Croyances et légendes du centre de la France/Tome 1/Livre 02/08

CHAPITRE HUITIÈME

LANGAGE DES ANIMAUX.

Au fond, le langage des oiseaux et des mammifères diffère-t-il des langages humains, soit par le mécanisme de la production, soit par le but, soit par les résultats ?

— Non…
(A. de Quatrefages, de l’Unité de l’espèce humaine.)

Avec le chant, l’oiseau a beaucoup d’autres langages… Il est, avec nous, le seul être qui ait vraiment une langue…

(Michelet, l’Oiseau.)

L’esprit éminemment observateur de nos paysans, joint à leur amour du merveilleux, les pousse sans cesse à étudier tous les phénomènes naturels qui s’accomplissent sous leurs yeux. Il faut bien que le travail incessant auquel est assujetti leur corps ne nuise aucunement à l’activité de leur pensée, car, astronomie, météorologie, médecine, botanique, sciences occultes, etc., tout est de leur ressort. Ils vont même jusqu’à s’occuper de l’interprétation du chant des oiseaux et des cris des quadrupèdes.

Voici de quelle manière ils traduisent le langage de quelques-uns des animaux avec lesquels ils sont le plus habituellement en relation.

Le chant de la poule, au moment de sa ponte, s’interprète ainsi :

J’ponds, j’ponds, j’ponds, j’ponds pour Jacques !

Jacques désigne ici le peuple, la masse des travailleurs, le bonhomme Jacques du moyen âge[1].

Au mois de mai, lorsque la caille trouve difficilement à se garnir l’estomac, elle va répétant :

Caille ! caillé !
J’ai un sa (sac), j’ai pas de blé !

Au mois d’août, lorsqu’elle serait à même de faire des provisions, elle chante :

Caille ! cailla !
J’ai un sa (sac), j’ai pas de blé ! J’ai du blé, j’ai pas d’sa !

D’aucuns, et ce sont d’ordinaire les prêteurs d’argent, affirment que la caille dit tout simplement :

Paie tes dettes !
J’ai un sa (sac), j’ai pas de blé ! Paie tes dettes !

Mais les mauvais payeurs ajoutent que le canard alors demande :

J’ai un sa (sac), j’ai pas de blé ! Quand ? quand ? quand ?

et que la brebis répond :

J’ai un sa (sac), j’ai pas de blé ! Jamais !

La caille, en chantant, répète plus ou moins de fois : Caille ! cailla ! Or, on prétend que le nombre le plus élevé de ces répétitions indique, à l’avance, le nombre de francs que coûtera, par boisseau, le blé qui est sur terre.

La chanson un peu confuse du touin ou pinson ne signifie pas autre chose que : Si j’avais du sel, j’mang’rais d’la chicorée !

Le loriot, que nous appelons garde-veaux, sans doute parce qu’il hante les vallées où paissent souvent ces jeunes animaux, va toujours disant :

Pour du begaud[2]
J’gard’rai tes veaux !

Le Compost des bergers, vieil almanach à l’usage des campagnes, composé sans doute par quelque bon moine, fait dire au loriot : Confiteor Deo ! et la consonnance de ces deux mots latins s’adapte beaucoup mieux à certaines notes du chant de cet oiseau que les paroles que nous lui prêtons.

Dans les premiers jours du printemps, le merle, préoccupé du sort de sa précoce couvée[3], que protégent mal encore les cépées sans feuillage de nos jeunes taillis, exprime ainsi ses inquiétudes :

Laboureux ! laboureux !
En cherchant tes bœufs,
Tu trouverais bien mes œufs !

