XII

Après avoir recherché les causes du bonheur des sots et du malheur des gens d’esprit en amour, irons-nous perdre un temps précieux à accuser les femmes d’injustice ? Nous n’hésitons pas, quant à nous, à rejeter tous les torts sur les gens d’esprit, comme le fait le profond Champeenets.

Que u’étudiez-vous les sots, leur dit cet auteur, pour parvenir à les imiter ? Il peut, sans doute, vous en coûter beaucoup pour remplir un pareil personnage ; mais y a-t-il quelque profit sans honte ? Et, d’ailleurs, on vous y oblige : il n’y a pas pour vous une autre voie de salut. Vouloir soustraire le beau sexe à l’empire des sots en lui démontrant la perversité de son goût, il n’y faut pas songer, ce serait folie : autant vaudrait changer la nature ou contrarier la fatalité.

Car sachez, continue Champeenets, que les femmes ne sont pas maîtresses d’elles-mêmes, que tout, chez elles, est instinct et tempérament, et que, par conséquent, elles ne peuvent être coupables de leurs préférences. On ne répond que de ce que l’on fait avec intention et discernement. Or, quelle est celle qui peut rendre compte de l’engouement qui la pousse, de la passion qui la subjugue, du sentiment qui la fait ingrate ou de la vengeance qui lui dicte ses noirceurs ? En vain, vous chercheriez en elles un si cruel prodige, aucune n’est complice du mal qu’elle cause : à cet égard, leur étourderie atteste leur candeur.

Pourquoi donc vous obstinez-vous à leur demander ce que la Providence ne leur a pas départi ? Elles s’offrent à vous belles, désirables et aveugles : cela ne vous suffit pas, et vous les voulez encore raisonnables, clairvoyantes et sensibles ! C’est ne les pas connaitre.

En elles, ne cherchez qu’elles, admirez leur taille élégante et flexible, caressez leur chevelure soyeuse, baisez leurs mains mignonnes ; — mais traitez de badinage leur mépris, accueillez leurs outrages sans aigreur, opposez l’insouciance à leurs colères. Pour prendre ces êtres légers et frêles, il ne faut que les étourdir par le bruit de vos louanges, par le faste de votre toilette, par la publicité de vos hommages…