Découverte de la Terre/Première partie/Chapitre VIII/I

J. Hetzel (1p. 261-285).
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CHAPITRE VIII

LA CONQUÊTE DE L’INDE ET DU PAYS DES ÉPICES

I

Covilham et Païva. — Vasco da Gama. — Le cap de Bonne-Espérance est doublé. — Escales à Sam-Braz. Mozambique, Mombaz et Melinde. — Arrivée à Calicut. — Trahisons du zamorin. — Batailles. — Retour en Europe. — Le scorbut. — Mort de Paul da Gama. — Arrivée à Lisbonne.

En même temps qu’il envoyait Diaz chercher dans le sud de l’Afrique la route des Indes, le roi de Portugal, Jean II, chargeait deux gentilshommes de sa cour de s’informer s’il ne serait pas possible d’y pénétrer par une voie plus facile, plus rapide et plus sûre : l’isthme de Suez la mer Rouge et l’océan Indien.

Une telle mission exigeait un homme habile, entreprenant, bien au courant des difficultés d’un voyage dans ces régions, connaissant les langues orientales et tout au moins l’arabe. Il fallait un agent de caractère souple et dissimulé, capable, en un mot, de ne pas laisser pénétrer des projets qui ne tendaient à rien moins qu’à retirer des mains des musulmans, des Arabes et par eux des Vénitiens, tout le commerce de l’Asie pour en doter le Portugal.

Un navigateur expérimenté, Pedro de Covilham, qui avait servi avec distinction sous Alphonse V dans la guerre de Castille, avait fait un assez long séjour en Afrique. Ce fut sur lui que Jean II jeta les yeux. On lui adjoignit Alonzo de Païva, et tous deux, munis d’instructions détaillées ainsi que d’une carte tracée d’après la mappemonde de l’évêque Calsadilla, suivant laquelle on pouvait faire le tour de l’Afrique, partirent de Lisbonne au mois de mai 1487.

Les deux voyageurs gagnèrent Alexandrie et le Caire, où ils furent assez heureux pour rencontrer des marchands maures de Fez et de Tlemcen qui les conduisirent à Thor, l’ancienne Asiongaber, au pied du Sinaï, où ils purent se procurer de précieux renseignements sur le commerce de Calicut.

Covilham résolut de profiter de cette heureuse circonstance pour visiter un pays sur lequel, depuis un siècle, le Portugal jetait un regard de convoitise, tandis que Païva allait s’enfoncer, dans les régions alors si vaguement désignées sous le nom d’Éthiopie, à la recherche de ce fameux prêtre Jean, qui régnait, racontaient les anciens voyageurs, sur une contrée de l’Afrique merveilleusement riche et fertile. Païva périt sans doute dans sa tentative aventureuse, car on ne retrouve plus ses traces.

Quant à Covilham, il gagna Aden où il s’embarqua pour la côte de Malabar. Il visita successivement Cananor, Calicut, Goa, et recueillit des informations précises sur le commerce et les productions des pays voisins de la mer des Indes, sans éveiller les soupçons des Hindous, bien éloignés de penser que l’accueil bienveillant et amical qu’ils faisaient au voyageur assurait la ruine et l’asservissement de leur patrie.

Covilham, croyant n’avoir pas encore assez fait pour son pays, quitta l’Inde, gagna la côte orientale d’Afrique, où il visita Mozambique, Sofala, depuis longtemps fameuse par ses mines d’or, dont la réputation était venue avec les Arabes jusqu’en Europe, et Zeila, l’Avalites portus des anciens, la ville principale de la côte d’Adel, à l’entrée du golfe arabique, sur la mer d’Oman. Après un assez long séjour dans cette contrée, il revint par Aden, alors le principal entrepôt du commerce de l’Orient, poussa jusqu’à l’entrée du golfe Persique, à Ormuz, puis, remontant la mer Rouge, il regagna le Caire.

Jean II avait envoyé deux juifs instruits qui devaient y attendre Covilham. Celui-ci remit à l’un d’eux, le rabbin Abraham Beja, ses notes, l’itinéraire de ses voyages et une carte d’Afrique qu’un musulman lui avait donnée, en le chargeant de porter le tout à Lisbonne, dans le plus bref délai possible.

Pour lui, non content de ce qu’il avait fait jusque-là, et voulant exécuter la mission que la mort avait empêché Païva d’accomplir, il pénétra en Abyssinie, dont le negous, connu sous le nom de prêtre Jean, flatté de voir son alliance recherchée par un des souverains les plus puissants de l’Europe, l’accueillit avec une extrême bienveillance, et lui confia même une haute position à sa cour, mais, pour s’assurer la continuité de ses services, il se refusa constamment à lui laisser quitter le pays. Bien qu’il se fût marié et qu’il eût des enfants, Covilham pensait toujours à sa patrie, et, lorsqu’en 1525 une ambassade portugaise, dont faisait partie Alvarès, vint en Abyssinie, il vit partir avec le plus profond regret ses compatriotes, et le chapelain de l’expédition s’est fait naïvement l’écho de ses plaintes et de sa douleur.

