Dans Venise bombardée

Revue des Deux Mondes6e période, tome 36 (p. 878-893).
DANS
VENISE BOMBARDÉE

Peu de choses sont, à l’heure actuelle, plus impressionnantes que d’arriver à Venise lorsque la nuit est close. Dès Padoue, le train s’enveloppe d’ombre ; les rideaux sont tirés, les stores baissés, pour masquer toute lumière indiscrète et révélatrice. À Mestre, pour la traversée de la longue digue qui unit à la terre ferme la cité des lagunes, la lumière électrique se réduit à une vague lueur, tamisée par des globes de verre bleu. À Venise, la gare est sombre et les rares ampoules bleues qui l’éclairent semblent faire l’obscurité plus opaque encore. Et quand on sort sur le quai, c’est la nuit, la nuit absolue et profonde, sur le Grand Canal et sur la ville entière.

Venise fut toujours une cité de silence. Le silence y est aujourd’hui plus profond que jamais et presque angoissant. De la station au pont du Rialto, la gondole glisse doucement sur l’eau enténébrée du canal ; pas un bruit ne s’entend, pas une embarcation ne passe, pas un appel de gondolier ne retentit et le canal désert semble, dans la nuit, plus large encore et presque inquiétant. Pas une lumière ne brille aux fenêtres soigneusement closes des palais ; pas un fanal ne s’allume au détour des canaux ; pas une lampe pieuse même ne met sa lueur discrète aux pieds de quelque image d’une madone révérée. Partout c’est la nuit, le désert, le silence. Sur les petits canaux qui, du Rialto, mènent vers la place Saint-Marc, l’ombre, entre les hautes murailles qui les bordent, se fait plus épaisse encore ; de grands trous sombres s’ouvrent, où les maisons et l’eau semblent se confondre ; çà et là seulement, quelques rares ampoules bleues piquent l’obscurité d’une lumière incertaine, simples points de repère destinés à guider les barques sur le dédale des eaux ; et les petits canaux sont déserts et silencieux comme l’est le Grand Canal. Venise, muette et noire, semble endormie dans le sommeil ou dans la mort ; ou plutôt, c’est une Venise très ancienne qui semble brusquement surgir des lointains du passé, la Venise obscure du moyen âge où, en dehors des grands jours de fête, toute vie extérieure cessait dès que la nuit était tombée. Et quand enfin, passant sous le pont des Soupirs, la gondole débouche dans la lagune, c’est la même impression encore, presque troublante, de vide trop absolu, de trop profond silence. Sous la haute flèche de San Giorgio Maggiore vaguement dessinée dans la nuit, pas un bateau n’est à l’ancre, pas un fanal ne luit ; tout bruit de vie humaine a cessé ; seuls, du côté de la Piazzutta, saint Théodore et le lion ailé qui lui fait face semblent, sur leurs hautes colonnes, prolonger au-dessus de la cité leur garde vigilante et silencieuse ; et sous les rayons de la lune, qui maintenant glisse à travers les nuages accumulés, la lagune aux eaux laiteuses semble, vide, plus immense encore.

Impression singulière, inattendue et forte, à laquelle certains détails ajoutent une angoisse. Au cours de la promenade nocturne, tel palais s’entrevoit, dont en juin dernier une bombe incendiaire a détruit les étages supérieurs, et on vous rappelle en passant qu’il y a deux jours encore, vers six heures et demie, les avions autrichiens, une fois de plus, ont attaqué la ville. Depuis un an et demi, un péril constant, redoutable, est suspendu sur Venise ; et sans doute, la cité des Doges en accepte la menace avec une calme et hère sérénité ; mais à ce danger qui pèse sur elle, elle doit un aspect nouveau et singulier. Plus qu’en toute autre ville d’Italie, la guerre a mis son empreinte sur Venise, et c’est ce qui la fait, à cette heure, si émouvante à la fois et si belle.


