la bouche fausse[9].
L’œil à fleur de tête est plus vif que l’œil enfoncé, et la vue a plus d’étendue. Les naseaux ouverts annoncent plus d’haleine, et donnent au cheval une expression plus terrible que des narines resserrées : c’est, en effet, lorsqu’il est irrité contre un autre, ou lorsqu’il s’anime contre le cavalier, qu’il ouvre davantage les naseaux.
Le front large, les oreilles petites, caractérisent mieux la tête du cheval. Le garrot élevé offre au cavalier une assiette plus sûre, ainsi que le moyen de mieux se lier aux épaules. Les reins doubles sont plus doux pour le cavalier[10] qu’une épine saillante et sont plus agréables à l’œil. La côte ample et un peu arrondie vers le ventre contribue à donner au cheval de l’agrément, du fonds et de la facilité d’entretien. Plus le rein sera large et court, plus le cheval aura d’aisance à enlever le devant et à engager l’arrière-main[11]. En outre, le flanc en paraîtra plus court, tandis que, lorsqu’il est long, il défigure le cheval et lui donne l’air faible et pesant. La croupe doit être large et charnue, afin de répondre aux reins et au poitrail.
Si l’ensemble est fort, il donnera plus de légèreté pour la course et rendra le cheval plus agile. Les cuisses, au-dessous de la queue, doivent être séparées par une large raie : de la sorte, les jambes de derrière étant bien espacées, le cheval y gagnera de la légèreté et de la force dans ses aplombs et dans ses allures, et son ensemble sera parfait. La preuve en est chez l’homme : s’il veut enlever de terre un fardeau, c’est en écartant les jambes et non en les rapprochant qu’il essaye d’y parvenir[12]. Il ne faut pas que le cheval ait les testicules grands ; ce qu’on ne peut apercevoir dans le poulain. Quant aux jarrets, aux canons, aux boulets et aux pieds de derrière, on peut y appliquer ce que nous avons dit de l’avant-main.
Je veux indiquer à présent le moyen de ne pas se tromper de beaucoup sur la taille future d’un jeune cheval. Le poulain qui, en naissant, a les jambes longues, annonce qu’il sera très-grand : car, avec les années, les jambes des quadrupèdes ne prennent pas beaucoup d’accroissement, mais c’est le reste du corps qui s’accroît pour se mettre en harmonie avec elles.
Ceux qui font ces observations en achetant un poulain auront, je crois, un jour un cheval bien chaussé, robuste, étoffé, bien fait et d’une bonne grandeur. Quoiqu’il y en ait qui changent dans la crue, les avis que je donne n’en sont pas moins sûrs, car on voit plus de poulains difformes devenir de beaux chevaux qu’on n’en voit se déformer en grandissant.
CHAPITRE II.
Pour ce qui regarde l’élève des poulains, je ne vois rien à dire. La cavalerie, en effet, se recrute dans nos villes parmi les citoyens les plus riches, ceux qui ont la plus grande part aux affaires. Or, au lieu de dresser des poulains, il importe beaucoup plus à un jeune homme de fortifier sa santé et de s’instruire dans l’équitation, ou, s’il sait déjà monter, de s’exercer au maniement du cheval. D’autre part, il convient mieux à un vieillard de s’occuper de sa maison, de ses amis, des affaires politiques ou militaires, que de passer son temps à élever des chevaux. Celui donc qui pensera comme moi, donnera son poulain à dresser.
Il doit en être, sous ce rapport, comme d’un enfant qu’on met en apprentissage ; on fixera par écrit ce que le cheval doit savoir quand on le reprendra dressé. Ce sera, pour le dresseur, un programme à suivre exactement, s’il veut toucher le prix convenu.
On veillera toutefois à ce que le poulain soit livré au dresseur déjà souple, maniable, ami de l’homme. Or, c’est surtout à la maison que le palefrenier lui fait acquérir ces qualités, s’il prend soin que l’animal, laissé à lui-même, ait à endurer la faim, la soif, les piqûres des mouches, et qu’il doive, au contraire, aux mains de l’homme le boire, le manger, la fin de toute espèce d’incommodité. Par ce moyen, les jeunes chevaux non-seulement aimeront l’homme, mais le désireront auprès d’eux.
Il faut surtout caresser les parties où le cheval aime à être touché. Ce sont celles où le poil est le plus épais, et que le cheval ne peut défendre, lorsque quelque chose l’incommode. Ordonnez aussi au palefrenier de mener le poulain dans la foule, de l’approcher de toute espèce d’objets, de toute espèce de bruits. S’il en a peur, ce n’est pas en le rudoyant, mais en le prenant par la douceur, qu’on lui montrera que rien de cela n’est à craindre. Ces conseils sur l’élève du poulain me paraissent devoir suffire à ceux qui n’en ont pas la pratique.
CHAPITRE III.
Quand on achètera un cheval dressé, il faudra se rappeler les recommandations suivantes, écrites pour ceux qui ne veulent pas être trompés dans leur achat. D’abord qu’on n’oublie pas de s’assurer de l’âge[13] : le cheval qui ne marque plus ne donne pas d’espérances pour la suite et n’est pas d’une défaite aussi facile. Quand on est sûr qu’il a de la jeunesse, il faut s’assurer comment il reçoit le mors à la bouche, et la têtière aux oreilles. L’acheteur le saura en faisant brider et débrider le cheval devant lui. Il faut ensuite porter son attention à la manière dont il reçoit le cavalier sur son dos ; car il y a beaucoup de chevaux qui reçoivent mal ce qu’ils sentent être pour eux l’annonce d’un travail forcé. On observera ensuite si, lorsqu’il est monté, il ne refuse pas de quitter les autres chevaux, si, en passant près de chevaux arrêtés, il n’essaye pas d’y emporter son homme : car il y a des bêtes si mal dressées, qu’elles s’enfuient du manége dans l’écurie.
On s’assurera qu’un cheval a la bouche fausse[14], en le soumettant à l’exercice qu’on appelle l’entrave, mais surtout par le changement de main. La plupart, en effet, ne cherchent à s’emporter que quand ils s’appuient sur la partie insensible de la bouche, et qu’ils sont entraînés vers la maison.
Il faut encore savoir si le cheval, lancé à toutes jambes, s’arrête court et veut se retourner ; et il est bon de connaître, par expérience, si, averti par une correction sévère, il veut encore obéir[15]. On ne peut rien faire d’un valet ou d’une armée désobéissante ; de même un cheval rétif est non-seulement inutile, mais souvent il agit en traître.
Quand nous avons l’intention d’acheter un cheval de campagne, il faut essayer d’abord s’il est dressé à toutes les manœuvres que la guerre exige ; c’est à savoir de franchir les fossés, sauter les murs, s’élancer de haut en bas et de bas en haut sur des tertres, galoper dans les montées, dans les descentes ou sur le flanc des collines. Toutes ces épreuves montrent s’il a le corps sain et le cœur généreux. Il ne faudrait pourtant pas rejeter un cheval qui ne ferait pas tout cela dans la perfection ; chez un grand nombre de chevaux, ce sont moins les moyens que l’expérience qui manque.
