Dégel (Verhaeren)
DÉGEL
Tout est déteint, brouillé, fondu ;
Et par les bois et les chemins perdus
Les mendiants n’arrivent plus
Les vieux autour des feux se racontent leurs maux,
À gestes lents et péremptoires ;
On jette un charbon rare au ventre du fourneau.
Tandis que les enfants font claquer leurs sabots
Qui festonne les pieds de l’armoire en noyer,
Qu’inscrivit sur la vitre un givre régulier,
Si drus sont les flocons qui s’égrènent par tas.
Tuiles rouges et vernissées,
Et vous, pignons, vous vous cachez sous les frimas ;
À peine un aboiement s’entend, torpide et las,
Près des fournils déserts grincent, dans l’air muet,
Les verrous durs d’une poterne ;
Et pour l’instant du soir où la traite se fait,
Parmi les bidons gras et les luisants baquets,
Et le docteur, tapi dans son cabriolet,
Revient, au petit trot du fond de la bruyère,
Et l’on parle du mort lointain
Qu’il faudra bien conduire en terre,
Demain,
Dieu sait par quels chemins
Mornes et vides,