Chaque soir, à cinq heures et demie, Venise entre dans la nuit. Les magasins se ferment ou masquent leurs lumières ; les cafés tirent hermétiquement leurs rideaux ; les derniers promeneurs quittent la place Saint-Marc ; l’animation des rues s’éteint. C’est qu’il devient, à cette heure, étrangement difficile de circuler dans Venise. Sur le Grand Canal, les bateaux à vapeur arrêtent au coucher du soleil leur service. Dans les calli vénitiennes, l’obscurité devient profonde. Il est assez malaisé déjà, en temps ordinaire, pour qui n’a point une longue expérience de Venise, de trouver sa route dans ce labyrinthe de rues étroites et compliquées. Dans le noir opaque qui les enveloppe maintenant, c’est chose, pour l’étranger, impossible et, pour le Vénitien même, un peu difficile. Actuellement, de place en place, au détour de quelque rue familière, au passage de quelque pont fréquenté, de rares lampes électriques, voilées de bleu, mettent une lueur incertaine qui, sans éclairer, guide un peu les pas des initiés. Il n’en allait point ainsi aux premiers jours de la guerre. C’était sur Venise la nuit absolue, si dense que les Vénitiens eux-mêmes avaient quelque peine à s’orienter, et que plus d’une centaine de personnes, dit-on, se sont laissées choir fâcheusement dans l’eau des canaux devenus invisibles. Aujourd’hui même qu’on a rendu à la ville quelques rares lumières, discrètes et dissimulées, il demeure assez embarrassant, dans tout ce noir, de se tirer d’affaire. J’ai fait, sous la conduite d’amis obligeans, quelques promenades dans cette Venise de ténèbres : l’impression en est tout ensemble pittoresque infiniment et un peu troublante. On entend dans le silence sonner des pas, sans voir les passans avant qu’on ne les heurte presque ; dans le rideau d’ombre tendu devant les yeux, on ne distingue ni les murs, ni les ponts, ni l’eau noire des canaux ; et sans le secours des petites lampes électriques de poche, — elles aussi d’ailleurs prudemment voilées de bleu, — il semble que jamais on ne sortirait de ce dédale inextricable et sombre, où tout sens de l’orientation se perd, ou l’on marche comme à tâtons dans la nuit. La place Saint-Marc elle-même, plus accessible pourtant, n’est plus au soir qu’un grand rectangle d’ombre, dont la solitude s’anime à peine de quelques silhouettes presque impalpables de passans attardés. Sous les arcades des Procuraties, quatre ampoules bleuâtres marquent la porte du palais royal, ou signalent l’entrée de trois passages fréquentés. Partout ailleurs, ce ne sont que ténèbres. Il faut quelque expérience des lieux pour retrouver, derrière la double épaisseur des rideaux qui la ferment, l’entrée du fameux café Florian, et dans l’obscurité opaque, sous le ciel noir d’automne, à peine aperçoit-on les hautes coupoles de Saint-Marc, la masse puissante du Campanile et les blanches arcades du palais des Doges.

Certains soirs pourtant, quand le clair de lune met sa féerie sur Venise, la ville redevient vivante. Sur le quai des Esclavons, le long de la lagune, les promeneurs apparaissent comme aux soirs paisibles d’autrefois ; sur la place baignée de clarté, un peu d’animation renaît ; et dans la lumière de rêve qui les enveloppe, les monumens, gloire de Venise, retrouvent, malgré les échafaudages protecteurs qui les défigurent, la grandeur ou la grâce de leurs lignes familières. Des musiques légères s’échappent de l’intérieur dus cafés ; dans la nuit limpide et douce, Venise reprend sa poésie coutumière et son charme sentimental d’autrefois ; et il semble presque qu’on oublie la guerre. Mais regardez à la façade de Saint-Marc qui se tourne vers la Piazzetta. La lampe qui, devant l’image en mosaïque de la Vierge, s’allumait chaque soir, depuis tant de siècles, sous l’arcade de marbre, est éteinte aujourd’hui. L’icône vénérée se cache derrière un lourd pilier de maçonnerie, qui la protège et soutient le léger baldaquin de marbre où elle s’abrite. Et cette image absente, cette flamme éteinte en disent plus long que toutes les paroles. Et ce n’est point davantage la gaieté des soirs d’autrefois, où les promenades en gondole étaient si douces sur la lagune lumineuse, où dans la nuit montaient des chansons ; il y a parmi les promeneurs du silence et comme un peu d’angoisse. C’est que ces soirs limpides de pleine lune, ces soirs charmans et tendres rendent, — et chacun le sait, — plus redoutable encore la menace suspendue sur Venise. Et on les aime peu, ces beaux soirs de clair de lune, qui présagent l’attaque possible des oiseaux ennemis dévastateurs.