« En fournissant, dit M. Ferdinand Denis, sur la possibilité de la circumnavigation de l’Afrique, des renseignements précis, en indiquant la route des Indes, en donnant sur le commerce de ces contrées les notions les plus positives et les plus étendues, en faisant surtout la description des mines d’or de Sofala, qui dut exciter la cupidité portugaise, Covilham contribua puissamment à accélérer l’expédition de Gama. »

Si l’on devait ajouter foi à d’antiques traditions qu’aucun document authentique n’est venu confirmer, Gama descendrait par une branche illégitime d’Alphonse III, roi de Portugal. Son père, Estevam Eanez da Gama, grand alcaïde de Sinès et de Sylvès au royaume des Algarves, et commandeur de Seixal, occupait une haute position à la cour de Jean II. Sa réputation de marin était telle que ce roi, au moment où la mort vint le surprendre, songeait à lui donner le commandement de la flotte qu’il voulait envoyer aux Indes.

De son mariage avec dona Isabelle Sodré, fille de Jean de Resende, provéditeur des fortifications de Santarem, naquirent plusieurs enfants, et notamment Vasco, qui, le premier, gagna l’Inde en doublant le cap de Bonne-Espérance, et Paul, qui l’accompagna dans cette mémorable expédition. On sait que Vasco da Gama vit le jour à Sinès, mais on n’est pas fixé sur la date de sa naissance. 1469 est l’époque ordinairement admise, mais outre que Gama eût été bien jeune (il n’aurait eu que vingt-huit ans) lorsque lui fut confié l’important commandement de l’expédition des Indes, on a découvert il y a une vingtaine d’années, dans les archives espagnoles, un sauf-conduit accordé en 1478 à deux personnages nommés Vasco da Gama et Lemos pour passer à Tanger. Il est peu vraisemblable qu’un tel passeport eût été donné à un enfant de neuf ans, ce qui reporterait plus en arrière la date de naissance du célèbre voyageur.

Il semble que, de bonne heure, Vasco da Gama ait été destiné à suivre la carrière de la marine, dans laquelle s’était illustré son père. Le premier historien des Indes, Lopez de Castañeda, se plaît à rappeler qu’il s’illustra sur les mers d’Afrique.

On sait même qu’il fut chargé de saisir dans les ports du Portugal tous les navires français qui s’y trouvaient mouillés, en représailles de la capture d’un riche galion portugais revenant de Mina, faite en pleine paix par des corsaires français.

Cette mission n’avait dû être confiée qu’à un capitaine actif, énergique et connu par ses hauts faits. C’est pour nous la preuve que la valeur et l’habileté de Gama étaient hautement appréciées du roi.

Vers cette époque, il épousa dona Catarina de Ataïde, une des plus hautes dames de la cour, dont il eut plusieurs enfants, entre autres Estevam da Gama, qui fut gouverneur des Indes, et dom Christovam, qui, par sa lutte en Abyssinie contre Ahmed Guerad, dit le Gaucher, et par sa mort romanesque, mérite d’être compté parmi les aventuriers fameux du XVIe siècle.

Grâce à un document extrait de la bibliothèque publique de Porto, document que Castañeda dut connaître et dont M. Ferdinand Denis a publié la traduction dans les Voyageurs anciens et modernes, de M. E. Charton, le doute n’est plus possible sur la date du premier voyage de Gama.

On peut la fixer avec toute certitude au samedi 8 juillet 1497. Tous les détails de cette expédition, dès longtemps résolue, furent minutieusement réglés.

Elle devait se composer de quatre bâtiments de grandeur moyenne « afin, dit Pacheco, qu’ils pussent entrer et sortir prestement partout. » Solidement construits, ils étaient tous pourvus d’un triple rechange de voiles et d’amarres ; tous les tonneaux destinés à contenir les provisions d’eau, d’huile ou de vin avaient été renforcés de cercles de fer ; approvisionnements de toute sorte, farine, vin, légumes, objets de pharmacie, artillerie, tout avait été réuni en abondance ; enfin les meilleurs matelots, les plus habiles pilotes, les capitaines les plus expérimentés en formaient le personnel.

Gama, qui avait reçu le titre de capitam mõr, arbora son pavillon sur le Sam-Gabriel, de 120 tonneaux. Son frère, Paulo da Gama, monta le Sam-Raphael, de 100 tonneaux. Une caravelle de 50 tonneaux, le Berrio, ainsi nommée en souvenir du pilote Berrio qui l’avait vendue à Emmanuel Ier, eut pour capitaine Nicolas Coelho, marin expérimenté. Enfin une grande barque, chargée de provisions et de marchandises destinées au troc avec les naturels des pays qu’on visiterait, avait pour commandant Pedro Nuñes.

