Dans la rue (Bruant)/P’tit-Gris

Ernest Flammarion (Volume IIIp. 189-194).


P’TIT-GRIS



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\addlyrics {
C’est en hi -- ver qu’on m’a trou -- vé,
Un beau ma -- tin, sur le pa -- vé,
En -- tor -- til -- lé dans un bout d’lai -- ne,
Près d’la "Sei - ne."
Et j’ai pous -- sé, tout dou -- cett’ -- ment,
Sans sa -- voir pour -- quoi, ni com -- ment,
A -- vec les mô -- mes d’la ra -- caille
Et d’la ca -- "nail - le."
C’est moi P’tit- Gris,
Le p’tit lou -- piot des ru’s d’Pa -- ris,
Et dans la grand’ "vil - le,"
Où que j’me fau -- "fi - le,"
Tous les soirs ej’ "crie :"
D’man -- dez… 
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La Pa -- "trie !"
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C’est en hiver qu’on m’a trouvé,
Un beau matin, sur le pavé,
Entortillé dans un bout d’laine,
            Près d’la Seine.
Et j’ai poussé, tout doucett’ment,
Sans savoir pourquoi, ni comment,
Avec les mômes d’la racaille
            Et d’la canaille.

      C’est moi P’tit-Gris,
      Le p’tit loupiot des ru’s d’Paris,
      Et dans la grand’ ville,
      Où que j’me faufile,
      Tous les soirs ej’ crie :
      D’mandez… La Patrie !

J’ai pas jamais appris d’métier,
J’ai toujours vécu, dans l’papier,
Du boniment des journalistes,
            Et des listes
De tous les numéros gagnants,
Et des lot’ri’s d’un tas d’feignants,
Et des vann’ et des balançoires…
            Ohé ! les poires !…

      C’est moi P’tit-Gris,
      Le p’tit loupiot des ru’s d’Paris,
      Et dans la grand’ ville,
      Où que j’me faufile,
      Tous les soirs ej’ crie :
      D’mandez… La Patrie !


L’hiver je m’chauff’ les abattis
Et l’bout du blair, que j’me rôtis,
Au feu du bras’ro qui pétille
            Et qui grille…
L’été quand ej’ cuis dans mon jus,
Quand j’ai trop chaud… que j’n’en peux pus,
Ej’ vas m’offrir un verr’ de glace
            À la Wallace.


      C’est moi P’tit-Gris,
      Le p’tit loupiot des ru’s d’Paris,
      Et dans la grand’ ville,
      Où que j’me faufile,
      Tous les soirs ej’ crie :
      D’mandez… La Patrie !

N’empêch’ que c’est déjà rupin
D’arriver à gagner son pain…
Nous on n’est pas des fils de prince
            Et pis mince !
Qu’i’ vaut mieux fair’ tous ces trucs-là
Que d’boulotter du Panama,
Ou d’voler du pognon aux courses
            Et dans les bourses.

      C’est moi P’tit-Gris,
      Le p’tit loupiot des ru’s d’Paris,
      Et dans la grand’ ville,
      Où que j’me faufile,
      Tous les soirs ej’ crie :
      D’mandez… La Patrie !