Daumier - Les Maîtres humoristes
Les meilleurs Dessins | Les meilleures Légendes |
March 3 1905 by, Société d’édition et de Publications, Paris.
— J’ai trois sous !
— Appuyez fort, ça fait rentrer la bosse.
— Vous allez voir, ça va arrêter le sang comme avec la main…
ROBERT MACAIRE DIRECTEUR DE JOURNAL |
— Monsieur, vous avez une affaire magnifique… Je veux en parler dans mon journal… Pour 1 000 francs vous aurez un article ronflant. — Mille francs, c’est cher, je préfère m’en passer. — Soit. Mais tenez-vous bien, car je vais discuter votre brevet, contrôler votre apport, évaluer vos bénéfices… Je dois à ma conscience d’éclairer le public sur les affaires scandaleuses et je n’irai pas manquer à ma mission pour vous faire plaisir. |
— Pourquoi ne serions-nous pas heureux ensemble
— Je suis extrêmement jalouse… Et avec votre air Sainte Nitouche, je ne m’y fierais pas. On vous connaît, beau masque !
— Vous sentez bien ce que je vous dis ?
— Corbleu ! monsieur, je ne le sens que trop.
MŒURS CONJUGALES |
||
Le Mari (lisant). — … Nous étions mollement étendus sur la mousse odorante, les rayons de la lune perçaient les branches du saule agité par la brise du soir. Enivrés d’amour, nous lancions au ciel des serments qui retombaient dans nos cœurs. La Femme (à part). — Peut-on lire ces choses avec un bonnet de coton et une boule comme la sienne !… |
— La chaîne de sûreté ainsi nommée parce qu’elle est un moyen sûr de faire savoir que le badaud qui l’achète possède une montre. Des compères ne tardent pas à mettre l’indication à profit. Bertrand vend la chaîne, Macaire fait la montre.
COQUETTERIE |
||
— Là, monsieur !… Et puis, après ça, vous allez courir en voir d’autres !… |
— Comment va le malade ? — Il est mort ! — Il n’a donc pas pris ma potion ? — Si, docteur. — Il en a donc trop pris ? — Non, docteur. — C’est qu’il n’en a pas assez pris.
— Eh ! eh !… Petit gredin !… Vous en ferez aussi des moutards… Vous avez déjà des yeux de scélérat… Vous serez comme votre père.
ROBERT MACAIRE HOMME D’HONNEUR |
— Monsieur, cela ne peut se passer comme ça ! Vous avez l’infamie de me faire demander l’argent que je vous dois… Vous me mettez dans l’obligation d’avouer que je ne puis pas vous payer… Vous m’humiliez… Vous m’en rendrez raison, monsieur ! ! !
LA PLAINTE EN ADULTÈRE |
||
« Mon client est sûr de son fait. Mais cette conviction ne lui suffisait pas. Il veut la faire partager au tribunal, au nombreux auditoire qui nous entoure, à la France entière. Telle est la tâche dont je me suis chargé, dans l’intérêt de mon client. Je crois avoir réussi à rendre la chose claire à tous les yeux. Il ne manque plus à mon client que de voir sa position… sociale consacrée par un jugement authentique. Vous êtes trop justes pour lui refuser cette dernière satisfaction. » |
ÉMOTIONS PARISIENNES |
— Quelle heure est-il, s’il vous plaît ? |
— Regard’ donc la grosse Fifine, qu’on aurait dit un’ Vénus ! … Y en a du déchet ! …
— Vous aviez faim ? … Ça n’est pas une raison ! … Moi aussi, presque tous les jours, j’ai faim… Et je ne vole pas pour ça ! …
PASTORALES | ||
— Au secours !… Au secours !… Mon mari qui se bat contre un taureau ?… |
DIALOGUES |
— Ma patrie, à moi, c’est la semelle de mes bottes.