Le montage, l’habitude, l’exercice, les amèneront à bien faire, du moment qu’ils sont bien portants et qu’ils ont du cœur. Il faut se méfier toutefois d’un cheval sur l’œil : le cheval ombrageux ne permet pas de donner sur l’ennemi ; souvent même il renverse son cavalier et lui cause de fâcheux accidents. On doit encore observer s’il est méchant soit avec les chevaux, soit avec les hommes, et s’il est trop chatouilleux ; car avec de pareils défauts il donne beaucoup de peine à son maître.
Pour connaître plus facilement si le cheval se refuse à être bridé, monté, et s’il résiste aux autres exercices qu’on exige de lui, il faut, à la fin des exercices, essayer de lui faire recommencer tout ce qui les précède. S’il se prête aux mêmes manœuvres, c’est une preuve certaine de son courage. En résumé, un cheval qui a de bons pieds, un caractère doux, des jarrets suffisamment légers, la volonté et les moyens de supporter le travail, ne causera probablement aucun accident à son cavalier et le sauvera dans les dangers de la guerre. Mais les chevaux lâches qui ne vont qu’à force d’aiguillon, de même que ceux qui, par trop d’ardeur, exigent beaucoup d’attention et de caresses, occupent trop la main du cavalier et découragent dans les moments critiques[16].
CHAPITRE IV.
Lorsque, épris d’un cheval, on en a fait l’acquisition et qu’on l’a mené chez soi, il est bon que l’écurie soit dans une partie de la maison où le maître puisse avoir souvent l’œil sur son cheval : il n’est pas mauvais non plus qu’elle soit faite de manière qu’on ne puisse pas plus voler de nourriture au râtelier du cheval qu’au buffet du maître. Négliger ce soin, c’est, selon moi, se négliger soi-même, puisqu’il est clair que, dans les dangers, le maître confie sa personne à son cheval. Et ce n’est pas seulement à voir si l’on ne dérobe rien au cheval que sert une écurie bien disposée, mais à s’assurer si le cheval lui-même ne jette point son manger. Quand on s’aperçoit de ce dégoût, on a la preuve certaine que le cheval a trop de sang, et qu’il faut l’en délivrer, que, trop fatigué, il a besoin de repos, qu’il a une indigestion d’orge ou qu’il couve quelque autre maladie[17]. Il en est du cheval comme de l’homme : tous les maux débutants sont plus faciles à guérir que quand ils sont invétérés ou que la cure a été manquée.
Mais, s’il faut au cheval de la nourriture et de l’exercice pour lui fortifier le corps, il n’est pas moins nécessaire de lui soigner les jambes[18]. Une cour humide et unie gâte les meilleurs pieds. Pour éviter l’humidité, il faut donner de la pente, et, pour que le sol ne soit pas uni, on fera un lit de pierres enfoncées l’une à côté de l’autre, et à peu près de la grosseur du sabot. Une cour ainsi disposée fortifiera les pieds du cheval, même au repos. Seulement le palefrenier doit l’y conduire pour le panser, et l’y attacher, en l’ôtant de sa mangeoire après le dîner, afin qu’il soupe avec plus d’appétit.
On rendra également sa cour excellente, et on fortifiera les pieds du cheval, en y répandant quatre ou cinq tombereaux de cailloux, ronds, gros comme le poing, du poids d’une mine[19], et entourés d’une bordure de fer, pour qu’ils ne s’éparpillent pas. En se tenant là-dessus, le cheval s’exercera une partie du jour, comme sur une route pierreuse. D’ailleurs, tandis qu’on l’étrille ou qu’il s’agite pour chasser les mouches, il se sert nécessairement de ses pieds comme s’il marchait. Un autre avantage, c’est que ces pierres roulantes lui durciront les fourchettes. Cependant, autant il faut durcir les sabots, autant on doit chercher à rendre la bouche tendre[20]. Or, on attendrit par les mêmes moyens la peau de l’homme et la bouche du cheval.
CHAPITRE V[21].
Je crois qu’un homme de cheval doit avoir un palefrenier qui sache s’y prendre avec les chevaux. Il doit donc savoir qu’il ne faut jamais nouer le licou à l’endroit où pose la têtière, parce que le cheval, en se frottant souvent la tête à la mangeoire, s’écorcherait les oreilles, si le licou n’était pas bien placé ; or, ces parties une fois endommagées, le cheval serait plus difficile à brider et à panser. Il est bon aussi d’enjoindre au palefrenier d’enlever chaque jour le fumier et la litière, et de les porter dans un endroit désigné : l’habitude une fois prise, il le fera sans peine, et le cheval s’en trouvera mieux. Le palefrenier doit aussi savoir que, quand il mène son cheval au pansage et à l’endroit où il se roule, il faut lui mettre la muselière, ce qu’il faut faire encore chaque fois qu’on ne met pas la bride : la muselière, en effet, permet au cheval de respirer et l’empêche de mordre ; et il n’est rien qui l’empêche plus sûrement de jouer de mauvais tours.
C’est à la partie supérieure de la tête qu’il faut attacher le cheval : car tout ce qui le gêne autour de la face, il cherche à s’en débarrasser, en haussant la tête, et, par ce mouvement, attaché comme nous l’avons dit, il relâche le lien plutôt qu’il ne le rompt.
Pour le pansement, commencer par la tête et la crinière ; tant que le haut n’est pas propre, inutile de nettoyer le bas ; puis, pour tout le corps, relever le poil avec tous les instruments de pansage, et abattre la poussière à contre-sens. Le poil des reins seul ne doit être touché avec aucun instrument, mais frotté et lissé avec la main dans le sens naturel ; de cette façon, l’on ne risquera pas de blesser la place où s’assied le cavalier. Laver la tête : comme cette partie est tout osseuse, si on la nettoyait avec du fer ou du bois, on ferait mal au cheval. Mouiller le toupet : la longueur des crins ne gêne pas la vue et sert à écarter de l’œil les objets qui pourraient l’offenser. Il faut croire que les dieux ont donné au cheval un long toupet, comme aux ânes et aux mulets de longues oreilles, pour qu’ils se garantissent les yeux de ce qui pourrait leur nuire.
Laver également la queue et la crinière, puisqu’il faut laisser pousser des crins à la queue, pour que le cheval, atteignant le plus loin possible, éloigne ce qui le gêne ; à la crinière, pour que le cavalier ait sous la main un point d’appui solide. D’ailleurs les dieux ont donné comme ornements au cheval la crinière, le toupet et la queue. La preuve, c’est que les juments des haras ne se laissent pas saillir par les ânes, tant qu’elles ont tous leurs crins ; et voilà pourquoi tout le monde les fait tondre quand on veut les faire saillir par des ânes.
Nous supprimons le lavage des jambes ; cette ablution journalière est inutile ; elle nuit même à la corne, tandis que l’eau conserve la crinière et la queue longues et touffues. On évitera aussi de laver le dessous du ventre : cette opération chagrine beaucoup le cheval, et, plus cette partie est propre, plus les mouches s’y portent et le gênent : d’ailleurs on se donnerait pour rien toutes les peines à cet égard, car le cheval n’est pas plus tôt sorti de l’écurie qu’il ressemble bien vite à ceux qu’on n’a pas nettoyés. On renoncera donc à ce soin : pour les jambes, il suffira de les frotter avec les mains.
CHAPITRE VI.