« L’ortolan, — les gastronomes ne s’en doutent peut-être pas, — niche dans toutes les vignes d’Issoudun, de Châteauroux ou d’Argenton. C’est ce monotone chanteur que nos vignerons nomment Binetu, appellation qui est un reflet de la série de notes que fait entendre l’oiseau ; phrase d’excitation que le travailleur indolent accepte, à ce qu’il paraît, comme le conseil de la nature, car il ne faut pas oublier que le binage est une opération de la culture de la vigne. Ainsi quand l’ortolan chante, il semble qu’il dise au vigneron : « Bines-tu ? Travailles-tu[4] ? »

Nos cultivateurs trouvent encore une sage exhortation dans le chant de la tire-arrache (la rousserole), espèce de grive qui vit dans les roseaux, où elle ne cesse de se démener en répétant nuit et jour : Tire ! tire ! arrache ! arrache ! tire ! arrache !

L’un des plus jolis couplets de la chanson du rossignol est ainsi interprété :

Sue, sue, sue,
La bourrique, la bourrique !

Nous avons souvent entendu raconter dans notre enfance un vieux conte dont nous regrettons de ne plus retrouver de traces ni dans notre mémoire, ni dans celle de nos contemporains, et où ces mots : Sue, sue, la bourrique ! revenaient à plusieurs reprises. Autant que nous pouvons nous souvenir, dans cette légende, qui avait un sens sérieux que nous étions loin alors de saisir, le rossignol représentait l’homme de loisir, peut-être l’artiste, et se raillait de la bourrique, qui semblait jouer le rôle du prolétaire ou de l’artisan.

Le pivert, que nous nommons l’avocat du meunier, parce que nous croyons que l’un de ses cris appelle la pluie, annonce les crues d’eau qui font tourner les moulins, en criant le long des écluses ou des biefs : Pleue ! pleue ! pleue ! c’est-à-dire : Pluie ! pluie ! pluie[5] !

L’alouette, qui s’élève en chantant vers le zénith, est souvent une âme qui se rend en paradis, et, si l’on s’en rapporte au savoir de ceux qui sont versés dans les langues ornithologiques, ce qu’elle chante en ce moment n’est autre chose qu’une prière qu’elle adresse à saint Pierre, et dont voici le sens :

Pierre, laisse-moi entrer,
Jamais plus ne faut’rai[6],
Jamais plus ne faut’rai !

Si l’alouette ou l’âme, après s’être perdue dans l’éther, ne reparaît plus à vos yeux, c’est qu’elle a été admise dans le séjour des élus. Si, au contraire, vous la voyez redescendre, faites bien attention à son chant ; vous ne lui trouverez plus l’accent contrit et suppliant qu’il avait tout à l’heure ; car l’alouette à laquelle saint Pierre a refusé l’entrée du paradis, parce qu’elle a trop péché, s’en revient en chantant d’un ton colère et dépité :

J’faut’rai ! j’faut’rai ! j’faut’rai !

La même chose se raconte en Bretagne, au dire de M. de la Villemarqué[7], et, selon cet auteur, ce serait là un des vestiges des vieilles croyances druidiques, d’après lesquelles l’âme revêtait souvent la forme poétique d’un oiseau[8].

Quelques-uns de nos truchemans prétendent que l’alouette, en cette circonstance, chante tout simplement ce couplet philanthropique :

J’prie Guieu (Dieu), j’prie Guieu,
Pour le riche et pour le gueux.

Durant le déclin de la belle saison, et lorsque le jour approche de sa fin, une espèce de hulotte, bien connue comme l’un des nombreux messagers de la mort, passe quelquefois, invisible et plaintive, dans la brume du soir, et laisse tomber de loin en loin, en rasant le toit moussu des chaumières, ces mots lugubres prononcés d’une voix expirante : Mours ! mours !… c’est-à-dire : Meurs ! meurs !

Lorsque ce triste avertissement est donné ainsi en passant, on ne l’interprète guère que comme un simple rappel à l’ordre. une sorte de memento sans conséquence immédiate, semblable à celui que s’adressent, dans l’ombre du cloître, certains religieux[9] en se coudoyant.

Mais si le funèbre oiseau vient à se poser sur le toit de votre demeure et qu’il s’obstine à y faire entendre sa sépulcrale sommation, oh ! alors, malheur, malheur à vous ou à quelqu’un des vôtres !