— Hélas ! vous n’aurez bientôt plus de patrie ! …
LE FIL D’ARIANE
|
Au rebours des guerriers, qui marchent d’ordinaire En tête de leur peloton ; Thésée, en royal rejeton, Marchait après le sien pour se tirer d’affaire. |
ROBERT MACAIRE AUTEUR DRAMATIQUE |
— Votre ouvrage est assez bonne... Je la ferai recevoir, je ferai copier le manuscrit et vous ne me donnerez pour cela que les trois quarts des droits d’auteur … Mais, une chose à laquelle je tiens c’est que je sois seul en nom, c’est une condition sine qua nonne !
JOIES FAMILIALES |
— Et ces gueux de journalistes diront que mon style est diffus ! Soyez donc clairs avec de pareils collaborateurs.
— Mon cher ami, je viens sans cérémonie vous demander à dîner.
GENS DE JUSTICE |
— Laissez dire un peu de mal de vous… laissez dire… Tout à l’heure, moi, je vais injurier toute la famille de votre adversaire. |
— Messieurs, voici les comptes de notre Société philanthropique. Cette année, les dépenses, pour nos appointements et pour frais d’administration, se sont élevées à 12 000 francs. Les recettes n’ont atteint que le chiffre de 11 983 francs… C’est donc 17 francs que les pauvres nous doivent… Êtes-vous d’avis de leur faire remise de cette somme ?…
LOCATAIRES ET PROPRIÉTAIRES |
||
— Le compte est-il bien exact ?… Vous allez maintenant me demander que je vous donne un reçu… Sous prétexte qu’on est riche, il faut toujours qu’on donne quelque chose. |
DIALOGUES |
— Eh ! bien, et cette matelotte, quand la mangeons-nous ?
— Quand vous voudrez.
— Oui ! mais arrosée d’un riche bordeaux, le bordeaux que vous avez perdu au piquet.
— Où ça ?
— Comment, où ça ?… Vous n’êtes donc pas M. Vergeot ?
— Pas du tout… Mais j’ai cru que vous m’invitiez, et on connaît toujours les gens qui vous invitent…
LOCATAIRES ET PROPRIÉTAIRES |
||
UN LOCATAIRE QUI DOIT TROIS TERMES |
LES BONS BOURGEOIS |
||
— Votre tableau me plairait assez, mais, décidément, il a une demi-canne de moins que ce qu’il me faut. |
ROBERT MACAIRE AGENT D’AFFAIRES |
— Vous êtes bien bon de vous échiner à payer vos dettes, éteignez-les donc tout d’un coup.
— Comment ça ?
— Apportez-moi vos livres. Nous ferons un petit passif, un gros actif. Nous offrirons cinq pour cent payables en dix ans. Pendant dix ans vous ne donnerez rien, dans dix ans vous recommencerez : les créanciers seront morts, les dettes oubliées et tout sera fini.
GAMINS DE PARIS |
||
— C’est t’y à vous c’ chien-là ?… |
… Ai-je besoin d’éloquence devant un juge si haut placé, aussi familiarisé avec la forme qu’avec le fond, et qui, par sa position, sera toujours à la tête de l’humanité.
— Comment trouvez-vous ce petit vin-là ?… Hein ?… Eh ! bien, j’en ferai plus de trente tonneaux comme ça !…
— Oh !… Papa !…
La première pipe.
Profitant des ombres de la nuit, Léonidas s’avança pour reconnaître les avants-postes de Xerxès. Quatre bouillants guerriers l’accompagnaient dans cette héroïque expédition.
— Dis donc, mon mari, j’ai bien envie d’appeler mon drame Arthur et d’intituler mon enfant Oscar… Réflexion faite, je ne déciderai rien avant de consulter mon collaborateur.
— Emportez donc ça… Il est impossible de travailler avec ce vacarme. Allez promener l’enfant et achetez-lui un biberon. Ah ! M. Cabassol, c’est votre premier enfant, mais je vous jure bien que ce sera votre dernier.