Nous allons indiquer la méthode de pansage la plus sûre pour le palefrenier et la plus utile pour le cheval. Si on se place directement dans le sens où regarde l’animal pour le nettoyer, on s’expose à en être frappé au visage avec les genoux ou avec les pieds ; si, au contraire, on lui fait face pour le panser, en se mettant hors de la portée de sa jambe et accroupi le long de l’épaule, on n’aura rien à redouter et l’on sera à même de lui nettoyer la sole en lui levant les pieds. On s’y prendra de même pour les jambes de derrière. Une chose que l’homme d’écurie doit savoir, c’est que, soit pour le pansage, soit pour tout ce qu’il a à faire, il faut aborder le cheval le moins possible par devant ou par derrière : car, si le cheval veut nuire, de ces deux côtés il a l’avantage sur l’homme, tandis qu’en l’approchant par le flanc on sera en sûreté et certain d’en venir à bout.
Pour mener un cheval en main, je n’approuve pas la méthode de le faire marcher derrière soi, parce que, d’une part, le conducteur n’est pas à même de le surveiller, et que, de l’autre, le cheval peut faire tout ce qu’il veut. Lui apprendre à marcher devant soi, en le conduisant au moyen d’une grande longe, est un moyen que nous désapprouvons également, parce qu’il peut ou blesser de tel côté qu’il voudra, ou se retourner pour faire tête à son conducteur. Et si l’on en a plusieurs à conduire, comment les empêcher de s’attaquer les uns les autres ? Au lieu qu’un cheval accoutumé à marcher à côté de vous ne pourra nuire ni aux hommes ni aux chevaux, et en même temps il sera à belle pour le montoir, si l’on est obligé de sauter dessus en toute hâte.
Pour bien brider un cheval, le palefrenier commence par l’aborder du côté gauche ; puis, lui passant les rênes pardessus la tête, il les pose sur le garrot ; il tient ensuite la têtière avec la main droite, et de la main gauche il présente le mors. Si le cheval le reçoit, il est clair qu’il faut le coiffer ; mais s’il refuse d’ouvrir la bouche, alors on tient le mors contre les dents et l’on introduit dans la bouche le doigt du milieu de la main gauche : presque tous les chevaux cèdent à cette pression. Si cependant il refuse encore, on presse fortement la lèvre auprès du crochet[22], et il est très-peu d’animaux qui refusent, maniés ainsi.
Le palefrenier doit encore savoir, premièrement qu’il ne faut pas mener le cheval par la bride, ce qui lui gâte la bouche ; en second lieu, à quelle distance des molaires le mors doit se placer : trop près, il durcit la bouche et la rend insensible ; trop descendu vers l’extrémité de la bouche, le cheval a la faculté de le prendre aux dents et de ne plus obéir. On prendra bien garde d’irriter le cheval pendant cette opération, si l’on veut qu’elle serve à quelque chose. En effet, il est si essentiel que le cheval veuille prendre le mors, que celui qui refuse est complétement inutile. Si on le bride, non-seulement quand il doit travailler, mais encore quand on le mène au repos ou qu’on le reconduit du manége à la maison, il ne serait pas étonnant qu’il prît le mors de lui-même.
C’est une bonne chose que le palefrenier sache enlever à cheval, à la mode perse, afin que le maître, malade ou âgé, ait un homme qui le place commodément à cheval, et qu’il puisse procurer à qui bon lui semblerait le même service. Ne jamais user de colère avec les chevaux est un bon précepte, une excellente habitude. La colère ne raisonne pas, et elle fait souvent faire des choses dont on est forcé de se repentir. Quand un cheval s’effraye d’un objet et refuse d’en approcher, il faut lui faire comprendre qu’il n’a rien à craindre, surtout si c’est un cheval de cœur ; autrement, il faut aller toucher soi-même ce qui lui fait ombrage et l’y amener ensuite avec douceur. Ceux qui les y contraignent à force de coups ne font qu’augmenter leur frayeur : car les chevaux s’imaginent que la douleur qu’ils éprouvent dans cette circonstance leur vient de l’objet qui les effraye.
Quand le palefrenier, en présentant le cheval au cavalier, le fait plier de manière à rendre le lever plus facile, c’est une manière que je ne blâme nullement ; je crois pourtant nécessaire de s’exercer à monter sans que le cheval baisse la croupe ; car le hasard vous fait tomber tantôt sur un cheval, tantôt sur un autre, et l’on n’a pas toujours là le même palefrenier.
CHAPITRE VII.
Supposons que le cavalier s’est fait amener son cheval et qu’il va monter : nous allons dire quels principes d’équitation il doit suivre pour son avantage et pour celui du cheval. Il faut d’abord que de la main gauche le cavalier saisisse convenablement les rênes auprès du mors ou de la gourmette, et que ces rênes soient lâches, de manière que, soit qu’il empoigne, pour monter, les crins voisins des oreilles, soit qu’il s’enlève au moyen de sa pique, il ne tire point son cheval.
De la main droite, il prendra les rênes près du garrot avec une poignée de crins, de sorte qu’en montant il ne tire point avec le mors sur la bouche de la bête. Quand il aura pris son élan pour se mettre en selle, il doit s’enlever de terre en s’aidant de la main gauche et en étendant en même temps la main droite. Par là, son ascension, même par derrière, ne sera point disgracieuse. Ensuite, la jambe une fois pliée, qu’il ne pose point le genou sur le dos du cheval, mais qu’il passe la cuisse par-dessus pour arriver au côté droit ; puis, le pied, grâce à ce mouvement gyratoire, se trouvant à sa place, l’homme s’établira sur ses fesses. Comme il peut arriver à un cavalier de mener son cheval de la main gauche et de tenir sa javeline de la droite, nous trouvons bon qu’il s’accoutume à monter du côté droit. Toute sa science se réduit alors à faire de la gauche ce qu’il faisait de la droite, et de la droite ce qu’il faisait de la gauche. Je loue fort cette méthode, parce que, aussitôt monté, on est prêt à tout, s’il faut soudainement en venir aux mains avec l’ennemi.
Le cavalier, monté à poil ou sur selle, ne doit pas, à mon gré, se tenir assis comme sur un siége, mais droit, comme s’il était debout, les jambes écartées. De cette manière on tient mieux son cheval entre les cuisses, et cette attitude droite donne plus de force soit pour lancer le javelot, soit pour frapper de près, au besoin. À partir du genou, la jambe et le pied doivent tomber librement. Roide, la jambe pourrait se casser au moindre heurt, au lieu que, pendante, si quelque chose la heurte, elle cède et ne dérange pas la cuisse[23].
Le cavalier doit aussi s’accoutumer à mettre la plus grande souplesse dans le haut du corps, à partir des hanches ; il en aura plus de liberté dans les mouvements[24] et risquera moins d’être renversé, s’il vient à être pressé ou tiré.
Lorsqu’il est monté, il doit apprendre à son cheval à rester tranquille jusqu’à ce qu’il ait fait disparaître les plis qui peuvent le gêner, qu’il ait ajusté ses rênes et pris sa lance de la manière la plus commode. Il doit alors placer le bras gauche près du corps, moyen d’avoir plus de tournure et la main plus puissante.
J’aime les rênes égales, fortes, qui ne soient ni glissantes ni épaisses, afin que la main puisse tenir en même temps la lance en cas de besoin.
