Dans la rue (Bruant)/Pestailles

Ernest Flammarion (Volume IIIp. 163-166).


PESTAILLES


Sûr que j’m’en fous du choléra
Et pis d’la peste bubonique !
La vrai’ peste… l’phylloxera
C’est ceux d’la boîte… d’la boutique
Du coin du quai. Vous savez bien :
Les mouchards, les cogn’ et les railles
Qui s’occup’nt de tout… et de rien…
                C’est les pestailles.


C’est les roussins quoi !… ces messieurs,
Qui voi’nt tout, d’l’île à la barrière,
Comm’ celui-là qu’avait deux yeux,
L’un par devant, l’autr’ par derrière.
C’est eux qui poiss’nt les pégriots :
Les gros du chichi d’la haut’ banque…
I’s poiss’ aussi les maigriots…
Les p’tits monte-en-l’air à la manque.
On peut pas poisser qu’les rupins,
Faut aussi poisser la friture…
Les barbillons, les marloupins,
Leurs gonzess’s et la fourniture,
I’s poiss’nt les malins, les gogos,
Les honnêt’s gens et les canailles,
I’s poiss’nt tout, mêm’ les mendigots !
                C’est les pestailles.

Mais quand i’ faut donner l’coup d’fion,
Quand i’ faut ceinturer un marle,
Ya des fois qu’i’s poiss’ un coup d’scion ;
(J’en ai foutu… moi que j’vous parle).
Mais i’s m’ont jamais ceinturé…
Ej’gliss’ toujours entre les mailles,
Et quand i’s pass’… ej’crie : Acré !
                V’là les pestailles !!