D’Eugène Delacroix au néo-impressionnisme/Note préliminaire


NOTE PRÉLIMINAIRE


1. Les peintres néo-impressionnistes sont ceux qui ont instauré et, depuis 1886, développé la technique dite de la division en employant comme mode d’expression le mélange optique des tons et des teintes.

Ces peintres, respectueux des lois permanentes de l’art, le rythme, la mesure, le contraste, ont été amenés à cette technique par leur désir d’atteindre un maximum de luminosité, de coloration et d’harmonie, qu’il ne leur semble possible d’obtenir par aucun autre mode d’expression.

Ils ont, comme tous les novateurs, étonné et excité le public et la critique, qui leur ont reproché d’user d’une technique hétéroclite, sous laquelle disparaîtrait le talent qu’ils pourraient avoir.

Nous tenterons ici, non de défendre le mérite de ces peintres, mais de démontrer que leur méthode si décriée est traditionnelle et normale ; qu’elle est entièrement pressentie et presque formulée par Eugène Delacroix, et qu’elle devait fatalement succéder à celle des impressionnistes.

Est-il utile d’affirmer qu’il n’entre point dans notre idée de les comparer à leurs illustres devanciers ? Nous voudrions, seulement, prouver qu’ils ont le droit de se réclamer de l’enseignement de ces maîtres et qu’ils se maillent à la chaîne des champions de la couleur et de la lumière.

2. Il pourrait paraître superflu d’exposer une technique picturale. Les peintres devraient être jugés uniquement sur leurs œuvres, et non d’après leurs théories. Mais ce qu’on attaque particulièrement chez les néo-impressionnistes, c’est leur technique : on paraît regretter de les voir s’égarer dans des recherches vaines ; ils sont, par beaucoup, condamnés d’avance, sur leur facture, sans examen sérieux de leurs toiles ; pour eux, on s’arrête au moyen sans vouloir constater les bénéfices du résultat. Il nous semble donc licite de venir défendre leur mode d’expression et de le montrer logique et fécond.

Il nous sera ensuite permis d’espérer qu’on voudra bien examiner leurs œuvres sans parti pris, car si une technique, reconnue valable, ne donne pas de talent à ceux qui l’emploient, pourquoi en retirerait-elle à ceux qui trouvent en elle le meilleur moyen d’exprimer ce qu’ils sentent et ce qu’ils veulent ?

3. Il nous sera bien facile de démontrer aussi que les reproches et les critiques adressés aux néo-impressionnistes sont également dans la tradition et qu’ils ont été supportés par leurs précurseurs, comme par tous les artistes d’ailleurs qui apportèrent un mode d’expression non coutumier.