Lorsque le cheval est prévenu de partir, il faut commencer par le mettre au pas ; c’est le moyen d’éviter tout désordre. Tenez la main haute, s’il porte bas, et basse, s’il lève le nez ; c’est ainsi que vous lui donnerez une bonne position. Laissez-le ensuite trotter naturellement ; il s’assouplira ainsi sans souffrance, et se présentera graduellement au galop. Or, comme il est reçu de partir au galop du pied gauche, le plus sûr, pour y réussir, c’est, quand on est au trot, de saisir l’instant où le pied gauche est levé pour indiquer le galop : car, si le cheval est sur le point de lever le pied gauche, il commencera par là ; puis, si vous tournez à gauche, il entamera le galop de ce côté, vu qu’il est dans la nature du cheval d’avancer la partie droite, quand il tourne à droite, et la gauche, quand il tourne à gauche.
Nous approuvons l’exercice appelé l’entrave : le cheval y apprend à sentir les deux mains ; et l’on fera bien d’y passer d’une barre à l’autre, afin que toutes deux deviennent également sensibles. Je préfère l’exercice de l’ovale à celui du cercle. Le cheval, fatigué de la ligne droite, prendra plus facilement cette leçon, qui le formera tout ensemble à courir devant lui, et à s’arrondir. Il faut soutenir la main dans les tournants ; car il n’est ni facile ni sûr de tourner de vitesse dans un petit espace, et d’ailleurs le terrain peut être incliné ou glissant. En le soutenant, il faut se porter sur les hanches le moins possible et ne se point trop pencher soi-même ; autrement, on doit savoir que, dans cette position, la plus petite chose peut faire tomber cheval et cavalier.
Lorsque, la ligne circulaire parcourue, le cheval se retrouve en ligne droite, c’est le moment de le lancer au galop : car on sait qu’à la guerre les demi-tours se font pour charger et pour battre en retraite. Il importe donc d’habituer le cheval à galoper après une conversion.
Quand on croira que le cheval a suffisamment travaillé, il sera bon, après un moment de repos, de le lancer soudain au grand galop, en le portant vers les autres chevaux ou en l’isolant ; puis, une fois lancé, de l’arrêter court, et, après un temps d’arrêt, de le lancer encore. Il est évident que le cava » lier aura besoin de tous ces mouvements.
Le moment de mettre pied à terre est-il arrivé, ne descendez ni parmi d’autres chevaux, ni près de la foule, ni hors du champ de manœuvre ; mais qu’à l’endroit où le cheval est contraint de travailler, il y trouve aussi le repos.
CHAPITRE VIII.
Comme il faut que le cheval, suivant l’occurrence, coure sur des pentes rapides, droites, obliques, qu’il saute en long, de bas en haut et de haut en bas, le cavalier doit apprendre toutes ces manœuvres et y exercer son cheval, moyen infaillible de se sauver et de se servir l’un l’autre. Si l’on croit que nous tombons dans une redite, parce que nous avons parlé de cela plus haut, nous répondons que ce n’en est pas une. En effet, quand il s’agissait de l’achat, nous recommandions d’essayer si le cheval serait propre à ces manœuvres ; à présent, nous disons qu’il faut l’instruire, et nous allons exposer comment on l’instruit.
Quand on a un cheval qui ne sait pas du tout sauter un fossé, on le prend par la longe, qu’on tient lâche, et l’on saute le premier ; puis on tire la longe à soi pour le faire sauter ; s’il refuse, on a là quelqu’un muni d’un fouet ou d’une baguette, qui le pousse vigoureusement. Il saute alors, non pas ce qui est nécessaire, mais beaucoup plus qu’il ne faut. À l’avenir, il n’y aura plus besoin de le frapper ; dès qu’il sentira quelqu’un derrière lui, il sautera. Une fois accoutumé à sauter ainsi, on le monte et on le présente à de petits obstacles, puis à de plus grands : au moment où il va s’élancer, on l’éperonne. Pour sauter de haut en bas et de bas en haut, on l’éperonne de même : car, en se ramassant pour le mouvement, il est bien plus sûr pour lui même et pour le cavalier, que s’il s’arrêtait sur cul dans le fossé, la descente ou la montée.
Pour l’exercer à la descente, on choisira d’abord une terre molle : l’habitude une fois prise, il courra plus volontiers en descendant qu’en montant. Ceux qui redoutent de briser les épaules de leurs chevaux en galopant dans les descentes, qu’ils se rassurent : les Perses et les Odryses font tous des courses sur des pentes rapides, et leurs chevaux sont aussi nets que ceux des Grecs.
Nous ne manquerons pas de dire comment l’homme doit se comporter dans chacun de ces mouvements. Quand le cheval part tout à coup, il faut d’abord porter le corps en avant, afin que le cheval puisse moins se dérober et jeter à bas son homme ; l’instant d’après, s’il s’arrête court, on le porte en arrière, ce qui affaiblit la secousse. Quand on saute un fossé, ou qu’on gravit une montée, il est bon de prendre une poignée de crins, afin d’éviter que le cheval soit gêné à la fois par la nature du terrain et par l’appui du mors. À la descente, on portera le corps en arrière et on soutiendra la bride, de peur que homme et cheval ne culbutent.
Il n’est pas mauvais de varier le lieu des exercices, et de les faire durer tantôt plus, tantôt moins. Le cheval se dégoûte moins que s’il travaille toujours de la même manière et dans le même endroit. Comme il est nécessaire par tous pays que le cavalier, en galopant, soit bien lié à sa monture, et qu’il puisse de dessus son cheval bien user de ses armes, il ne faut pas blâmer l’exercice de la chasse à courre sur des terrains favorables et giboyeux. Si l’on n’en a pas à proximité, voici un bon exercice : deux cavaliers se concertent : l’un fuit à toute bride sur toute espèce de terrains et s’éloigne la lance en arrière ; l’autre le poursuit avec des javelots arrondis par le bout et une lance de même forme. Il faut qu’arrivés à la portée du trait, ce dernier lance ses javelots arrondis sur le fuyard, et que, à portée de la lance, il le frappe de son arme. C’est encore une chose excellente, quand ils en viennent aux mains, de tirer à soi son adversaire, puis de le repousser tout à coup ; rien ne vaut mieux pour le jeter à bas. De son côté, celui qui est tiré fera bien de lancer aussitôt son cheval. Par là, il culbutera son adversaire, au lieu d’en être culbuté.
Supposons maintenant deux camps assis l’un en face de l’autre ; on escarmouche des deux parts : on poursuit ses adversaires jusqu’à la phalange opposée, et l’on se replie ensuite sur la sienne. Or, voici, en pareil cas, ce qu’il est bon de savoir : tant que l’on n’est pas loin de son parti, le meilleur et le plus sûr, c’est, après une demi-volte, de se lancer sur l’ennemi et de lui tenir vigoureusement tête ; puis, quand on arrive près du parti opposé, de retenir son cheval en main. De la sorte, on fait certainement du mal aux ennemis, qui ne peuvent vous faire aucun mal.
L’homme a dans la parole, que lui ont donnée les dieux, le moyen d’enseigner à l’homme ce qu’il doit faire ; mais il est clair qu’on ne peut, avec le même moyen, rien apprendre au cheval. Fait-il ce que vous voulez, caressez-le ; châtiez-le, s’il désobéit : voilà comme il apprendra à bien faire son service[25]. Ceci, toutefois, n’est pas long à dire, mais exige une pratique continuelle de l’équitation. Le cheval recevra le mors plus volontiers si, en le recevant, il en résulte pour lui quelque bien ; il sautera les fossés, il s’élancera de bas en haut, il fera tout ce qu’on exigera de lui, si l’obéissance lui procure un peu de repos.