Pero de Alemquer, qui avait été le pilote de Bartholomeu Dias, devait régler la marche de l’expédition.

Le personnel de la flotte, y compris dix malfaiteurs qu’on avait embarqués pour remplir des missions dangereuses, s’élevait à cent soixante personnes.

Comparés à la grandeur de la mission que ces hommes allaient accomplir, quels faibles moyens, quelles ressources presque dérisoires !

Le 8 juillet, aux premiers rayons du soleil, Gama, suivi de ses officiers, s’avance vers les bâtiments au milieu d’un immense concours de peuple. Autour de lui se déploie un cortège de moines et de religieux, qui chantent des hymnes sacrées et demandent au ciel, d’étendre sa protection sur les voyageurs.

Ce dut être une scène singulièrement émouvante que ce départ de Rastello, alors que tous, acteurs et spectateurs, mêlaient leurs chants, leurs cris, leurs adieux et leurs pleurs, tandis que les voiles, gonflées par un vent favorable, entraînaient vers la haute mer Gama et la fortune du Portugal.

Une grande caravelle et une barque plus petite qui se rendaient à Mina, sous le commandement de Bartholomeu Dias, devaient voyager de conserve avec la flotte de Gama.

Le samedi suivant, les bâtiments étaient en vue des Canaries et passèrent la nuit au vent de Lancerote. Lorsqu’ils arrivèrent à la hauteur du Rio de Ouro, un brouillard épais sépara Paul da Gama, Coelho et Dias du reste de la flotte. On se rejoignit près des îles du cap Vert, qu’on atteignit bientôt. À Santiago, les provisions de viande, d’eau et de bois furent renouvelées et les bâtiments remis en bon état de navigabilité.

On quitta la plage de Santa-Maria le 3 août. Le voyage s’accomplit sans incidents notables, et, le 4 novembre, on jeta l’ancre à la côte d’Afrique dans une baie qui reçut le nom de Santa-Ellena. On y passa huit jours à faire du bois et à tout remettre en ordre à bord des navires. Ce fut là qu’on vit pour la première fois des Boschis, race misérable et dégradée qui se nourrissait de la chair des loups marins et des baleines en même temps que de racines. Les Portugais s’emparèrent de quelques-uns de ces naturels et les traitèrent amicalement. Les sauvages ne connaissaient le prix d’aucune des marchandises qu’on leur présenta, ils les voyaient pour la première fois et en ignoraient l’usage. La seule chose qu’ils paraissaient priser, c’était le cuivre, et ils portaient aux oreilles de petites chaînes de ce métal. Ils savaient fort bien se servir de zagaies, sortes de javelines dont la pointe est durcie au feu, comme l’éprouvèrent trois ou quatre matelots et Gama lui-même, en essayant de tirer de leurs mains un certain Velloso, qui s’était imprudemment enfoncé dans l’intérieur du pays, — événement qui a fourni à Camoëns un des plus charmants épisodes des Lusiades.

En quittant Santa-Ellena, Pero de Alemquer, l’ancien pilote de Dias, déclara qu’il se croyait à trente lieues du Cap ; mais, dans le doute, on prit le large, et, le 18 novembre la flotte se trouva en vue du cap de Bonne-Espérance, qu’elle doubla le lendemain avec vent en poupe.

Le 25, les navires atterrirent à la baie Sam Braz, où ils restèrent treize jours, pendant lesquels on démolit le bâtiment porteur des approvisionnements, qui furent répartis sur les trois navires. Durant leur séjour, les Portugais donnèrent aux Boschis des grelots et d’autres objets qu’ils les virent accepter avec surprise, car, lors du voyage de Dias, les nègres s’étaient montrés craintifs, hostiles même, et avaient défendu l’aiguade à coups de pierres. Bien plus, ils amenèrent des bœufs et des moutons, et, pour témoigner leur satisfaction du séjour des Portugais, « ils commencèrent, dit Nicolas Velho, à faire résonner quatre ou cinq flûtes, les uns jouant haut, les autres bas, concertant à merveille pour des nègres dont on n’attend guère de la musique. Ils dansaient aussi, comme dansent les noirs, et le capitam mõr ordonna de sonner les trompettes, et nous, dans nos chaloupes, nous dansions, le capitam mõr dansant aussi après être revenu parmi nous. »

Que dites-vous de cette petite fête et de cette aubade réciproque que se donnent les Portugais et les nègres ? Se serait-on attendu à voir Gama, le grave Gama, que nous représentent ses portraits, initiant les nègres aux charmes de la pavane ? Par malheur, ces bonnes dispositions ne durèrent pas ; et il fallut faire quelques démonstrations hostiles par les décharges réitérées de l’artillerie.