Écoutez plutôt ce qui arriva, en semblable occurrence, à la ferme de la Chaume, située presque au cœur du village de Cosnay :

L’OISEAU DE LA MORT.

C’était le soir du dimanche des Brandons. La maîtresse du domaine, qui était malade et en misère[10] depuis près d’un an, et qui, depuis la fête de la Chandeleur, ne se levait plus de son lit, s’écria tout à coup, en s’adressant à sa famille qui causait tranquillement et à voix basse autour du foyer :

— Mon Dieu, mes enfants, qu’est-ce que j’entends donc ? Tout le monde aussitôt fit silence, et tout le monde aussitôt reconnut le lamentable cri de l’oiseau de la mort.

— C’est le volet de la fenêtre du grenier, mère, que le vent fait grincer sur ses gonds, — répondit le Grand Pierre, qui était le fils aîné de la malade et le chef de la famille. Puis, faisant un signe à ses frères et sœurs, il ajouta rapidement et d’un ton plus bas :

— Continuez de causer, vous autres, et tâchez d’élever un peu plus la voix.

Ce disant, il saisit son fusil suspendu au manteau de la cheminée et sortit en grande hâte.

À peine dans la cour, il découvrit, à la pâle lueur des étoiles, l’oiseau de malheur, accroupi parmi les touffes de joubarbe qui couronnaient le sommet de la maison[11].

Il porte aussitôt son arme à l’épaule : la flamme brille, le plomb vole, — mais sans que l’on entende la moindre détonation !…

L’oiseau n’en paraît pas moins mortellement atteint, car son corps, après avoir roulé le long du toit, vient tomber aux pieds du Grand Pierre. Celui-ci se baisse pour le ramasser, mais… il ne voit, il ne trouve rien !… et il n’a pas encore eu le temps de relever la tête, qu’il entend derechef partir du haut du toit les cris : Mours !… mours !… poussés par la hulotte, qui avait repris sa place.

Sans perdre une seconde, il ajuste de nouveau l’étrange gibier. L’arme part, — mais toujours sans faire entendre le moindre bruit !…

Comme la première fois, le corps de l’oiseau descendit rapidement la pente du chaume et tomba en rebondissant sur le sol. — Comme la première fois aussi, le Grand Pierre se penche pour le saisir, mais… ne trouve rien !… et avant qu’il se fût redressé, le sinistre oiseau, perché dans les joubarbes, avait repris son funèbre refrain : Mours !… mours !…

On assure que le Grand Pierre rechargea encore trois fois chacun des canons de son fusil, et que, aux six coups qu’il tira, les mêmes circonstances se reproduisirent.

— Mon Dieu, se dit enfin le Grand Pierre effrayé, qu’est-ce que cela veut dire ?…

Alors il pensa qu’il avait dans un coin de son coffre[12] quelques-unes de ces balles bénites que l’on tient toujours en réserve pour tirer sur la Grand’bête, la Levrette, les Loups-Brous et antres bêtes faramineuses[13].

Il rentra donc à la maison et chargea son arme avec trois de ces projectiles consacrés.

Cependant, on ne cessait d’entendre au dehors la plaintive clameur : Mours !… mours !… à laquelle commençaient à se mêler les hurlements des chiens de la ferme.

Le Grand Pierre revint tout en émoi à son poste, et, après s’être signé et avoir dit la prière du charme, il éleva son fusil à la hauteur de l’œil et pressa vivement la détente.

Cette fois, tout se passa naturellement ; seulement, au moment de la détonation, une petite flamme brilla un instant sur le sommet du toit, précisément à la place qu’avait occupée l’obstiné chanteur.

Quant à ce dernier, le Grand Pierre n’en vit trace ni dans l’air, ni sur le chaume, ni par terre.

Mais son chant avait cessé.

Le Grand Pierre, de retour à la maison, s’approcha du lit de sa mère, entr’ouvrit doucement les rideaux et la trouva morte.