Du jour où l’Italie se fut résolue à la guerre, ce fut un des grands soucis du gouvernement italien d’assurer, du mieux qu’il serait possible, la protection de Venise, de ses monumens, des chefs-d’œuvre qui sont sa gloire. Systématiquement, par un prodigieux et admirable effort, on a transporté ailleurs, on a mis en lieu sûr toutes les richesses artistiques de la cité. Le musée de l’Académie s’est vidé des toiles qui en étaient la parure, le musée Correr des trésors où s’évoquait toute l’histoire de Venise. On a enlevé des plafonds et des murs du palais ducal les peintures fameuses où les Titien et les Véronèse, les Palma et les Tintoret avaient immortalisé les victoires et la gloire de la République. On a retiré de Saint-Georges des Esclavons les compositions charmantes où le pinceau de Carpaccio avait, avec tant de grâce pittoresque, raconté les épisodes de la légende du saint, et de l’église de Saint-Sébastien, les chefs-d’œuvre qu’y peignit Véronèse. La Vierge exquise de Giovanni Bellini a quitté l’église des Frari, comme l’a quittée la Vierge glorieuse que Titien peignit pour la famille Pesaro. Les Tintoret innombrables qui décoraient la Scuola di San Rocco ont émigré ailleurs, comme ont émigré tous les tableaux de prix que conservaient toutes les églises de Venise. Les merveilles du Trésor de Saint-Marc, les émaux précieux, les ivoires rares, les verres admirables et fragiles, toutes les richesses que rapporta, de l’Orient conquis, le génie pratique des Vénitiens, ont trouvé un abri sûr, et pareillement la Pala d’Oro n’étincelle plus au-dessus du grand autel de la basilique. La bibliothèque Marcienne a envoyé loin de Venise ses plus beaux manuscrits, ses livres les plus rares ; l’Archivio di Stato a mis en lieu sûr les plus anciens, les plus illustres de ces documens, dont les séries innombrables racontent toute l’histoire de la République. Les collections particulières s’en sont allées. Le merveilleux Giorgione du prince Giovanelli a quitté Venise, comme le célèbre portrait de Mahomet II, orgueil de la collection Layard, que peignit Gentile Bellini. On peut dire qu’aujourd’hui, il ne reste pas à Venise, — ou presque, — un tableau de prix, un monument, parmi ceux qui étaient transportables, ayant une valeur pour l’histoire ou pour l’art. Et sans doute, ce déménagement prodigieux de toutes les richesses artistiques de la cité ne s’est point accompli sans quelques protestations, sans quelques plaintes. L’événement a montré amplement combien ceux qui le décidèrent ont eu raison.

Ce n’est point pourtant sans émotion qu’on visite aujourd’hui les lieux qui conservaient ces chefs-d’œuvre et où, le long des murailles nues et vides, l’œil cherche instinctivement, à leur place coutumière, les peintures aimées. La bibliothèque de Saint-Marc ne montre plus ni le bréviaire Grimani aux délicieuses miniatures, ni les manuscrits fameux que le cardinal Bessarion légua à la République Sérénissime. Au vieux couvent des Frari, la Salle diplomatique de l’Archivio di Slato ne présente que des vitrines vides, là où s’alignaient jadis les documens vénérables, orgueil de la cité, témoignage de la gloire et de l’habile politique de Venise. A l’Académie, les salles dépouillées ont un aspect lugubre. Au pied des murailles nues sont rangés des cadres vides et quelques tableaux encore, soigneusement emballés, prêts à partir, dernier échelon du déménagement qui s’achève. Et involontairement, dans les salles demi-obscures, qu’un peu de poussière déjà envahit, l’œil évoque les chefs-d’œuvre disparus, la splendeur radieuse des Titien et des Véronèse, le charme pittoresque des Gentile Bellini et des Carpaccio, la grâce douloureuse et tendre des madones de Giovanni Bellini.

Le palais ducal surtout offre une physionomie presque tragique. Entre les ors des plafonds, se dessinent en noir, comme autant de blessures ouvertes, les grands rectangles, les grands ovales où étincelaient jadis les peintures des Véronèse et des Tintoret. Les salles, dépouillées de leur parure, semblent devenues plus grandes et plus tristes. La salle du Grand Conseil apparaît immense, démesurée ; dans la salle du Scrutin, voisine, rien ne reste que l’arc de triomphe élevé par le Sénat en l’honneur de Morosini le Péloponésiaque ; la salle du Sénat, avec ses stalles et ses boiseries sombres que n’illumine plus l’éclat des tableaux, est d’une sévérité presque inquiétante ; dans cette Venise, si éprise de couleurs radieuses et de lumière éclatante, il semble en vérité qu’avec les tableaux enlevés, la couleur et la lumière s’en soient allées. Et en parcourant ces salles vides, involontairement l’œil évêque tout ce qui en faisait la beauté, les claires mythologies de Tintoret, et la magnificence joyeuse de l’Enlèvement d’Europe, le sourire charmant de la jolie Venise assise sur le globe du monde et les splendeurs d’apothéose qui rayonnaient au plafond de la salle du Grand Conseil. Mais si cette évocation ne va pas sans quelque émotion douloureuse, elle n’est pas sans joie non plus, par la certitude que tant de chefs-d’œuvre sont garantis de la ruine, et que, quoi qu’il advienne, nous les reverrons.


On ne saurait remercier assez le gouvernement italien d’avoir, sans une hésitation, entrepris et mené à bien cette besogne formidable de déménager les richesses artistiques de toute une ville, de toute une province. Car ce qui s’est fait à Venise s’est fait pareillement dans toute la Vénétie, à Padoue et à Vérone, à Vicence et à Trévise, partout enfin où il y avait quelque œuvre d’art à emporter et à sauver. Mais quelque chose de plus était nécessaire. Venise tout entière est une œuvre d’art incomparable, dont il fallait du mieux possible assurer le salut. Tâche singulièrement difficile : elle est si vieille, cette Venise, et le sol est si fragile sur lequel s’appuient ses monumens, et ces monumens eux-mêmes sont souvent d’une grâce si délicate, si peu robuste ! On a fait, pour les protéger, tout ce qu’il était humainement possible de faire.