Dans cette baie de Sam Braz, Gama planta un padraõ, qui fut renversé aussitôt après son départ. Bientôt on eut dépassé le Rio-Infante, point extrême atteint par Dias. À ce moment, la flotte ressentit les effets d’un courant violent, qui put être neutralisé, grâce au vent favorable. Le 25 décembre, jour de Noël, la terre de Natal était découverte.

Les bâtiments avaient des avaries, l’eau potable manquait ; il était urgent de gagner un port, ce que fit l’expédition, le 10 janvier 1498. Les noirs que virent les Portugais en débarquant étaient beaucoup plus grands que ceux qu’ils avaient rencontrés jusque-là. Ils étaient armés d’un grand arc, de longues flèches et d’une zagaie garnie de fer. C’étaient des Cafres, race bien supérieure aux Boschis. De si bons rapports s’établirent avec eux que Gama donna au pays le nom de Terre de la bonne Nation (Terra da boa Gente).

Un peu plus loin, en remontant toujours la côte, deux marchands musulmans, l’un portant le turban, l’autre un capuchon de satin vert, vinrent visiter les Portugais avec un jeune homme qui, « selon ce qu’on pouvait comprendre par leurs signes, appartenait à un pays fort loin de là, et disait avoir déjà vu des bâtiments grands comme les nôtres. » Ce fut pour Vasco da Gama la preuve qu’il approchait de ces terres de l’Inde, depuis si longtemps et si ardemment cherchées. Aussi nomma-t-il la rivière qui débouchait à cet endroit dans la mer Rio dos Boms Signaes (Rivière des Bons Indices). Malheureusement apparurent en même temps parmi les équipages les premiers symptômes du scorbut, qui ne tarda pas à jeter bon nombre de matelots sur les cadres.

Le 10 mars, l’expédition mouilla devant l’île de Mozambique. Là, Gama, par ses interprètes arabes, apprit que, parmi les habitants d’origine mahométane, se trouvait un certain nombre de marchands qui trafiquaient avec l’Inde. L’or et l’argent, les draps et les épices, les perles et les rubis formaient le fond de leur commerce. Gama reçut en même temps l’assurance qu’en remontant le long du littoral, il trouverait de nombreuses cités ; « ce dont nous étions si joyeux, dit Velho dans sa naïve et précieuse relation, que nous en pleurions de plaisir, priant Dieu qu’il lui plût nous donner la santé pour que nous vissions ce que nous avions tant désiré. »

Le vice-roi Colyytam, qui croyait avoir affaire à des musulmans, vint plusieurs fois à bord des navires, où il fut magnifiquement traité ; il répondit à ces politesses par l’envoi de présents, il donna même à Gama deux pilotes habiles ; mais lorsque des marchands maures, qui avaient trafiqué en Europe, lui eurent, appris que ces étrangers, loin d’être Turcs, étaient les pires ennemis des mahométans, le vice-roi, honteux de s’être laissé tromper, mit tout en œuvre pour s’emparer d’eux et les tuer par trahison. Il fallut pointer l’artillerie sur la ville, et menacer de la réduire en cendres pour obtenir l’eau nécessaire à la continuation du voyage. Le sang coula, et Paul da Gama s’empara de deux barques, dont le riche chargement fut distribué aux matelots.

Gama quitta le 29 mars cette ville inhospitalière et continua son voyage, tout en surveillant de près ses pilotes arabes, qu’il se vit obligé de faire fustiger.

Le 4 avril, on aperçut la côte, et, le 8, on arriva à Mombaça ou Mombaz, ville que les pilotes affirmèrent être habitée par des chrétiens et des musulmans.

La flotte jeta l’ancre devant le port, sans y entrer cependant, malgré la réception enthousiaste qui lui fut faite. Déjà les Portugais comptaient se rencontrer le lendemain à la messe avec les chrétiens de l’île, lorsque, à la nuit, s’approcha du vaisseau amiral une zavra montée par une centaine d’hommes armés, qui prétendaient y entrer tous à la fois, ce qui leur fut refusé.

Instruit de ce qui s’était passé à Mozambique, le roi de Mombaça, feignant de l’ignorer, envoya des présents à Gama, lui proposa d’établir un comptoir dans sa capitale et l’assura qu’il pourrait, aussitôt entré dans le port, prendre charge d’épiceries et d’aromates. Le capitam mõr, sans se douter de rien, envoya aussitôt deux hommes annoncer son entrée pour le lendemain. Déjà on levait l’ancre, lorsque le vaisseau amiral, se refusant à virer, on la laissa retomber à pic. Dans une gracieuse et poétique fiction, Camoëns affirme que ce sont les Néréides, conduites par Vénus, la protectrice des Portugais, qui arrêtèrent leurs navires sur le point d’entrer dans le port. À ce moment, tous les Maures qui se trouvaient sur les navires portugais les quittèrent à la fois, tandis que les pilotes venus de Mozambique se jetaient à la mer.