À propos de quelques-uns des incidents de cette légende, nous devons remarquer que les oiseaux de nuit en général ont passé, de toute antiquité, pour des prophètes de malheur. Dans l’un des chants du Rig-Vêda, on trouve l’invocation suivante adressée au soleil : — « Ô Indra, donne la mort à ces mauvais esprits qui prennent la forme de chouettes, de chats-huants, de chiens, de loups, d’oiseaux nocturnes[14]… »

Nous devons noter également que l’on rencontre encore dans certains de nos villages des gens qui passent pour savoir paralyser les effets de la poudre à canon. — Pendant les brigandages qui signalèrent, en Berry, les troubles de la Fronde, nos villageois surent utiliser ce secret et se défendre ainsi avec avantage contre les bandes de soldats pillards dont l’armée royale infestait les campagnes. M. Raynal, dans son Histoire du Berry, t. IV, p. 350, signale ce phénomène en ces termes : « On dit qu’il se trouvait dans la paroisse de Touchay (Cher) des paysans qui possédaient la puissance de charmer les armes à feu et qui, en plusieurs rencontres, mirent ainsi hors de service les arquebuses des soldats ; ils les assommaient ensuite sans péril… » — Malheureusement pour eux, ces soldats ne savaient pas la prière du charme, prière merveilleuse à laquelle on a recours toutes les fois que l’on se croit en butte aux embûches ou aux mauvaises plaisanteries du Diable ou d’un sorcier. Ajoutons que l’on connaît, dans notre pays, bien d’autres prières spéciales qui, dans une infinité de circonstances fâcheuses, sont d’une ressource infaillible. Par exemple, nous avons la prière du feu, qui arrête subitement l’incendie le plus intense[15]. — Nous avons la prière de l’eau, « qui met un frein à la fureur des flots. » — Nous avons la prière des bœufs, que l’on récite la première fois que l’on conduit ces animaux au vert ; ce qui suffit pour les empêcher de sortir du pacage pendant toute l’année. — Nous avons même la prière du loup, au moyen de laquelle on peut se passer de bergère. — Mais très-peu de personnes connaissent ces magiques oraisons, et voici pourquoi : celui qui sait une ou plusieurs de ces prières, ordinairement fort courtes, n’en retrouve plus aucune trace dans sa mémoire, du moment qu’il les a apprises à un autre. Elles ne se transmettent guère que de père en fils et au lit de la mort ; ce qui fait qu’il s’en est déjà perdu un grand nombre. — M. Ribault de Laugardière, membre de la Commission historique du Cher, a publié, en 1856, une intéressante notice sur les Prières populaires du Berry. On trouvera, au besoin, dans ce recueil, la prière de la brûlure, la prière du tonnerre, la prière des aspics, celle des araignées, etc., etc.

Mais reprenons notre thème.

La science du langage des oiseaux a toujours beaucoup préoccupé les populations de l’Orient. Dès la plus haute antiquité, les Arabes, et surtout les Arabes Scénites, ont possédé le don de comprendre ce langage. Aujourd’hui encore, ceux de leurs descendants qui habitent l’Afrique, passent pour être doués de cette merveilleuse aptitude. Leur habileté semblerait même surpasser celle de leurs pères, car ils vont jusqu’à interpréter les cris des quadrupèdes.

M. le général Daumas, dans ses Mœurs et coutumes de l’Algérie, cite un remarquable exemple de leur savoir-faire en ce genre. Voici ses paroles : elles révèlent tout le grandiose de la scène où se passe la vie errante de ces peuples et donnent une belle idée de l’essor majestueux de leur imagination.