Dès le début de la guerre, on a enlevé de la façade de Saint-Marc les quatre célèbres chevaux de bronze qui la décorent ; il n’est point nécessaire de dire ici où se trouve la bonne écurie qui leur donne abri. On a couvert d’épaisses toiles grises, pour éteindre le scintillement trop révélateur de leurs ors, les mosaïques qui paraient l’extérieur de la basilique. Mais surtout, depuis que, dans la nuit du 4 au 5 septembre dernier, une bombe a éclaté à quelques mètres à peine de Saint-Marc, on a cuirassé toute la partie inférieure des façades, jusqu’à hauteur du premier étage, d’un mur épais de sacs de sable, entassés entre une double armature de bois, recouverte de feuilles d’amiante. Et c’est un aspect tout à fait étrange que celui de ce Saint-Marc à la façade terne et grise, où aucun or ne luit, où aucune mosaïque n’étincelle, d’où la magie de la couleur s’est envolée ; et le contraste est singulier entre la gaine massive qui en enserre la base et les arcades fleuronnées de statuettes et de feuillages, les hautes coupoles aériennes qui se détachent légères sur le ciel. A l’intérieur, la physionomie de l’église n’est pas moins inattendue. Sous les voûtes du narthex, sous le grand arc qui surmonte l’entrée principale, des cintres robustes soutiennent les parties plus fragiles de la construction. D’épais matelas enveloppent les hautes colonnes de porphyre ou de marbre ; des sacs de sable entassés recouvrent la chaire ancienne dressée à gauche du chœur et l’ambon qui lui fait face ; le beau jubé du XIVe siècle, avec les statues qui le couronnent, disparait sous un revêtement de toiles grises capitonnées ; les colonnes sculptées du baldaquin qui encadraient l’autel s’en sont allées avec la Pala d’Oro. Sur tout le pourtour de la basilique, des sacs de sable encore s’entassent pour protéger les bas-reliefs précieux, les autels aux sculptures délicates. Tout ce qui mettait jadis dans Saint-Marc un éclat, une parure, semble s’être éteint sous l’amoncellement morne des sacs gris et des toiles grises. Et pourtant, tel qu’il est aujourd’hui, Saint-Marc est plus admirable que jamais. L’œil, que ne distrait plus le détail des ornemens, perçoit mieux la beauté majestueuse des lignes de l’architecture. Dans la tonalité assourdie de l’ensemble, seules les mosaïques des coupoles et des voûtes mettent la note plus vibrante de leurs ors éteints par les siècles ; et, sous la lumière incertaine des matins de novembre, dans le demi-jour mystérieux que la flamme des cierges pique d’étoiles, Saint-Marc est d’une beauté harmonieuse et simple, que rend plus émouvante encore la pensée du péril, de la catastrophe qui pourrait en une minute anéantir un chef-d’œuvre unique au monde.

La façade du palais des Doges, cette façade d’une originalité si rare, où, sur le double étage ajouré des colonnes qui forment le portique et la loggia, l’architecte a posé audacieusement une haute muraille pleine, a pris également un aspect nouveau. De lourds piliers de maçonnerie ferment à moitié les arcades du rez-de-chaussée ; de robustes contreforts étayent les angles de la façade qui donne sur la Piazzetta. Des étrésillons de bois soutiennent les entre-colonnemens du premier étage, dont la galerie intérieure est supportée par une succession de cintres puissans. Les chapiteaux aux sculptures précieuses disparaissent dans des gaines de bois ou de maçonnerie. La belle porto della Carta, ciselée comme une orfèvrerie, recevait, au moment même où j’étais à Venise, la protection qui lui manquait encore. Dans la cour du palais, les anciens puits de bronze, le bel escalier des Géans disparaissent sous les sacs de sable accumulés ; les statues fameuses d’Adam et d’Eve, que sculpta Antonio Rizzo, sont cachées derrière une armature protectrice. Et il en va de même dans Venise tout entière. Sur la place Saint-Marc, les piédestaux de bronze qui portent les mâts où se hissait jadis l’étendard de la République, et, devant le Campanile, la loggetta de Sansovino s’enveloppent d’une cuirasse toute matelassée de sacs de sable. A l’église des Frari, dans cette église surtout des Saints-Jean et Paul, qui est comme le Panthéon des gloires vénitiennes, les tombeaux des doges, chefs-d’œuvre des Rizzo, des Leopardi, des Lombardi, disparaissent derrière une muraille de sacs de sable. L’admirable statue équestre de Colleone s’abrite sous une solide guérite, où clos sacs de sable s’entassent de la base du piédestal jusqu’au cimier du casque. On a démonté les vitraux anciens qui décodaient les fenêtres des églises ; et infatigablement, chaque jour, on travaille à compléter ces mesures de protection. On se préoccupe de couvrir d’un enduit, qui les rendra plus réfractaires à l’incendie, les bois des charpentes ; on s’ingénie à protéger plus efficacement les mosaïques de Saint-Marc. Encore une fois, on fait tout ce qu’il est humainement possible de faire pour sauver les chefs-d’œuvre de Venise.