Deux Maures, soumis à la question de la goutte d’huile ardente, avouèrent qu’on se proposait de faire prisonniers les Portugais dès qu’ils seraient entrés dans le port. Pendant la nuit, les Maures essayèrent à plusieurs reprises de grimper à bord, et de rompre les câbles pour faire échouer les bâtiments, mais chaque fois ils furent découverts. Une relâche dans ces conditions ne pouvait être bien longue à Mombaz. Elle dura cependant assez pour que tous les scorbutiques recouvrissent la santé.

A huit lieues de terre, la flotte s’empara d’une barque richement chargée d’or, d’argent et d’approvisionnements. Le lendemain, elle arriva à Mélinde, cité riche et florissante, dont les minarets dorés, étincelant sous les rayons du soleil, et les mosquées, d’une blancheur éclatante, se découpaient sur un ciel d’un bleu intense.

La réception, d’abord assez froide, parce qu’on savait à Mélinde la capture de la barque opérée la veille, devint cordiale aussitôt que des explications eurent été échangées. Le fils du roi vint visiter l’amiral avec un cortège de courtisans magnifiquement vêtus et des chœurs de musiciens qui jouaient de divers instruments. Ce qui l’étonna le plus, ce fut l’exercice du canon, car l’invention de la poudre n’était pas encore connue sur la côte orientale d’Afrique. Un traité solennel fut juré sur l’Évangile et le Coran et cimenté par un échange de présents magnifiques.

Le mauvais vouloir, les embûches, les difficultés de tout genre qui avaient assailli jusque-là l’expédition cessèrent dès lors comme par enchantement, ce qu’il faut attribuer à la franchise, à la générosité du roi de Mélinde, et à l’aide qu’il fournit aux Portugais.

Fidèle à la promesse qu’il en avait faite à Vasco da Gama, le roi lui envoya un pilote guzarate, nommé Malemo Cana, homme instruit dans la navigation, qui savait se servir de cartes, du compas et du quart de cercle, et qui rendit les plus grands services à l’expédition.

Après une escale de neuf jours, la flotte leva l’ancre pour Calicut.

Il fallait maintenant renoncer à cette navigation de caboteurs, toujours en vue des côtes, qui avait été jusqu’alors pratiquée. Le jour était venu de s’abandonner à la grâce de Dieu sur l’immense Océan, sans autre guide qu’un pilote inconnu, fourni par un roi dont le bon accueil n’avait pu endormir la méfiance des Portugais.

Et cependant, grâce à l’habileté et à la loyauté de ce pilote, grâce à la clémence de la mer et du vent, qui se montra constamment favorable, après une navigation de vingt-trois jours, la flotte accostait la terre le 17 mai, et le lendemain, elle mouillait à deux lieues au-dessous de Calicut.

L’enthousiasme fut grand à bord. On était donc enfin arrivé dans ces pays si riches et si merveilleux. Les fatigues, les dangers, la maladie, tout fut oublié. Le but de tant et de si longs efforts était atteint !

Ou plutôt il semblait l’être, car il s’en fallait encore qu’on fût maître des trésors et des riches productions de l’Inde.

A peine l’ancre avait-elle touché le fond que quatre embarcations se détachèrent du rivage, évoluèrent autour de la flotte, semblant inviter les matelots à débarquer. Mais Gama, qu’avaient rendu prudent les événements de Mozambique et de Mombaça, envoya en éclaireur un des malfaiteurs embarqués. Celui-ci devait parcourir la ville et tâcher de découvrir les dispositions des habitants.

Entouré d’une foule de curieux, assailli de questions auxquelles il ne pouvait répondre, il fut conduit chez un Maure nommé Mouçaïda, qui parlait l’espagnol et à qui il raconta sommairement les péripéties de l’expédition. Mouçaïda l’accompagna sur la flotte, et ses premiers mots en mettant le pied sur les navires furent : « Bonne chance ! bonne chance ! beaucoup de rubis, beaucoup d’émeraudes ! » Depuis ce moment, Mouçaïda fut attaché à l’expédition comme interprète.

Comme le roi de Calicut était alors éloigné de sa capitale d’une quinzaine de lieues, le capitam mõr envoya deux hommes pour l’avertir que l’ambassadeur du roi de Portugal était arrivé et lui apportait des lettres de son souverain. Le roi dépêcha aussitôt un pilote chargé de conduire les navires portugais sur la rade plus sûre de Pandarany et répondit qu’il serait le lendemain de retour à Calicut.

En effet, il chargea son intendant ou catoual d’inviter Gama à descendre à terre pour traiter de son ambassade. Malgré les supplications de son frère Paul da Gama, qui lui représentait les dangers auxquels il allait s’exposer et ceux que sa mort ferait courir à l’expédition, le capitam mõr gagna le rivage, où l’attendait une foule immense.