« Une croyance populaire montre la grandeur du rôle que joue le lion dans la vie et l’imagination arabes. Quand le lion rugit, le peuple prétend que l’on peut facilement distinguer les paroles suivantes : « Ahna ou ben el mera (moi et le fils de la femme). » Or, comme il répète deux fois ben el mera (le fils de la femme), et ne dit ahna (moi) qu’une seule fois, on en conclut qu’il ne reconnaît au-dessus de lui que le fils de la femme. »

C’était des Arabes Scénites que le thaumaturge Apollonins de Tyane, philosophe de l’école de Pythagore, et si célèbre par ses prodiges, aux temps de Néron et de Domitien, se vantait d’avoir appris le langage des oiseaux[16], et les Arabes eux-mêmes assurent que cette science était connue du roi Salomon et de la reine de Saba, qui surent très-habilement la mettre à profit en choisissant pour messager de leurs amours un certain oiseau appelé huddud, qui ne serait autre que la huppe, au rapport de dom Calmet[17].

Lactance pensait que les bêtes avaient non-seulement un langage, mais encore qu’elles étaient susceptibles de rire[18]. — Artéphius, philosophe hermétique, qui florissait vers la trentième année du douzième siècle, parle assez longuement du chant des oiseaux dans l’un de ses traités. Enfin l’intelligence du langage des animaux est l’objet de plusieurs contes chez tous les peuples slaves[19].

Parmi les modernes, et sans compter du Bartas, qui a burlesquement travesti le joli gazouillement de l’alouette dans les vers suivants :

La gentille alouette avec son tire-lire,
Tire-lire-à-liré, et tire-lirant, tire
Vers la voûte du ciel ; puis son vol vers ce lieu
Vire, et désire dire : Adieu Dieu, adieu Dieu…

parmi les modernes, disons-nous, nous ne voyons guère que Dupont, de Nemours, qui se soit occupé particulièrement du langage des oiseaux. Il a écrit sur ce sujet des pages fort intéressantes, et son interprétation du chant du rossignol est connue de tout le monde. Longtemps après lui, en 1856, M. Garcin de Tassy a publié une brochure intitulée le Langage des oiseaux : c’est une analyse savante et curieuse du poème persan d’Attar.

Pour ce qui est du langage des animaux, en général, plusieurs savants américains vont bien plus loin que nos truchemans berrichons. Quelques-uns d’entre eux ont émis tout nouvellement, sur cette matière, des opinions de la dernière hardiesse. « M. Agassiz, particulièrement, dit M. de Quatrefages[20], a assimilé les cris des animaux aux langues humaines, au point d’affirmer qu’il serait facile de faire dériver les grognements des diverses espèces d’ours, les uns des autres, de la même manière et par les mêmes procédés que les linguistes emploient pour démontrer les rapports du grec avec le sanscrit. »

D’un autre côté, le docteur prussien Pfeil, « qui a fait un séjour de douze années au milieu des marais de la Pologne, et qui est arrivé, dans son pays, au grade le plus élevé de la hiérarchie forestière, déclare qu’une des choses les plus intéressantes à étudier, c’est le langage des animaux. Ce savant docteur, après s’être mis, tous les jours, pendant plusieurs mois, en embuscade auprès d’un étang sur lequel venait s’ébattre une bande de canards sauvages, est parvenu à deviner l’énigme de leurs discours peu harmonieux. Il affirme y avoir réussi au point de reconnaître à leur accent ceux qui venaient d’un pays étranger, et assure, ce que nous n’avons pas trop de peine à croire, que leur langage était devenu plus intelligible pour lui que celui des philosophes de sa patrie[21]. » — Au reste, l’assertion du docteur prussien en ce qui concerne les divers accents du langage des canards, se trouve confirmée par ce passage de Montaigne : « La différence de langage qui se voit entre nous, selon la différence des contrées, elle se trouve aussi aux animaux de même espèce : Aristote (Histoire des animaux, liv. IV, ch. ix) allègue, à ce propos, le chant divers des perdrix, selon la situation des lieux[22]. »