CHAPITRE IX.
Dans ce qui a été dit jusqu’ici, nous avons indiqué le moyen de déjouer la fraude dans l’acquisition d’un poulain et d’un cheval, et la manière de s’en servir sans le gâter, surtout si le cavalier veut le montrer comme ayant toutes les qualités requises pour un cheval de guerre. Le moment paraît être venu d’enseigner à tirer, au besoin, le meilleur parti possible d’un cheval trop vif ou trop paresseux.
Et d’abord il faut se faire cette idée, que la fougue, chez le cheval, est la même chose que la colère chez l’homme. L’homme ne se met pas en colère quand on ne l’offense ni en paroles ni en actions ; de même on n’irrite point un cheval fougueux en évitant de le chagriner. Il faut donc tout d’abord, en le montant, avoir soin de né pas lui causer de souffrance. Une fois à cheval, tenez-le en place plus longtemps que tout autre, et portez-le en avant par les moyens les plus doux[26].
Vous commencez par les allures les plus lentes, puis vous passez successivement au trot et au galop, sans que le cheval s’en aperçoive. Tout ordre transmis brusquement par le cavalier trouble un cheval ardent, comme tout ce qu’un homme voit, entend ou souffre contre son attente. Il faut savoir que tout ce qui est subit lui donne de l’inquiétude. Voulez-vous retenir un cheval ardent qui cherche à gagner, il ne faut pas, pour l’arrêter, tirer tout d’un coup, mais user moelleusement de la bride, le ralentissant avec douceur, et non de force[27]. Les exercices sur la ligne droite apaisent mieux les chevaux que les changements de direction répétés, et les allures modérées éteignent peu à peu l’ardeur du cheval, dont elles calment la fougue au lieu de l’animer. Croire que des courses vives et fréquentes, où l’on fait renoncer le cheval, servent à le calmer, c’est se tromper du tout au tout : car, mené ainsi, le cheval ardent essaye de son côté de gagner de violence ; et, dans sa fougue, comme l’homme colère, il peut se faire, ainsi qu’à son cavalier, des maux sans remède.
On prendra garde qu’un cheval ardent ne parte avec trop de vitesse, mais on évitera surtout qu’il ne lutte de vitesse avec un autre cheval : car presque tous les chevaux qui ont le plus d’émulation sont aussi les plus fougueux.
Les mors doux leur conviennent mieux que les durs ; et, si le cheval est embouché avec un dur, rendez-le doux par la légèreté de la main[28].
Il est bon de s’accoutumer soi-même à être calme, surtout sur un cheval ardent, et à n’avoir avec lui que les points de contact qui nous sont indispensables pour l’assiette[29]. Un précepte excellent à connaître, c’est qu’on calme un cheval par un sifflement et qu’on l’excite par un coup de langue. Toutefois, si, dès le commencement, on faisait suivre le coup de langue d’une caresse, et le sifflet d’une correction, le cheval apprendrait à partir au sifflement, et à s’arrêter au coup de langue[30]. De même, il ne faut pas, au cri de guerre ou au son de la trompette, paraître troublé à son cheval, et lui présenter rien qui le trouble ; mais, autant que possible, calmez-le, et même, si vous le pouvez, offrez-lui son déjeuner ou son souper.
Le meilleur conseil à suivre, c’est de ne jamais choisir un animal fougueux pour cheval de campagne. Quant au cheval froid, il me suffira de dire qu’on doit le traiter par une méthode opposée à celle qui convient au cheval ardent.
CHAPITRE X.
Si l’on veut avoir un cheval de guerre qui ait de belles allures et qui se fasse regarder, il ne faut pas lui lever la tête en même temps qu’on l’actionne du fouet et de l’éperon[31] : beaucoup de gens croient lui donner ainsi du brillant, mais il arrive à ces gens-là le contraire de ce qu’ils veulent. En effet, en lui relevant trop la tête, on empêche le cheval de voir devant soi, on le rend aveugle ; en l’éperonnant et en le fouettant, on l’effraye au point qu’il se trouble et vous met en danger : or, c’est justement ce qui arrive aux chevaux qui se plient avec le plus de peine aux exercices du manége, et qui s’y comportent mal, au lieu de s’y distinguer. Mais si l’on apprend à un cheval à manœuvrer à brides lâches, et à relever le cou en ramenant la tête, on lui fera faire ainsi ce qui lui plaît et ce qui le flatte. La preuve qu’il y prend plaisir, c’est que, lorsqu’il approche d’une troupe de chevaux et surtout de juments, il relève le cou et ramène la tête avec fierté, lève les jambes avec souplesse, et porte la queue haute. Si donc on exige de lui l’habitude qui lui donne le meilleur air, on se créera un cheval heureux de sa prestance, superbe, brillant, regardé.
Comment croyons-nous qu’on y arrive, nous allons essayer de le dire. D’abord il faut avoir toujours deux embouchures, jamais moins. L’une sera lisse, avec des olives d’une bonne grandeur ; l’autre aura des olives lourdes et étroites, avec des cannelures coupantes. Si le cheval vient à saisir celle-ci, sa dureté le rebutera et la lui fera lâcher, tandis que, s’il prend la première, il s’y plaira, à cause de sa douceur, et exécutera avec le mors doux ce qu’il aura appris avec le dur. Toutefois il peut en venir à braver l’embouchure douce et à peser dessus ; c’est pour cela que nous avons mis de grandes olives à l’embouchure douce, afin de le forcer à ouvrir la bouche et à lâcher le fer.
On peut d’ailleurs corriger autant qu’on veut la dureté du mors, en lâchant ou en retenant la main[32] ; mais, quelle que soit l’embouchure dont on se sert, elle doit être coulante. Si elle est roide, le cheval la tiendra tout entière, de quelque manière qu’il l’ait prise ; comme une broche qu’on fixe tout entière, quel que soit le point par lequel on la saisit. L’autre fait l’effet d’une chaîne : ce qu’on en tient seul est fixe ; le reste fléchit ; et le cheval, cherchant continuellement la partie qui lui échappe, lâche le mors. C’est aussi pour cela que l’on suspend des anneaux[33] au milieu du mors, afin que le cheval, en cherchant à les prendre avec la langue et les dents, ne pense pas à saisir le mors[34].
Si l’on ne sait pas ce que l’on entend par embouchure coulante ou dure, nous allons l’expliquer. Une embouchure est coulante, lorsque les brisures des axes sont assez larges et assez polies pour jouer aisément, et que toutes les pièces qui sont traversées par les axes ont une ouverture qui leur permet de glisser et de rouler sans peine. Au contraire, lorsque toutes les parties du mors se séparent ou se réunissent difficilement, l’embouchure est dure. Mais, quelle qu’elle soit, voici ce qu’on doit faire pour donner au cheval la beauté d’allure dont il a été question. Il faut lever la main sans dureté, car le cheval secouerait la tête ; ni trop mollement, il ne le sentirait pas[35]. Si, au temps d’arrêt, il lève la tête, rendez aussitôt la main[36]. Il faut ensuite, nous ne nous lassons pas de le dire, il faut, si le cheval a bien fait, l’en récompenser. Vous apercevez-vous qu’il se plaît dans une belle position de tête et dans un léger appui, ne faites rien qui puisse le chagriner, comme si vous vouliez en exiger quelque chose ; au contraire, flattez-le, comme si vous n’aviez plus rien à lui demander. Par ce moyen il prend confiance, et arrive plus sûrement aux allures rapides.
