De l’Équitation (Trad. Talbot)
Traduction par Eugène Talbot.
De l’ÉquitationHachetteTome 1 (p. 331-332).



CHAPITRE V[1].


Des devoirs du palefrenier.


Je crois qu’un homme de cheval doit avoir un palefrenier qui sache s’y prendre avec les chevaux. Il doit donc savoir qu’il ne faut jamais nouer le licou à l’endroit où pose la têtière, parce que le cheval, en se frottant souvent la tête à la mangeoire, s’écorcherait les oreilles, si le licou n’était pas bien placé ; or, ces parties une fois endommagées, le cheval serait plus difficile à brider et à panser. Il est bon aussi d’enjoindre au palefrenier d’enlever chaque jour le fumier et la litière, et de les porter dans un endroit désigné : l’habitude une fois prise, il le fera sans peine, et le cheval s’en trouvera mieux. Le palefrenier doit aussi savoir que, quand il mène son cheval au pansage et à l’endroit où il se roule, il faut lui mettre la muselière, ce qu’il faut faire encore chaque fois qu’on ne met pas la bride : la muselière, en effet, permet au cheval de respirer et l’empêche de mordre ; et il n’est rien qui l’empêche plus sûrement de jouer de mauvais tours.

C’est à la partie supérieure de la tête qu’il faut attacher le cheval : car tout ce qui le gêne autour de la face, il cherche à s’en débarrasser, en haussant la tête, et, par ce mouvement, attaché comme nous l’avons dit, il relâche le lien plutôt qu’il ne le rompt.

Pour le pansement, commencer par la tête et la crinière ; tant que le haut n’est pas propre, inutile de nettoyer le bas ; puis, pour tout le corps, relever le poil avec tous les instruments de pansage, et abattre la poussière à contre-sens. Le poil des reins seul ne doit être touché avec aucun instrument, mais frotté et lissé avec la main dans le sens naturel ; de cette façon, l’on ne risquera pas de blesser la place où s’assied le cavalier. Laver la tête : comme cette partie est tout osseuse, si on la nettoyait avec du fer ou du bois, on ferait mal au cheval. Mouiller le toupet : la longueur des crins ne gêne pas la vue et sert à écarter de l’œil les objets qui pourraient l’offenser. Il faut croire que les dieux ont donné au cheval un long toupet, comme aux ânes et aux mulets de longues oreilles, pour qu’ils se garantissent les yeux de ce qui pourrait leur nuire.

Laver également la queue et la crinière, puisqu’il faut laisser pousser des crins à la queue, pour que le cheval, atteignant le plus loin possible, éloigne ce qui le gêne ; à la crinière, pour que le cavalier ait sous la main un point d’appui solide. D’ailleurs les dieux ont donné comme ornements au cheval la crinière, le toupet et la queue. La preuve, c’est que les juments des haras ne se laissent pas saillir par les ânes, tant qu’elles ont tous leurs crins ; et voilà pourquoi tout le monde les fait tondre quand on veut les faire saillir par des ânes.

Nous supprimons le lavage des jambes ; cette ablution journalière est inutile ; elle nuit même à la corne, tandis que l’eau conserve la crinière et la queue longues et touffues. On évitera aussi de laver le dessous du ventre : cette opération chagrine beaucoup le cheval, et, plus cette partie est propre, plus les mouches s’y portent et le gênent : d’ailleurs on se donnerait pour rien toutes les peines à cet égard, car le cheval n’est pas plus tôt sorti de l’écurie qu’il ressemble bien vite à ceux qu’on n’a pas nettoyés. On renoncera donc à ce soin : pour les jambes, il suffira de les frotter avec les mains.



  1. M. de Lancosme-Brèves trouve ce chapitre et le suivant de nature à mériter l’attention la plus grande de tout homme de cheval.