À ceux qui désireraient comprendre les discours de la première bête venue, quadrupède ou volatile, bien entendu, et qui n’auraient pas le temps de se livrer à d’aussi longues études que le docteur Pfeil, nous indiquerons les deux moyens suivants. Autrefois, du temps d’Apollonius de Tyane, les « Arabes acquéraient le talent de comprendre les animaux en mangeant, selon les uns, le cœur, selon les autres, le foie d’un dragon[23] », et, d’après les Eddas, cette recette était aussi connue des anciens Scandinaves[24]. — Mais comme, de nos jours, il serait fort difficile de se procurer l’un ou l’autre de ces viscères, on fera beaucoup mieux d’avoir recours à l’expédient que voici : — Il existe en Bretagne une plante dont les habitants de ce pays font le plus grand cas. Elle s’appelle l’herbe d’or, parce que, de loin, elle a tout l’éclat de ce métal. Or, « si quelqu’un, par hasard, la foule aux pieds, il s’endort aussitôt et entend la langue des oiseaux, des chiens, des loups, etc. On ne rencontre ce simple que rarement, et au petit point du jour : pour le cueillir, il faut être nu-pieds, en chemise, et tracer un cercle alentour ; il s’arrache et ne se coupe pas, car l’herbe d’or ne peut être atteinte par le fer sans que le ciel se voile et qu’il arrive un grand malheur. Au reste, il n’y a que les saintes gens qui trouvent cette herbe, avec laquelle le sélage de Pline n’est pas sans rapport[25]. »

  1. Voy. l. V, ch. v, le xxe proverbe, et, pour le chant du coq, à la Table alphabétique, l’article : Pigeons (les), de M. Longbôt.
  2. Petit-lait. — Voy. le mot Begaud dans le Glossaire du Centre.
  3. Cette précocité est signalée dans plusieurs de nos proverbes. (Voy. l. V, ch. iii. le xxxive proverbe.)
  4. Ce passage est extrait d’un travail fort intéressant inséré dans le Compte rendu des travaux de la Société du département de l’Indre, première année, et où M. Arthur Ponroy, d’Issoudun, passe en revue tous les oiseaux qui séjournent en Berry.
  5. Voy. liv. V, ch. iv, le xxxvie proverbe : voy. Glossaire du Centre. ve Pleue.
  6. Nous disons fauter pour pécher, faire une faute, un péché.
  7. Barzaz-Breiz, t. I, p. 45, et t. II, p. 448.
  8. Ibid., t. I, p. 216.
  9. Frères, il faut mourir ! — C’étaient les frères du bien mourir, et non les trappistes, comme on le croit généralement, qui s’adressaient ces paroles.
  10. C’est-à-dire en chartre. — On est en misère lorsque ; par suite d’une maladie quelconque, on va toujours dépérissant.
  11. La joubarbe, que nos paysans appellent moure-jamais, — traduction littérale de son nom latin sempervivum, — passe pour porter bonheur à la maison sur laquelle elle croît, et pour faire vivre longtemps ceux qui l’habitent ; aussi se garde-t-on bien de la détruire.
  12. Beaucoup de nos paysans se servent encore d’un coffre pour mettre leurs hardes et ce qu’ils ont de plus précieux. — On sait que l’usage du coffre était général au moyen âge. — Les armoires commencent, dans nos villages, à remplacer ce meuble incommode.
  13. Bête malfaisante, bête féroce. De fera et de minax, sans doute.
  14. Rig-Véda, sect. V, lect. 7, h. 4, v. 19, t. III, p. 181.
  15. Voy. p. 254.
  16. Porphirius, de Vita Pithagoræ.
  17. Dictionnaire de la Bible, t. I, p. 474.
  18. Inst. Divin., iii, 10.
  19. A. Chodzko, Contes des paysans et des pâtres slaves, p. 78.
  20. De l’Unité de l’espèce humaine.
  21. J. Clavé, dans la Revue des Deux Mondes du 15 août 1861, p. 939.
  22. Essais, liv. II, ch. xii.
  23. Philostrate, Vie d’Apollonius de Tyane, liv. I, § 20 (trad. de M. Chassang).
  24. Voy. le Poëme sur Rig, dans les Eddas.
  25. M. de la Villemarqué, Barzaz-Breiz, t. I, p. 102 et 187.