On a fort discuté, et assez vivement critiqué même, quelques-unes des mesures prises, dont on craint des effets fâcheux pour la stabilité de tel ou tel monument. Il ne m’appartient pas de prendre parti dans ce débat infiniment délicat. Hélas ! quoi qu’on fasse et si bien qu’on fasse, il n’est que trop certain que, pour éviter d’irréparables malheurs, il faudrait pouvoir protéger tous les monumens de Venise, et qu’en bien des cas c’est chose proprement impossible. Mais il est certain aussi que les mesures prises étaient nécessaires, et c’est la honte, la honte ineffaçable pour l’Autriche, qu’elles aient été nécessaires.


Dès le lendemain du jour où l’Italie déclara la guerre à l’Autriche, et pour préciser, dans la matinée du 24 mai 1915, un avion ennemi paraissait au-dessus de Venise, justifiant ainsi toutes les craintes éprouvées et toutes les précautions prises-Depuis lors, vingt-deux fois, — sans parler des attaques qui n’ont pas réussi à atteindre le but, — les avions autrichiens ont jeté des bombes sur Venise. Le 24 octobre 1915, l’église des Scalzi était atteinte, et la grande fresque de Tiepolo, la Translation de la Maison de la Vierge à Lorette, qui en décorait lu plafond, était réduite en miettes : on en conserve à l’Académie les débris informes, comme un monument insigne de la barbarie autrichienne. Dans la nuit du 9 au 10 août 1916, une bombe incendiaire mettait le feu à Santa-Maria Formosa, dont les voûtes crevées ne soutiennent plus que par miracle la coupole fortement ébranlée ; le lendemain, dans la nuit du 10 au 11 août, San-Pietro in Castello brûlait à son tour, et la moitié de sa coupole s’écroulait dans les flammes : c’était la double réponse autrichienne à la prise de Gorizia par les Italiens. Dans la nuit du i au 5 septembre, une bombe éclatait à quelques mètres de la façade de Saint-Marc. Dans la nuit du 12 au 13 septembre, une bombe atteignait l’église des Saints-Jean et Paul, crevait la voûte et faisait explosion dans l’intérieur de l’édifice. Sous la poussée de l’air violemment déplacé, les vitraux sautaient hors de leurs alvéoles et se brisaient en poussière sur le sol ; fort heureusement, on avait démonté auparavant la belle verrière du XVe siècle qui décorait la grande fenêtre du bras droit du transept. Le crépi des murailles se détachait par plaques énormes et couvrait tout le pavé de l’édifice d’une couche épaisse de débris. Des éclats endommageaient l’orgue, déchiraient le plafond peint d’une des chapelles. Par une chance miraculeuse, aucun des tombeaux admirables qui remplissent l’église ne recevait même une égratignure. Mais aujourd’hui encore, l’église dévastée présente un aspect lamentable ; le vent passe à travers les fenêtres ouvertes ; le sol, crevé par places, est jonché de décombres ; et l’on sent cruellement, à voir ces ravages, qui n’ont causé pourtant que des dommages matériels, sans aucune perte d’art, ce que pourrait, ailleurs, entraîner de ruines une semblable explosion. Je ne parle pas des maisons, assez nombreuses, frappées ou incendiées par les bombes. Mais ce qu’il faut retenir, — car c’est la preuve éclatante de la barbarie autrichienne et de la volonté préméditée de certaines destructions, — c’est que la plupart de ces maisons se trouvent au voisinage immédiat des monumens les plus fameux de Venise.

Si on relève sur un plan les points de chute des projectiles, on voit que les édifices qui sont la gloire de la cité ont été comme entourés par un cercle de bombes. Aux alentours de l’église des Frari et de l’Archivio di Stato, plusieurs maisons ont été atteintes ou brûlées. Aux abords de Saint-Marc, quatre bombes sont tombées dans le jardin du palais royal, deux dans le rio voisin, une devant la façade de la basilique. Tout autour du palais ducal, sur la Piazzetta, près de l’hôtel Danieli, sur les maisons qui avoisinent le canal Orfano, d’autres projectiles se sont abattus. L’escadrille de dix à quinze avions qui, dans la nuit du 9 au 10 août 1916, survola Venise et brûla Santa-Maria Formosa, visait incontestablement Saint-Marc. Et c’est miracle que, de ces monumens si exactement encadrés par le tir ennemi, aucun n’ait été touché, à l’exception de l’église des Saints-Jean et Paul, dans le voisinage de laquelle, outre celle qui la frappa, plusieurs bombes de gros calibre tombèrent, heureusement sans éclater.