Le cheval aime à courir : la preuve, c’est que, quand il s’échappe, il ne prend point le pas, mais le galop. Il est dans sa nature d’aimer une course rapide, à moins que l’on ne l’y force trop longtemps : passé la mesure, il n’y a de plaisir ni pour l’homme ni pour le cheval.
Lors doncque le cheval arrive à prendre une allure fière, accoutumé d’ailleurs dès les premiers exercices à partir de vitesse après une demi-volte, si, montant un cheval ainsi dressé, le cavalier le retient de la main et lui indique en même temps de partir, alors, retenu par la bride et poussé par les aides, il s’anime, se précipite le poitrail en avant et les jambes en haut, mais sans souplesse, vu que les jambes d’un cheval n’ont jamais de souplesse quand il souffre. Si, au contraire, après lui avoir fait sentir l’éperon, vous lui rendez la main, le peu de tension des rênes lui fait croire qu’il est libre, et, dans le plaisir qu’il en éprouve, il prend une position magnifique, imitant, par le moelleux et la fierté de son allure, le cheval qui fait le beau auprès des autres chevaux. Et alors ceux qui le voient disent que voilà un cheval généreux, dispos, bien dressé, plein de cœur, superbe, à la fois doux et terrible à voir[37]. Si donc il est quelqu’un qui souhaite pareil succès, que cela soit écrit pour lui.
CHAPITRE XI[38].
Si vous voulez un cheval de parade qui s’enlève, qui ait de l’éclat, vous n’aurez pas ces avantages de toute espèce de chevaux, mais il en faut un qui réunisse une grande âme à un corps vigoureux[39]. Il y a des gens qui se figurent que tout cheval qui a du moelleux est capable de s’enlever ; il n’en va point ainsi. Ce sera plutôt celui dont le rein est court, souple et fort ; et je veux désigner ici non les parties qui avoisinent la queue, mais celles qui s’étendent entre les côtes et les cuisses vers les flancs : un cheval ainsi fait pourra engager franchement les jambes de derrière sous son avant-main.
Si, après l’avoir placé dans cette position, vous marquez un temps d’arrêt, il s’assiéra sur les jarrets, relèvera l’avant-main de manière à montrer à ceux qui lui font face son ventre et ses testicules. Quand il fait ce mouvement, rendez-lui la main, et alors on verra qu’il prend lui-même la plus belle pose du cheval[40]. Quelques personnes ont aussi pour méthode, afin d’apprendre ce mouvement au cheval, les unes de toucher le dessous des genoux avec une baguette ; les autres, de faire courir à côté du cheval un homme qui lui frappe avec un bâton le dessous des bras[41]. Mais le meilleur moyen de l’instruire, selon nous et d’après notre recommandation incessante, c’est que, quand le cheval a accompli quelque chose au gré du cavalier, on lui accorde un instant de relâche. En effet, comme le dit Simon, dans ce qu’il fait malgré lui le cheval ne met pas plus d’intelligence ni de grâce qu’un danseur qu’on fouetterait ou piquerait de l’aiguillon. Attendez-vous à trouver disgracieux plutôt qu’élégants l’homme et le cheval traités de cette sorte. C’est uniquement par les signes que le cheval doit être amené à exécuter de plein gré les mouvements les plus beaux et les plus brillants.
Aussi, lorsque le cheval ira aux allures ordinaires, poussez-le jusqu’à le mettre en sueur ; lorsqu’il s’enlèvera bien, mettez aussitôt pied à terre, débridez-le, et soyez sûr qu’il sera tout disposé de lui-même à s’enlever[42]. C’est sur des chevaux prenant cette belle attitude qu’on nous représente les dieux et les héros, et les hommes qui manient bien les chevaux ont je ne sais quel air de grandeur. En effet, un cheval qui se dresse est quelque chose de si beau, de si frappant, de si magnifique, qu’il fixe les regards de tous ceux qui le voient, jeunes ou vieux. On ne peut ni le quitter, ni se lasser de le considérer, quand il se montre ainsi dans tout son éclat. Celui qui a le bonheur de posséder un pareil cheval, phylarque ou commandant de cavalerie, n’ambitionnera pas de briller seul ; il voudra bien plus encore que toute sa suite frappe les regards. Or, s’il marche en tête, monté sur un cheval que tout le monde vante, mais qui, tout en s’enlevant fréquemment de sa hauteur, n’avance que fort peu, il est clair que les chevaux de sa suite ne pourront aller qu’au pas. Et qu’y a-t-il de brillant dans un semblable spectacle ? Si, au contraire, animant votre cheval, vous conduisez votre troupe ni trop vite ni trop lentement, mais en prenant le pas qui convient aux chevaux de grand cœur, pleins de feu et d’un extérieur propre aux manœuvres, si vous marchez ainsi en tête de vos cavaliers, on n’entendra qu’un bruit de pas cadencés, un soufflement et un hennissement collectif, et ce n’est pas vous seulement, mais toute votre troupe, qui offrira un magnifique coup d’œil.
Enfin, si un homme sait bien acheter les chevaux, les élever à supporter la fatigue, les manier avec dextérité dans les exercices militaires, les manœuvres et les combats, quel obstacle y a-t-il à ce qu’il les rende d’un prix bien plus élevé qu’il ne les a reçus, qu’il leur crée une renommée, et qu’il se rende fameux lui-même dans l’équitation, si quelque dieu ne s’y oppose ?
CHAPITRE XII.
Nous voulons décrire aussi comment doit s’armer celui qui veut, à cheval, s’exposer au danger. Nous disons donc d’abord qu’il doit avoir une cuirasse bien faite pour le corps : justement appliquée, c’est tout le corps qu’elle porte ; trop large, les épaules seules en sont accablées ; trop étroite, c’est une prison, et non pas une armure. Comme le cou est une partie exposée aux blessures mortelles, nous disons qu’il faut le garantir au moyen d’un hausse-col tenant à la cuirasse : car, outre qu’il servira d’ornement, il pourra, s’il est bien fait, couvrir jusqu’au nez le bas de la figure du cavalier. Nous regardons comme les meilleurs casques, ceux qu’on fabrique en Béotie : ils couvrent toutes les parties qui sont hors de la cuirasse, et ne gênent point la vue. Que la cuirasse soit faite de manière à n’empêcher le cavalier ni de s’asseoir, ni de se baisser. Que le bas-ventre, les parties et ce qui les entoure, soient couverts d’écailles assez fortes et assez nombreuses pour les protéger. Comme une blessure à la main gauche met un cavalier hors de combat, j’approuve l’arme qu’on a imaginée pour la défendre, et qu’on appelle main. Elle garantit l’épaule, le bras, le coude et le poignet qui tient la bride ; elle s’étend et se plie à volonté ; elle couvre, en outre, le défaut de la cuirasse sous l’aisselle. Il faut lever la main droite, soit pour lancer le javelot, soit pour frapper l’ennemi : on doit donc faire disparaître de la cuirasse tout ce qui gêne ce mouvement, et y substituer des écailles à charnières qui s’étendent quand le bras se lève, et se replient quand il s’abaisse. Nous trouvons meilleur que l’armure du bras soit mobile et s’y applique comme une jambière, que si elle était fixée au reste de l’armure : quant à la partie qui reste nue, lorsque la main droite est levée, il faut la garantir près de la cuirasse, soit avec du cuir de veau, soit d’une lame d’airain ; autrement, l’endroit où les blessures sont le plus dangereuses demeurerait à découvert.