L’idée qu’ils se trouvaient au milieu de peuples chrétiens était tellement enracinée chez tous les membres de l’expédition, que, rencontrant une pagode sur son chemin, Gama y entra faire ses dévotions. Toutefois, un de ses compagnons, Juan de Saa, que la laideur des images peintes sur les murailles rendait moins crédule, dit à haute voix, en s’agenouillant : « Si cela est un diable, je n’entends toutefois adorer que le vrai Dieu ! » restriction qui excita la bonne humeur de l’amiral.

Près des portes de la ville, la foule était encore plus compacte. Gama et les Portugais, conduits par le catoual, eurent de la peine à gagner le palais, où le roi, désigné dans les relations sous le titre de « zamorin, » les attendait avec une extrême impatience.

Introduits dans des salles pompeusement décorées d’étoffes de soie et de tapis, où brûlaient des parfums exquis, les Portugais se trouvèrent en présence du zamorin, qui était revêtu d’habits magnifiques et de joyaux précieux, de perles et de diamants d’une grosseur extraordinaire.

Le roi leur fit servir des rafraîchissements, leur permit de s’asseoir, — faveur précieuse dans un pays où l’on ne parle au souverain que prosterné à terre, — et il passa dans une autre pièce pour entendre lui-même, comme le réclamait fièrement Gama, les motifs de son ambassade et le désir qu’avait le roi de Portugal de conclure avec celui de Calicut un traité de commerce et d’alliance. À ce discours de Gama, le zamorin répondit qu’il serait heureux de se considérer comme le frère et l’ami du roi Emmanuel, et qu’il enverrait des ambassadeurs en Portugal par son entremise.

Il est certains proverbes qui, pour changer de latitude, n’en demeurent pas moins vrais, et celui-ci : « Les jours se suivent et ne se ressemblent pas, » trouva le lendemain sa vérification à Calicut. L’enthousiasme excité dans l’esprit du zamorin par les adroits discours de Gama et l’espérance qu’il lui avait fait concevoir d’établir un commerce avantageux avec le Portugal s’évanouirent à la vue des présents qui lui étaient destinés. « Douze pièces de drap rayé, douze manteaux à capuce d’écarlate, six chapeaux et quatre rameaux de corail, accompagnés d’une caisse de bassines contenant six pièces, une caisse de sucre et quatre barils, deux pleins d’huile et deux de miel, » ne constituaient pas en effet un cadeau bien magnifique. À cette vue, le premier ministre déclara en se moquant que le plus pauvre marchand de La Mecque apportait de plus riches présents, et que jamais le roi n’accepterait de si ridicules bagatelles. À la suite de cet affront, Gama rendit visite au zamorin. Ce ne fut qu’après avoir attendu longtemps au milieu de la foule, qui se riait de lui, qu’il fut introduit auprès du prince. Celui-ci lui reprocha d’un ton méprisant de n’avoir rien il lui offrir, alors qu’il se prétendait sujet d’un roi riche et puissant. Gama répondit avec assurance et produisit les lettres d’Emmanuel, qui, conçues en termes flatteurs, contenaient la promesse formelle d’envoyer des marchandises à Calicut. Le roi, à qui cette perspective souriait, s’informa alors avec intérêt de l’importance des productions et des ressources du Portugal, et permit à Gama de débarquer et de vendre ses marchandises.

Mais ce brusque revirement dans les dispositions du zamorin n’était pas pour convenir aux commerçants maures et arabes qui faisaient la prospérité de Calicut. Ils ne pouvaient voir de sang-froid des étrangers essayer de détourner à leur profit le cours du commerce resté jusqu’alors entièrement entre leurs mains, et résolurent donc de tout tenter pour écarter à jamais des rivages de l’Inde ces concurrents redoutables. Leur premier soin fut de gagner le catoual ; puis, ils peignirent sous les plus sombres couleurs ces aventuriers insatiables, ces pillards effrontés, qui ne cherchaient qu’à se rendre compte des forces et des ressources de la ville pour revenir en grand nombre la piller et massacrer ceux qui s’opposeraient à leurs desseins.

En arrivant sur la rade de Pandarany, Gama ne trouva pas une embarcation pour le conduire à ses navires et fut forcé de coucher à terre. Le catoual ne le quittait pas, s’efforçant de lui prouver la nécessité de rapprocher la flotte de la terre, et, sur le refus formel de l’amiral, il lui déclara qu’il était prisonnier. C’était peu connaître la fermeté de Gama.

Des chaloupes armées furent envoyées pour essayer de surprendre les navires, mais les Portugais, avertis secrètement par leur amiral de ce qui s’était passé, faisaient bonne garde, et l’on n’osa pas employer ouvertement la force.