Et c’est là précisément la chose odieuse, cette intention délibérée, incontestable, de détruire sans raison, pour la joie mauvaise de détruire, des monumens qui semblaient être le patrimoine commun de l’humanité. On a pu dire en Autriche, en manière d’excuse, que le projectile qui frappa les Scalzi était destiné à la gare, encore que endommager la gare de Venise soit vraiment une opération sans aucune portée militaire sérieuse. On a pu dire qu’en atteignant San-Pietro in Castello, c’était l’arsenal tout proche qu’on visait. Mais aucun prétexte plausible ne justifie les autres destructions, et c’est ce qui en atteste la préméditation barbare. On a prétendu à Vienne, par une de ces affirmations mensongères que nous connaissons bien, que des mitrailleuses avaient été placées au sommet du Campanile. Il a été démontré que cette allégation était fausse, par le témoignage du consul d’Amérique qui monta, au cours même d’un des bombardemens, au sommet de la tour, et n’y trouva rien. Non. On a visé volontairement et Saint-Marc et le palais des Doges, et les Frari, et l’église des Saints-Jean et Paul (je ne parle même pas des bombes tombées à côté de la Salute, et à trois mètres de l’Académie, et tout près de quelques-uns des plus beaux palais du Grand Canal), parce qu’on voulait, en les frappant, anéantir quelque chose de la beauté et de la gloire de Venise. Dans la Neue Freie Presse du 18 février 1916, on lisait déjà ces paroles, qu’un correspondant de guerre avait recueillies de la bouche d’un des plus actifs, des plus habiles aviateurs autrichiens : « Si une seule bombe est jetée sur Trieste, nous prendrons une revanche, dont Venise surtout aura à se plaindre, ou, pour mieux dire, les ruines de Venise. » C’était la menace exprimée sans détour ; la nuit du 9 août, entre d’autres, a montré de façon éclatante comment on tenta de la réaliser.

De même que les Allemands s’acharnent sur notre cathédrale de Reims, parce que détruire Reims, l’église du Sacre, c’est détruire en quelque manière un glorieux chapitre de notre histoire, ainsi, les Autrichiens s’acharnent sur Saint-Marc, parce que Saint-Marc est le joyau de Venise et comme le symbole de toute sa glorieuse histoire. La même protestation du monde civilisé a flétri les deux attentats, dont le second, par une heureuse fortune, — dont Venise a fait honneur à l’Evangéliste veillant sur son temple d’or, — est demeuré sans effet. Dans un ordre du jour voté le 6 septembre dernier par la Société Leonardo da Vinci de Florence, en réponse à la lettre indignée que lui adressait le surintendant des musées de Venise, on lit ceci : « La Société Leonardo da Vinci, réunie en assemblée extraordinaire, exprime pour les bombardemens réitérés de Venise la même protestation indignée qu’elle a, en 1915, exprimée pour ceux de Reims. Elle signale à la réprobation du monde les pratiques d’un ennemi qui, sans aucun objectif militaire sérieux, et dans le vain espoir d’intimider des populations inébranlables, s’acharne contre des monumens et des œuvres de souveraine beauté, créées pour l’élévation et pour la joie de toutes les nations civilisées. » Avant la guerre actuelle, toucher aux monumens de Venise eût semblé l’idée d’un criminel ou d’un fou ; les menacer aujourd’hui, c’est se mettre soi-même en dehors de la civilisation. Mais, malgré toutes les protestations, le péril n’en est pas moins menaçant ; et lorsqu’on visite aujourd’hui Venise, lorsqu’on revoit ces monumens illustres, dont une barbarie incroyable envisage la destruction sans rougir, on sent une angoisse indicible à penser qu’un instant, qu’un hasard peut anéantir à jamais tant de beauté.


Et pourtant, malgré la menace toujours présente, Venise garde son calme et sa sérénité.

Plus que toute autre ville d’Italie, Venise souffre de la guerre. Son commerce maritime est interrompu ; son port est fermé. Son industrie, qui ne fut jamais très active, est réduite presque à rien. Venise vivait pour une part de l’afflux des étrangers ; il n’y a plus d’étrangers à Venise. Dans la ville entière, six ou sept hôtels à peine sont demeurés ouverts, — les autres étant employés pour les besoins de l’autorité militaire, — et on imagine aisément qu’ils ne sont pas très fréquentés. Beaucoup des magasins qui vivaient de la clientèle étrangère ont à peu près fermé leurs portes, faute d’affaires ; et c’est une chose tout à fait singulière pour qui avait l’habitude de Venise, — une chose qui du reste n’est pas exempte de douceur, — de pouvoir flâner sur la place Saint-Marc, sans avoir à repousser les sollicitations des officieux empressés à vous conduire à la fabrique de verreries de Salviati, à la fabrique de mosaïques de Murano ou ailleurs, et de pouvoir regarder l’église de l’Évangéliste, sans être encombré d’un cicérone tout prêt à vous l’expliquer.