Comme le cavalier court le plus grand péril s’il arrive quelque chose à son cheval, il faut aussi armer le cheval d’un chanfrein, d’un poitrail et de garde-flancs : cette dernière pièce pourra couvrir en même temps les cuisses du cavalier. Mais ce qu’il faut défendre surtout, c’est le ventre du cheval : les blessures y sont mortelles, et c’est la partie la plus tendre : la housse peut être employée à cette fin. Il faut la coudre de manière que le cavalier y soit bien assis et que la selle ne blesse point le cheval. Quant aux autres parties du cheval et du cavalier, elles seront armées comme il suit : les jambes et les pieds se prolongeant visiblement au delà des cuissards, on les garnira de bottes du cuir dont on fait les semelles. Par là les jambes seront défendues et les pieds chaussés. Telle est l’armure qu’il faut avoir afin de n’être point blessé, sauf l’assistance des dieux. Pour blesser l’ennemi, nous préférons le sabre à l’épée : un coup de taille, porté de la hauteur du cavalier, vaut mieux qu’un coup d’estoc. Au lieu d’une lance allongée, qui est cassante et incommode à la main, nous aimons mieux deux javelots de cornouiller. En effet, un homme qui sait manier ces deux javelots peut en lancer un, et garder l’autre pour s’en servir en avant, de côté, en arrière : d’autre part, ces javelots sont plus forts que la lance et plus maniables.
Le jet de loin nous agrée de préférence : de cette sorte, on a plus de temps pour se retourner et pour saisir le second. Voici, en bref, la meilleure manière de lancer un javelot avec le plus de force : portez en avant la gauche du corps, retirez la droite en arrière, dressez-vous sur les cuisses, jetez le javelot la pointe un peu en l’air ; alors il partira avec la plus grande vitesse, portera très-loin et frappera très-juste, si la pointe n’a pas dévié de l’objet visé.
Tels sont les avis, instructions et exercices que nous nous proposions d’écrire pour les novices : quant à ce que doit savoir et pratiquer le commandant de cavalerie, nous l’avons exposé dans un autre traité[44].
- ↑ J’ai eu pour me guider dans ce traité tout à fait technique, outre les secours de l’érudition classique, tels que l’édition spéciale de Zeune, la traduction de P. L. Courier et celle du baron de Curnieu, le livre tout moderne de M. le comte Savary de Lancosme-Brèves, intitulé : Guide de l’ami du cheval, t. I, année 1855. C’est à ce judicieux et savant écrivain que j’emprunterai une grande partie de mes annotations, emprunts que je marquerai des lettres L. B.
- ↑ Il était d’Athènes. Pline l’Ancien en fait mention dans son Hist. nat., XXXIV, xix, 15. On croit que l’ouvrage qu’il avait composé se nommait Hipposcopique ou Le parfait maréchal.
- ↑ Temple de Cérès et de Proserpine, dans celui des deux Céramiques qui était à l’intérieur d’Athènes.
- ↑ Les paturons.
- ↑ Partie de la jambe comprise entre le boulet et le genou. C’est ce manque d’épaisseur qui produit ce qu’on nomme tendon failli, défaut ordinaire des chevaux fins. L. B.
- ↑ La cheville.
- ↑ La mâchoire inférieure. La petitesse et la sécheresse de la tête sont un signe de légèreté et de beauté. L. B. — Cf. Virgile, Géorg., II, 5 et suivants.
- ↑ Parties extérieures de la bouche.
- ↑ Nous verrons au chapitre m ce qu’on entend par bouche fausse.
- ↑ On conçoit que, montant à poil, l’épine saillante devait présenter un siège peu commode au cavalier. L. B.
- ↑ Le train de derrière.
- ↑ Cela prouve que Xénophon savait que plus la base de sustentation d’un corps a de largeur par rapport à sa hauteur, plus le corps est solidement établi sur le sol. L. B.
- ↑ L’auteur ne nous dit pas comment on doit s’assurer de l’âge du cheval. Est-ce à l’usure des dents ou à l’aspect de la physionomie ? Nous retrouverons plus tard l’époque où l’on a commencé à juger de l’âge d’un cheval par l’examen de la mâchoire inférieure ; cependant tout porte à croire qu’au temps de Xénophon l’on n’était pas sans connaître ce moyen, puisqu’il se sert de l’expression marquer. L. B.
- ↑ Xénophon entend par là le cheval qui résiste de la tête, et se jette du côté opposé par une grande sensibilité de barre. Nous croyons qu’on attribuait souvent alors à la bouche du cheval ce qui provenait de la mauvaise main du cavalier ou du manque d’équilibre de la masse : car rarement un cheval résiste à l’action du mors, lorsque les rênes sont tenues par une main habile. L. B.
- ↑ Ces deux recommandations sont d’un homme essentiellement pratique : j’ai toujours fait subir cette épreuve au cheval que j’ai voulu acheter. En effet, si, lancé à toutes jambes, il s’arrête court, le cavalier peu expérimenté passera par-dessus les oreilles ; et si, après une attaque sévère, le cheval retient ses forces et ne se porte pas en avant, c’est un signe qu’il n’est pus franc, et tout cavalier inhabile ne doit pas acheter un pareil animal. L. B.
- ↑ Ce chapitre nous prouve que cet écuyer célèbre (Xénophon) connaissait parfaitement le cheval de guerre, et il était difficile qu’il poussât plus loin ses connaissances hippiques, étant toujours occupé à faire la guerre. Il dressait le cheval comme le ferait aujourd’hui un hardi coureur de steeple-chase, solide et bien botté, bien éperonné, avec cette différence toutefois qu’il se rendait un compte exact de l’animal qu’il avait entre les jambes, et qu’il est très-rare qu’un gentleman possède de telles connaissances. L. B.
- ↑ Xénophon signale ici un genre de mal connu sous le nom de lampas (engorgement de l’intérieur de la bouche) et l’indigestion, qui est une indisposition très-rare de nos chevaux. L. B.
- ↑ Dans ces temps éloignés de nous, ou ne ferrait pas les chevaux, mais on cherchait à habituer la sole aux terrains les plus durs. L. B.
- ↑ Quatre cent trente-six grammes.
- ↑ On voit que Xénophon appelle l’attention sur les deux points les plus importants dans la locomotion : 1° les quatre pieds formant la base de sustentation ; 2° la bouche servant à la direction et à la conduite de l’animal. Pour rendre la bouche du cheval fraîche et tendre, on avait l’habitude alors de la laver avec de l’eau tiède et de l’huile. L. B.
- ↑ M. de Lancosme-Brèves trouve ce chapitre et le suivant de nature à mériter l’attention la plus grande de tout homme de cheval.
- ↑ Dent canine.