Cependant Gama, toujours prisonnier, menaçait le catoual de la colère du zamorin, qui, pensait-il, ne pouvait ainsi trahir les devoirs de l’hospitalité ; mais voyant que les menaces restaient sans effet, il fit cadeau au ministre de quelques pièces d’étoffe qui modifièrent à l’instant ses dispositions. « Si les Portugais, dit-il, avaient tenu la promesse qu’ils avaient faite au roi de débarquer leurs marchandises, depuis longtemps l’amiral serait de retour sur ses navires ». Gama envoya aussitôt l’ordre de les débarquer, installa un comptoir dont la direction fut confiée à Diego Dias, frère du découvreur du cap de Bonne-Espérance, et put alors rallier son bord.

Mais les musulmans mettant obstacle à la vente des marchandises en les dépréciant, Gama envoya auprès du zamorin son facteur Dias se plaindre de la perfidie des Maures et des mauvais traitements qu’il avait subis. En même temps il réclamait la translation de son comptoir à Calicut, où il espérait que les marchandises se vendraient plus facilement.

La requête fut favorablement accueillie et les bonnes relations se maintinrent, malgré les menées des Maures, jusqu’au 10 août 1498. Ce jour-là, Dias vint prévenir le zamorin du prochain départ de Gama, lui rappeler sa promesse d’envoyer une ambassade en Portugal, et il lui demanda un échantillon de chacune des productions du pays, qui lui serait payé sur les premières marchandises vendues après le départ de la flotte, car les employés de la factorerie comptaient rester à Calicut pendant l’absence de Gama.

Non-seulement le zamorin, encore poussé par les trafiquants arabes, refusa l’exécution de sa promesse, mais il réclama le paiement de 600 séraphins pour droits de douane. En même temps, il faisait saisir les marchandises et retenait prisonniers les employés de la factorerie.

Un tel outrage, un tel mépris du droit des gens appelaient une prompte vengeance. Cependant Gama sut dissimuler ; mais, lorsqu’il reçut à son bord la visite de quelques riches marchands, il les retint et envoya au zamorin demander l’échange des prisonniers.

La réponse du roi s’étant fait attendre au delà du délai fixé par l’amiral, celui-ci mit à la voile et alla jeter l’ancre à quatre lieues de Calicut. Après une nouvelle attaque infructueuse des Hindous, les deux facteurs revinrent à bord. et une partie des otages, dont Gama s’était assuré, fut rendue. Dias rapportait une lettre singulière écrite par le zamorin au roi de Portugal sur une feuille de palmier. Nous la reproduisons dans son étrange laconisme, si différent de la pompe ordinaire du style oriental :

« Vasco da Gama, naïre de ton palais, est venu dans mon pays, ce que j’ai eu pour agréable. En mon royaume, il y a beaucoup de cannelle, de girofle et de poivre, avec nombre de pierres précieuses, et ce que je souhaite de ton pays, c’est de l’or, de l’argent, du corail et de l’écarlate. Adieu. »

Le lendemain, Moucaïda, le Maure de Tunis qui avait servi d’interprète aux Portugais et qui leur avait rendu maint service dans leurs négociations avec le zamorin, vint chercher asile à bord des navires portugais. Les marchandises n’ayant pas été rapportées au jour fixé, le capitam mõr résolut d’emmener les hommes qu’il avait gardés pour otages. Cependant, la flotte se trouva arrêtée par le calme à quelques lieues de Calicut ; elle fut alors attaquée par une flottille de vingt barques armées que l’artillerie avait peine à tenir à distance, lorsqu’un violent orage vint les forcer à chercher un abri sous la côte.

L’amiral prolongeait la rive du Dekkan et avait permis à quelques matelots de descendre à terre pour cueillir des fruits et récolter de la cannelle, lorsqu’il aperçut huit bâtiments qui semblaient se diriger vers lui. Gama rappela son monde à bord, courut à la rencontre des Hindous, qui n’eurent rien de plus pressé que de s’enfuir, non sans laisser cependant aux mains des Portugais une barque chargée de cocos et de vivres.

Arrivé à l’archipel des Laquedives, Gama fit espalmer le Berrio et tirer à terre son propre bâtiment pour le radouber. Les matelots étaient occupés à ce travail, lorsqu’ils furent encore une fois attaqués, mais sans plus de succès. Ils virent arriver le lendemain un individu d’une quarantaine d’années, vêtu à la mode hindoue et qui se mit à leur raconter en un excellent italien que, originaire de Venise, il avait été amené tout jeune dans le pays, qu’il était chrétien mais dans l’impossibilité de pratiquer sa religion. Jouissant d’une haute situation auprès du roi de la contrée, il avait été, par lui, envoyé vers eux pour mettre à leur disposition tout ce qu’ils pourraient trouver à leur convenance dans le pays. Des offres de service, si contraires à l’accueil qui leur avait été fait jusque-là, excitèrent les soupçons des Portugais. Ils ne tardèrent d’ailleurs pas à apprendre que cet aventurier était le chef des barques qui les avaient attaqués la veille. On lui donna alors des étrivières jusqu’à ce qu’il avouât être venu pour examiner s’il était possible d’attaquer la flotte avec avantage, et il finit, en déclarant que toutes les populations du littoral s’étaient liguées pour se défaire des Portugais. On le garda donc à bord ; les travaux furent hâtés, et, dès qu’on eût complété les approvisionnements d’eau et de vivres, on mit à la voile pour revenir en Europe.