BOHÉMIENS DE PARIS |
— Pauvre cher animal, quelle patience ! Si on ne jurerait pas un petit ange du bon Dieu !… Plus souvent que ma canaille d’époux se tient comme ça quand il va chez son perruquier.
PASTORALES | ||
— Et dire que c’est aujourd’hui la Saint-Médard !… |
PROVERBES ET MAXIMES |
Ventre affamé n’a pas d’oreilles.
— Le Jour n’est pas plus pur que le fond de mon cœur.
— Oui, je viens, dans son temple, adorer l’Éternel.
LES CAROTTES |
— Mon cher ami, ne croyez pas que je vienne vous demander votre voix Je respecte trop l’indépendance des opinions. Mais la baronne m’a dit : « Allez-voir ce bon Galouzet, dites à sa charmante femme qu’elle me néglige, informez-vous de la santé de leurs délicieux enfants et dites que je veux absolument les avoir à dîner.
LOCATAIRES ET PROPRIÉTAIRES |
||
— Je ne loue pas aux gens qui ont des enfants !… |
LES BAS BLEUS |
La mère est dans le feu de la composition : l’enfant, dans l’eau de la baignoire.
… Rodrigue, as-tu du cœur ?(le Cid.) LE PRESTIGE DE L’UNIFORME |
||
— Je ne suis pas tranquille, quand j’ te vois sortir comme ça… j’crains toujours, monsieur Moussard, que, malgré toi, tu me fasses quelque infidélité !… |
ÉMOTIONS PARISIENNES |
— Il faut semer de fleurs le chemin de la vie.
— Vous raisonnez comme une canne !…
— Et vous comme une betterave !…
— Mon cher, au point où vous en êtes, votre femme vous gêne ; il faut absolument vous en défaire, n’importe comment : le fer… le poison… vous verrez… ce qui vous semblera le meilleur.
— Oui, Madame, je me présente comme Belisaire, excepté que j’y vois clair et que j’ai perdu mon petit. Vous voyez en moi le généralissime des armées de terre et de mer du prince de Monaco !… Exilé par un tyran jaloux de ma gloire… Je ne vous demanderai pas une obole : Je préférerais cinquante centimes.
— Je suis assez content de notre nouveau système cellulaire. Ce prisonnier ne peut manquer de s’améliorer. Nous l’avons déjà rendu crétin. Il ne s’agit plus maintenant que de lui donner de l’éducation.
L’ENTRÉE DANS LA VIE |
— Enfin !… En voilà donc un qui me ressemble !…
— Laissez, mes petits anges, vous finirez par ennuyer monsieur.
— Comme c’est appétissant pour ceux qui commencent.
PASTORALES | ||
— Sommes-nous bêtes d’avoir eu une peur pareille… Ce n’est qu’un affreux mannequin. — J'ai cru que c’était mon mari !… |
— Les crétins ! Ils m’ont dégommé, moi qui occupe une position sociale !… Et pour nommer quoi ?… Un bonnetier !…
Ta main vient d’immoler Britannicus, ton frère.
Je prévois que tes coups iront jusqu’à ta mère.
Oui, c’est Agamemnon, c’est ton roi qui t’éveille !…
MONOMANES L’Amateur de Café |
||
La demi-tasse devient une seconde nature. On trouve des gens qui se sont fait une règle de prendre leur café afin de faciliter la digestion, même lorsque leurs moyens ne leur permettent pas de dîner. Il est convenu que l’existence serait trop amère sans la chicorée. |
LES CAROTTES Le Couplet au Public |
Air de la “ Sentinelle ”
À vous, messieurs, je m’adresse ce soir,
Vous avez tant d’esprit, tant de finesse.
À vous messieurs, notre orgueil, notre espoir,
Je viens, ici, confesser ma faiblesse.
Ah ! donnez-moi, juge trop indulgent,
Un bouclier contre bien des attaques ;
Donnez-moi, public obligeant,
Vos soins, vos conseils… votre argent ;
Et surtout donnez-moi des « claques ».
