Décrets des sens sanctionnés par la volupté/3

A Rome, De l’Imprimerie du Saint Pere, M. DCC. LXXXXIII (p. 20-26).

LA TROMPETTE DU JUGEMENT,
OU

Le Moine débandant.




Qu’on me vante en vain les exploits d’un militaire. Je sais qu’un grenadier ne fout pas comme un petit maître ; il monte aussi gaiement à l’assaut que sur le corps d’une femelle en gentil corsage, dont la taille svelte et alongée lui présage mille charmes, dont les tettons fermes et rondelets enflamment en lui les desirs de la paillardise. Je sais en outre que, hardi fouteur, il n’abandonne pas facilement la brêche que la place ne soit rendue, et que le foutre ruisselant avec le sang sont les signals assurés de la victoire ; mais encore, qu’est-ce qu’un soldat auprès d’un moine ? Que l’un remporte les lauriers de la guerre, j’y consens ; mais aux pénaillons appartiennent les lauriers de la fouterie, et comme j’ai toujours eu l’humeur pacifique, je tiens pour assuré que les uns valent bien les autres.

A voir le tableau qui forme le sujet de cette anecdote, je m’expose sans doute à un démenti sur l’assertion de ce que je viens d’annoncer, chacun va courir à l’examen de l’estampe, au moins ceux qui ne l’auront fait qu’appercevoir, et l’on va dire, le voilà donc ce moine valeureux, dont le vit mâle et rubicond est l’effroi de tous les cons qui se présentent à ses regards, il a les yeux fixés sur un qui entr’ouvert et dans la plus belle exposition, l’invite à cueillir mille plaisirs ; la douce pâmoison de la créature divine en proie à sa lubricité est ensevelie dans une langueur lubrique, annonçant le desir de foutre, et cependant sa couille pend, son vit a la tête baissée ; la fouterie paraît plutôt l’effrayer que l’animer au déduit amoureux, et c’est pourtant un moine.

Eh ! taisez-vous goguenards, plaisans, pour un moment je vous souhaite à la place du révérend, et d’honneur je puis assurer que quand vous auriez un vit semblable à celui d’Hercule, ou à celui de défunt le maréchal de Saxe, quand vous banderiez comme l’un ou l’autre de ces deux héros en fouterie, vous en resteriez le tout net, même quand vous auriez devant les yeux les tettons de madame Victoire, le con de Marie-Antoinette, les fesses de madame de Balby, les cuisses de la duchesse de Saint-Aignan, la motte de la duchesse d’Orléans, et que le poignet agréable de toutes les putains des quatorze ou quinze spectacles de la capitale vous secoueraient l’engin, si vous bandiez, que le diable m’emporte ; pour en être convaincus, lisez jusqu’au bout.

Le Père Théodore, Feuillant de la rue Saint-Honoré, tout aussi paillard que les défunts frère Come et le père carme Elisée, tout en allant à la quête, cherchait aussi le prioré : plus jaloux de procurer quelque aubaine à sa luxure, que des charités à son couvent, son soin le plus précieux était de s’introduire dans ces refuges de fouterie dont le Palais-royal est environné, et quand il le pouvait, sans appréhender le scandale, le pater y foutait ; et plus d’une de ces prêtresses de Priape avait été tout aussi flatté de l’offrande que le bon père avait répandu dans le tronc de sa maison, que du foutre provenu du membre de sa révérence.

Le frocard était ordinairement accompagné d’un frère laïs, qui chérissait autant que lui la créature, et qui, quoique n’étant pas initié aux mystères de la monacaille, sentait de fois à autre se roidir sous sa robe l’aiguillon de la chair.

Une jeune et jolie provençale que nous logerons rue des Bons-Enfans, avait été abandonnée par un garde-du-corps, depuis l’époque où ces satellites de la cour avaient été contraints de déloger sans tambours ni trompettes, et de fuir devant un escadron de poissardes, proprement appellées mesdames de la halle, et conséquemment forcées de prendre le parti du commerce, et de tenir boutique est entrepôt de fouterie dans ce quartier si renommé.

Depuis quelque tems le père Théodore, au moyen d’un écu, claquoit les fesses de cette divinité, et le plus ordinairement le frère laïs l’accompagnait et restait sur l’escalier. On pressent bien, sans doute, que cela n’étoit pas du goût de sa fraternité ; or, que fit-il. Sorti du couvent sans sa révérence, il fut trouver la prêtresse de Priape, et lui adressa ce discours énergique :

Je n’ai pas le bonheur d’être père Feuillant ; mais je fouts tout aussi bien, et qui plus est, je paye encore mieux. Je t’apporte, miraculeuse beauté ! le fruit de mes épargnes, et un vit digne du généralat, pourras-tu le refuser ? Quelle est la putain qui, en entendant une pareille harangue, ne se couche ausitôt et n’empoigne à l’instant même et vit et argent ; c’est aussi ce que fit la prostituée. Content de cette précieuse besogne, il rengaina son allumette, et promit de revenir le lendemain ; mais en se promettant bien de se venger du père Théodore. Le lendemain, s’étant muni d’un cornet à bouquin, il devança le pénaillon chez sa dulcinée, la foutit d’abord, et sachant le moment où sa révérence allait entrer, il s’amusa à foutimasser en l’attendant. Le père Théodore arriva donc, le frère parut effrayé ; que faire ? Le lit seul pouvait le dérober aux regards du pater ; il se fourra dessous. A peine il y fut, que le ventru Théodore était dans la chambre, qui s’annonça ainsi : bonjour ma couillardine ; viens me baiser. Je suis en train aujourd’hui, oui, je sens, au feu divin qui circule dans mes couilles, que ton aubaine sera triplée. Alors il se mit en devoir d’enconner ; mais, ô prodige ! Comme il enfilait la route canonique, un effroyable son de cornet partit de dessous le lit ; puis une voix tonnante que le frère laïs prit soin de contrefaire, adressa ces mots au moine paillard qui s’était retiré de dessous son impudique courtisanne :

Infâme enfant de Saint François, est-ce ainsi que tu fais usage des vertus du cloître ? Impur, je te cite au jugement dernier. Quelques sons de la même trompette terminèrent cette ridicule harangue. Quelle figure faisait ce bon père Théodore ? Bien triste, en vérité. Il ne bandait plus ; levant les mains en l’air, il recula de surprise, et sans en demander davantage il enfila l’escalier et se retira surpris, pénétré de surprise et d’horreur.

La charmante fouteuse, au fait de l’aventure, avait joué l’évanouissement ; mais sitôt que le bon père eut enfilé la venelle, le frère laïs et la princesse rirent aux larmes, et le charmant bijou que le révérend Théodore s’apprêtoit à fêter fut la proie des ardens baisers de son compagnon.

C’est ainsi que les moines se vengent : Dieu des fouteurs, tu peux seul suggérer cette ruse, mais elle est inimitable.

Qui fut penaud ? ce fut sa révérence. Qui fut joyeux ? ce fut le frater. Qui fut satisfaite ? ce fut la catin. Il est vrai qu’elle perdit une pratique par cette aventure ; mais comme les ressources d’une femme publique sont inépuisables, le Ciel ou plutôt la lubricité lui en envoya d’autres.