Pour atteindre la côte d’Afrique, il fallut à l’expédition trois mois moins trois jours, à cause des calmes plats et des vents contraires. Pendant cette longue traversée, les équipages furent violemment atteints du scorbut et trente matelots périrent. Sur chaque bâtiment il ne restait plus que sept ou huit hommes en état de manœuvrer, et bien souvent les officiers eux-mêmes furent obligés de leur donner la main « D’où je puis affirmer, dit Velho, que si le temps où nous voguions à travers ces mers s’était prolongé de quinze jours, personne d’ici n’y eût navigué après nous et les capitaines ayant tenu à ce propos conseil, il avait été résolu, dans le cas où vents pareils nous reprendraient, de retourner vers les terres de l’Inde et de nous y réfugier. »

Ce fut le 2 février 1499 que les Portugais se trouvèrent enfin par le travers d’une grande ville de la côte d’Ajan, appelée Magadoxo, et distante de cent lieues de Mélinde.

Mais Gama, redoutant de voir se renouveler l’accueil qu’il avait reçu à Mozambique, ne voulut pas s’y arrêter et fit faire, en passant à la vue de la ville, une décharge générale de toute son artillerie. Peu de jours après, on découvrit les riches et salubres campagnes de Mélinde, où l’on relâcha. Le roi s’empressa aussitôt d’envoyer des vivres frais et des oranges pour les malades. L’accueil fut, en un mot, des plus sympathiques, et les liens d’amitié contractés au premier séjour de Gama furent encore resserrés. Le cheikh de Mélinde envoya pour le roi de Portugal une trompe d’ivoire et quantité d’autres présents ; en même temps, il pria Gama de recevoir à son bord un jeune Maure, afin que le roi sût, par lui, combien il désirait son amitié.

Les cinq jours de repos que les Portugais passèrent à Mélinde leur apportèrent le plus grand soulagement, puis ils remirent à la voile. Un peu après avoir dépassé Mombaça, ils furent forcés de brûler le Sam-Raphael, car les équipages étaient trop réduits pour pouvoir manœuvrer trois bâtiments. Ils découvrirent l’île de Zanzibar, mouillèrent dans la baie Sam-Braz, et le 20 février, grâce à un vent favorable, ils doublèrent le cap de Bonne-Espérance et se trouvèrent de nouveau dans l’océan Atlantique.

Par sa continuité, la brise semblait hâter le retour des voyageurs. En vingt-sept jours, ils avaient atteint les parages de l’île Santiago. Le 25 avril, Nicolas Coelho, qui montait le Berrio, jaloux d’apporter le premier à Emmanuel la nouvelle de la découverte des Indes, se sépara de son chef et, sans toucher aux îles du cap Vert, comme il était convenu, il fit directement voile pour le Portugal, qu’il atteignit le 10 juillet.

Pendant ce temps, l’infortuné Gama était plongé dans la plus profonde douleur. Son frère Paul da Gama, qui avait partagé ses fatigues et ses angoisses et qui allait être associé à sa gloire, voyait s’éteindre lentement sa vie. À Santiago, Vasco da Gama, revenu sur des mers connues et fréquentées, remit à Joao de Saa le commandement de son navire et fréta une rapide caravelle afin de hâter le moment où son cher malade reverrait les rives de la patrie.

Cet espoir fut déçu, et la caravelle n’arriva à Terceira que pour y enterrer le brave et sympathique Paul da Gama.

A son retour, qui dut avoir lieu dans les premiers jours de septembre, l’amiral fut accueilli par des fêtes pompeuses. Des cent soixante Portugais qu’il avait emmenés, cinquante-cinq seulement revenaient avec lui. La perte était grande, assurément ; mais qu’était-elle, comparée aux avantages considérables que l’on se promettait ! Le public ne s’y trompa pas, et fit à Gama la réception la plus enthousiaste. Quant au roi Emmanuel Ier, il ajouta à ses titres propres ceux de seigneur de la conquête et de la navigation de l’Éthiopie, de l’Arabie, de la Perse et des Indes ; mais il attendit plus de deux ans avant de récompenser Gama et de lui conférer le titre d’amiral des Indes, qualité qu’il était autorisé à faire précéder de la particule dom qu’on accordait si difficilement alors. Puis, sans doute pour faire oublier à Vasco da Gama le retard qui avait été apporté à récompenser ses services, il lui fit don de mille écus, somme considérable pour l’époque, et il lui concéda sur le commerce des Indes, certains privilèges qui ne devaient pas tarder à l’enrichir.