Plus que toute autre ville d’Italie, Venise est en état de péril, et elle le sait. Elle voit, au-dessus de certains de ses bâtimens, les plates-formes ménagées pour la défense de la cité et que garnissent des mitrailleuses ; elle voit chaque jour monter dans le ciel limpide ou trouble les ballons captifs qui observent au loin l’horizon ; elle entend dans le silence des nuits se répondre les cris des sentinelles qui veillent sur sa sécurité. Elle voit, dans chacun des quartiers de la ville, les affiches indiquant les « lieux de refuge » préparés en cas d’attaque ; elle sait que, dès que mugira l’appel des sirènes, appuyé d’un coup de canon, les boutiques doivent se fermer, la circulation cesser sur l’eau et dans les rues, la population se mettre à l’abri, car l’ennemi est signalé et proche. Elle a connu bien des fois déjà le tonnerre des bombes destructrices, le fracas des artilleries anti-aériennes, dont les projectiles retombent en pluie sur la cité. Elle ne s’émeut pas du danger. J’ai, alors que j’étais à Venise, entendu, pendant un bel après-midi de novembre, retentir brusquement l’appel des sirènes, appuyé d’un coup de canon. C’était près de ce palais Labia, où Tiepolo a peint en des fresques délicieuses la rencontre de Marc-Antoine et de Cléopâtre, et dont la bâtisse robuste abrite au rez-de-chaussée un lieu de refuge, blindé de sacs de terre comme une forteresse. Dans ce quartier populaire, aucune panique, aucune agitation ne se produisit ; sans nervosité, sans hâte, les gens qui emplissaient la rue gagnaient l’abri le plus proche, pour se conformer à l’ordre, mais avec un visible regret de ne pouvoir suivre dans le ciel les événemens qui s’annonçaient. Dans le lieu de refuge, on commentait avec calme la durée probable, — une à deux heures généralement, — de l’incident. Il y avait de la curiosité, un peu d’impatience, un désir intense surtout de sortir pour regarder en l’air, pas un soupçon d’inquiétude ou d’angoisse. Et quand l’alerte fut passée, — ce n’était qu’une fausse alerte, — moins d’un quart d’heure après, Venise avait repris sa physionomie normale et coutumière.

Pendant les heures de jour, l’aspect de Venise ne diffère pas de façon très sensible de celui qu’elle offrait autrefois. Sans doute les étrangers ont disparu. Et on ne voit plus, comme autrefois, ces groupes, aux silhouettes et aux costumes parfois déconcertans, qui lisaient pieusement Baedeker en face de Saint-Marc ou du palais des Doges ; on n’entend plus, comme autrefois, ces accens de Germanie dont Venise était un peu trop pleine. Sans doute, les gondoles se sont faites plus rares, encore qu’on en trouve bien une vingtaine rangées comme d’ordinaire au bout de la Piazzetta ; la vie de la cité est devenue en quelque manière plus intime, plus proprement vénitienne, et il semble qu’on s’y sente plus « entre soi » et plus proche aussi les uns des autres. Mais cette vie, au moins dans ses formes extérieures, est demeurée presque la même.

A peine remarque-t-on dans la foule un peu plus d’uniformes, uniformes de soldats, uniformes de marins surtout, — et parmi eux quelques uniformes de France, — particulièrement sur ce quai des Esclavons qui mène à l’arsenal. Sur le Grand Canal, sur la lagune, les bateaux à vapeur qui vont de l’arsenal à la gare, au de la place Saint-Marc au Lido, font, à peine plus espacé, leur service coutumier ; sur l’eau, où filent les mouches à vapeur légères, où glissent lentement les lourdes gabares pesamment chargées, on retrouve à certaines heures quelque chose de l’animation d’autrefois. Dans les calli étroites, c’est le mouvement coutumier, la même foule compacte set flâneuse, encombrant un peu les voies de communication principales. On sait quel est à Venise le charme de ces promenades à pied, de ces longues flâneries sans but, où l’on découvre, au tournant d’un pont, tel campo solitaire et délicieux, où l’on rencontre, au détour d’un canal, tel vieux palais teinté de rose, qui semble sortir d’un tableau de Gentile Bellini ou de Carpaccio, où se révèle enfin une Venise plus intime et que les étrangers ne connaissent point. Jamais ces promenades n’ont été plus exquises qu’aujourd’hui. A l’entrée du pont du Rialto, un marché en plein vent met la note éclatante de ses éventaires chargés de légumes et de fruits ; le long des calli, des étalages de fleurs odorantes mettent une grâce, une lumière, un sourire. Sur la place Saint-Marc où s’abat toujours l’essaim innombrable des pigeons familiers, les tables des cafés débordent, — peu garnies cependant, — en dehors des arcades des Procuraties, elles promeneurs ne manquent point, à l’heure où le soleil couchant teinte si joliment de lueurs roses la façade grise de Saint-Marc et la haute muraille du palais des Doges. Et sans doute, il y a, dit-on, des gens qui ont jugé plus prudent de quitter Venise : il se peut. Dans ’ensemble, comme le disait récemment un écrivain vénitien, « Venise demeure souriante et joyeuse, confiante dans ses défenseurs et dans le destin. »