LES PHILANTHROPES |
— Je t’ai défendu de m’appeler maître… Apprends que tous les hommes sont frères… animal !… |
— Décidément, il n’y a que les fruitières pour vous procurer de belles connaissances : un épileptique, un hydrophobe et une folle… Si l’épicier pouvait me faire avoir, avec ça, la maladie de poitrine qu’il m’a promise, c’est ça qui me ferait du bien.
LES PÉCHEURS À LA LIGNE |
||
— Nous ne partirons donc pas !… — Hortense, je crois que ça va mordre. |
- … Sortez ! (Bajazet.)
— Ma foi, je ne sais pas comment ils étaient à Austerlitz, mais ça ne pouvait guère être mieux.
— Messieurs… il nous reste un quarante-troisième toast à porter : à la Société de Tempérance !…
POMPES FUNÈBRES |
— Pardon, monsieur, je suis courtier de commerce, attaché aux pompes funèbres et je venais voir… si monsieur…
SENTIMENTS ET PASSIONS |
Ce monsieur, qui vient de perdre ses derniers vingt francs, pense à Rothschild, aux filets de Saint-Cloud, à vendre son matelas… à tout… excepté à ne plus jouer.
POLITESSES | ||
— Vous êtes toujours galant !… — N’êtes-vous pas toujours jolie ! |
BOUQUINISTES DANS L’IVRESSE |
||
— Rien n’égale ma joie… Je viens de trouver, pour cinquante écus, un Horace imprimé à Amsterdam, en 1780… Cette édition est excessivement précieuse : chaque page est criblée de fautes !… |
Une Rencontre agréable. — Passez votre chemin !… Quand on fait votre métier, on ne s’amuse pas à regarder les passants.
Un Soir de Première. — Jusqu’à mon portier qui m’offre un bouquet !… Voilà un vaudeville qui va me coûter cher… Je commence à regretter que l’on ne l’ait pas sifflé !…
— … Habits à vendre !… Avez-vous des chapeaux, des souliers, des vieux habits à vendre ?…
MŒURS CONJUGALES |
— Ah ! très bien, j’en suis sûr !… Malheureuse, v’la une heure que je te guette… Ah ! j’en suis sûr !… Et ce soir, tu me feras payer trois heures de course !… |
LES BAS BLEUS |
— Ce miroir m’aplatit la taille et me maigrit la poitrine. Mais que m’importe !… Madame de Staël et monsieur de Buffon l’ont proclamé : le génie n’a point de sexe.
— Je viens souscrire à votre journal pour le tremblement de terre des Batignolles… Inscrivez sur votre liste : « Rigolard, philanthrope, papetier, rue Saint-Honoré, 345 : deux francs. »
— Emma !… Je vous aime !
— Henri !… Vous me jugez bien mal !…
ORDONNANCE DE POLICE |
UNE MISSION DÉLICATE |
LA FAMILLE DE L’ÉLECTEUR |
— Nous sommes arrivés à Paris de ce matin et nous nous sommes dit tout de suite : « Allons trouver notre député, il nous fera voir l’intérieur du Panthéon, des Invalides, du Palais-Royal et du Puits de Grenelle… »
LES MUSICIENS DE PARIS |
Où peut-on être mieux (bis)
Qu’au sein de sa famille
Ces trois artistes se trouveraient mieux au sein d’un cabaret, et leur jeune associé au sein d’une partie de billes.
LEANDRE
|
Chaque nuit, peu vêtu, mais de façon galante Et comptant sur son bras de fer, Il traversait un bras de mer Pour aller se jeter dans ceux de son amante. |
GAMINS DE PARIS |
||
— Faut-y qu’il en ait fumé des pipes, pour s’être culotté la tête comme ça … |
— Je veux marcher dans le ruisseau, moi, na !…
— Laisse-le donc faire, tu le tarabustes toujours.
— Crie donc, mâtin !… Gueule donc !… Égosille-toi donc et que ça finisse !…
PASTORALES | ||
— Dis donc, ma femme, c’est singulier, je ne vois rien. |