Cruelle, il suffisoit de m’avoir pouldroyé

Cruelle, il suffisoit de m’avoir pouldroyé
Les Amours, Texte établi par Hugues VaganayGarnier2 (p. 318).

XX

Cruelle, il suffisoit de m’avoir pouldroyé,
Outragé, terrassé, sans m’oster l’esperance.
Tousjours du malheureux l’espoir est l’asseurance :
L’amant sans esperance est du tout fouldroyé.
L’espoir va soulageant l’homme demy-noyé :
L’espoir au prisonnier annonce delivrance :
Le pauvre par l’espoir allege sa souffrance :
Rien meilleur que l’espoir du Ciel n’est envoyé.
Ny d’yeux, ny de semblant vous ne m’estes cruelle :
Mais par l’art cauteleux d’une voix qui me gelle,
Vous m’ostez l’esperance, et desrobez mon jour.
O belle cruauté, des beautez la premiere,
Qu’est-ce parler d’Amour, sans point faire l’amour,
Sinon voir le Soleil sans aimer sa lumiere ?