Il y a plus : et ce trait, qu’il faut retenir, n’est point sans une réelle beauté. Dans cette Venise de guerre, on travaille comme si la guerre n’existait point. La bibliothèque de Saint-Marc est demeurée ouverte aux lecteurs, — peu nombreux d’ailleurs, — qui y veulent fréquenter. A l’Archivio di Stato, une partie importante des documens reste accessible à ceux qui souhaitent les consulter. A l’église des Saints-Jean et Paul, on continue paisiblement la restauration de la célèbre chapelle du Rosaire, détruite par un incendie en 1867, et dont la reconstruction a été décidée en 1912. Au palais ducal, dans la salle du Grand Conseil, on poursuit tranquillement la mise en place des boiseries qui en compléteront la décoration. On a commencé à réparer, comme si l’on voulait effacer une souillure, les ruines faites par les attentats autrichiens. L’église des Scalzi est de nouveau couverte ; dans l’église des Saints-Jean et Paul, des échafaudages colossaux sont dressés, pour panser au plus vite les blessures de l’édifice. A l’Académie, on songe à tirer parti du déménagement forcé qu’il a fallu faire pour procéder à un classement plus méthodique et plus satisfaisant des peintures, et déjà on en esquisse les lignes directrices. Au palais des Doges, on pense qu’avant de remettre en place les toiles qui décorent les plafonds, il sera intéressant de les présenter de plus près aux yeux, en une exposition qui permettra d’en mieux apprécier la technique, d’en apercevoir mieux les beautés. Et il n’est point besoin même de parler de l’activité infatigable qui se dépense à la mairie de Venise, pour l’administration journalière et les multiples besoins de la grande cité.

Tout cela s’accomplit avec un calme, un sérieux, une gravité qui est vraiment le trait caractéristique de cette Venise de guerre, et qui lui donne une force et une beauté. Mais cette gravité n’est point exemple de sourire. Venise a toujours aimé les musiques légères, les chansons ironiques : elle les aime encore aujourd’hui. Les événemens ont fait éclore toute une littérature populaire, où, en de petits tableaux d’une touche précise et d’une verve assez amusante, sont notés et raillés un peu les multiples incidens de la vie actuelle, les confusions plaisantes qu’entraîne l’obscurité des soirs, les émotions diverses que produit dans les rues l’annonce des attaques ennemies, la recherche des éclats qu’a semés l’explosion des bombes et la fuite un peu précipitée de quelques personnes trop prudentes. Dans la tourmente qu’elle traverse, Venise garde son calme et sa sérénité : comme me le disait joliment un Vénitien, elle demeure toujours « la Sérénissime. »


Du haut des toits du palais ducal, Venise est incomparable au soleil couchant. La journée s’achève en beauté. Sur le ciel embrasé du soir, les coupoles de San Giorgio Maggiore, de la Salute, du Rédempteur flamboient dans une lumière d’apothéose. Sur la lagune frissonnante, sur les îles, sur le Lido lointain, c’est un poudroiement de pourpre ardente, de rose tendre, d’or et de mauve. Déjà l’ombre descend sur la vaste cour silencieuse du palais ; mais à la façade de marbre de Saint-Marc, aux coupoles aériennes de la basilique, s’accrochent encore des traînées lumineuses, des nuances délicates de rose pâle et d’argent ; et la ville entière, que dominent les flèches puissantes des hauts campaniles, resplendit comme dans une gloire. En bas, sur la place, sur le quai, des promeneurs passent, paisibles ; des embarcations glissent sur l’eau. Dans la ville tranquille comme dans le ciel limpide, une sérénité semble répandue, et pour un peu on oublierait la guerre, si sur les toits de plomb du palais des Doges on n’apercevait la trace légère des balles qui les frappèrent, si on n’y ramassait les éclats rouilles des projectiles qui les ont effleurés. Dans la féerie du soleil couchant, il y a une mélancolie et une angoisse, comme il y a une inquiétude dans la nuit qui s’annonce trop claire et trop belle. Ainsi qu’aux jours lointains de sa naissance, Venise connaît de nouveau la menace des barbares, et le temps n’est pas proche, hélas ! où elle entendra de nouveau descendre sur elle la parole apaisante inscrite aux feuillets du livre que son lion ailé étreint de sa griffe puissante : Pax tibi, Marce, evangelista meus


CHARLES DIEHL.