- ↑ Les préceptes de tenue donnés ici par Xénophon sont en partie ceux de l’école franco-italienne, d’après lesquels le corps du cavalier, placé en selle, se divise en trois parties, dont deux mobiles et une immobile. Celle-ci comprend depuis les hanches jusqu’au-dessous des genoux ; les deux parties mobiles sont le haut du corps et les jambes. Le cavalier doit avoir la tête droite, les épaules bien effacées et tombantes, les coudes près du corps, le buste droit et penchant plutôt en arrière qu’en avant, les cuisses tournées en dedans et posées à plat sur la selle, les genoux aussi en dedans, les jambes tombantes, les étriers longs et n’y chaussant le pied que jusqu’à la racine du pouce, les pointes des pieds tournées en dedans dans la direction de l’épaule du cheval. À toutes les allures, même au grand trot et au galop, le cavalier doit conserver cette position. — Voy. L’Encyclopédie moderne de F. Didot, t. XIV, p. 299, article Équitation, par le général Marbot.
- ↑ Je lis ποεῖν au lieu de πονεῖν ou de πνεῖν.
- ↑ Nous pouvons expliquer cette phrase en disant que le cheval trouvera sa récompense par la conduite sage et la douceur de son cavalier, qui saura, à propos, le retenir s’il fait mal, le laisser aller s’il fait bien, et qu’alors l’animal, étant mis à son aise, ira toujours convenablement, parce qu’il sait qu’il peut compter sur une récompense. L. B.
- ↑ M. de Lancosme-Brères loue cette recommandation comme sage et indispensable ; seulement il regrette que Xénophon n’ait pas indiqué explicitement quels sont les moyens à employer.
- ↑ Cette remarque est très-logique : ce n’est que par le raisonnement et les moyens doux qu’on parvient à calmer la trop grande ardeur du cheval. L. B.
- ↑ Recommandation bien sage, mais d’autant plus difficile à exécuter que Xénophon et ses successeurs n’ont pas indique ce qu’il fallait faire pour avoir la main légère. L. B.
- ↑ Ce qui veut dire qu’il ne faut pas toujours avoir les jambes et les talons plaqués sur le corps de l’anima), pour ne pas l’exciter mal à propos. L. B.
- ↑ Cette remarque est très-judicieuse, et j’en ai fait souvent l’application pour les départs et les arrêts. On porte le corps en arrière, premier temps, en disant halte ou stop ; puis on approche la main du corps, second temps. Le cheval, pour éviter l’opposition faite par la main au second temps, qui lui est toujours plus ou moins sensible, s’arrête de suite. Veut-on faire partir un cheval, on peut dire go on ou partez, puis on approche les jambes, premier temps, et on avance la main de bas en haut vers la tête du cheval ; il est rare que le cheval ne parte pas avant que les jambes aient agi. L. B.
- ↑ Cette recommandation est une idée lumineuse qui conduit à la mise en main. L. B.
- ↑ Autrement dit : en jouant des rênes et en donnant des demi-temps d’arrêt.
- ↑ C’est ce qu’on nomme des jouettes.
- ↑ M. de Lancosme-Brèves trouve qu’il est impossible d’expliquer avec plus de lucidité les moindres parties de l’embouchure dont Xénophon se servait pour brider les chevaux.
- ↑ Nous croyons que Xénophon parle ici dans l’hypothèse de donner de l’élévation à l’avant-main ; lever peut vouloir dire aussi soutenir, car on ne lève la main que pour relever la tête ou s’emparer de l’impulsion. L. B.
- ↑ Nous voyons combien Xénophon est aux ordres d’une encolure roide et indocile. Nous croyons qu’au temps d’arrêt le cheval ne doit pas lever la tête, et que, s’il veut la lever, il faut ne pas rendre la main, mais la maintenir. Il est Juste, néanmoins, de dire qu’une fois la tête en l’air, si le cavalier tire sur la tête avec le mors, le cheval peut se cabrer : c’est donc pour éviter cette défense, que Xénophon ne savait pas paralyser, qu’il conseille de rendre la main. L. B.
- ↑ On trouvera un commentaire lumineux de ce passage dans l’article Équitation du général Marbot dans le t. XIV de l’Encyclopédie moderne de F. Didot, p. 297.
- ↑ Ce chapitre est remarquable en ce qu’il nous initie aux qualités qui sont la conséquence de certaines formes extérieures. L. B.
- ↑ On voit par là que, si Xénophon n’avait ni le don natif ni la science d’équilibrer un cheval défectueux, il le connaissait du moins et pouvait le designer. L. B.
- ↑ Xénophon donne ici le moyen de faire faire une courbette au cheval. Cette recommandation est remarquable pour l’époque à laquelle elle a été faite, et indique assez comment il faut s’y prendre pour asseoir son cheval. L. B.
- ↑ Et non pas cuisse, comme l’ont écrit quelques traducteurs.
- ↑ Cette remarque est juste. Un cheval qui est monté méthodiquement et qui a un travail tracé à l’avance, sachant qu’après tel mouvement il a telle récompense, exécute son travail avec plus de plaisir. L B.
- ↑ Nous croyons que le lecteur nous saura gré de rapprocher de ce chapitre un extrait de la Milice et armes de Cl. Fauchet. On verra que l’armure du cavalier et du cheval, telle que la représente Xénophon, se reproduit presque complètement dans celle des chevaliers du moyen âge. « Quant aux hommes de cheval, ils chaussoient des chausses faites de mailles, des espérons à mollettes aussi larges que la paulme de la main… puis endossoient un gobisson. C’estoit un vestement long, iusques sur les cuisses et contre-pointe… Dessus ce gobisson ou gambeson ils auoient une chemise de mailles longue iusques au dessous des genouïlz, appelé Auber ou Hauber, ie croy du mot albus, pource que les mailles de fer bien polies, forbies et reluisantes, en sembloient plus blanches. À ces chemises estoient cousues les chausses… Un capuchon ou coëffe, aussi de maille y tenoit pour mettre la teste dedans : lequel capuchon se reiettoit derrière, après que le chevalier s’estoit oste le heaulme, et quand ils vouloient se rafraîchir sans leuer tout leur harnois. Ajoutez un baudrier auquel pendait vne espee appellee brance en thiois ou alleman, et aucunes fois des nostres fauchon. Ils portoient aussi vne aultre sorte d’espee nommée badelaire qui semble auoir este large… Encores auoit le cheualier vn petit cousteau nommé misericorde, pource que de ce ferrement volontiers estaient occis les cheualiers abbattus…. Les cheualiers portoient aussi vn escu, voire couvert de lames d’escailles d’yuoire… ledit escu pendu à leur col, a vne courroye… Et pour la dernière arme deffensiue, vn elme ou heaume, fait de plusieurs pièces de fer, eslevees en pointe : et lequel couuroit la teste, le visage et chignon du col, auec la visière et ventaille, lesquelles se pouvaient lever et baisser pour prendre vent et haleine… Leur cheual estoit volontiers housse, c’est-à-dire couuert et caparassonné de soye : aux armes et blason du cheualier et pour la guerre de cuir boüilly : ou de bardes de fer. » On trouvera dans nos Chansons de geste, notamment dans les chansons de Roland, d’Alexandre, des Saxons, d’Antioche, de curieuses descriptions d’armure d’hommes et de chevaux qui confirment ce que dit Fauchet.
- ↑ Le Commandant de cavalerie, qui vient immédiatement après celui-ci.