Critique de la raison pure (trad. Barni)/Tome II/DIV. 2 Dialectique/Livre Deuxième/Ch1/Conclusion


Conclusion de la solution du paralogisme psychologique.


L’apparence dialectique dans la psychologie rationnelle vient de ce que l’on confond une idée de la raison (l’idée d’une pure intelligence) avec le concept indéterminé à tous égards d’un être pensant en général. Je me conçois moi-même en vue d’une expérience possible ; et, faisant abstraction de toute expérience réelle, j’en conclus que je puis avoir conscience de mon existence même en dehors de l’expérience et des conditions empiriques de cette existence. Je confonds donc l’abstraction possible de mon existence empiriquement déterminée avec la prétendue conscience d’une existence du moi pensant possible séparément ; et je m’imagine connaître ce qu’il y a en moi de substantiel comme un sujet transcendental, tandis que je n’ai dans la pensée que l’unité de la conscience qui sert de fondement à tout acte de détermination considéré comme simple forme de la connaissance.

Le problème qui a pour but l’explication du commerce de l’âme avec le corps n’appartient pas proprement à cette psychologie dont il est ici question, puisque celle-ci se propose de démontrer la personnalité de l’âme même en dehors de ce commerce (après la mort), et qu’ainsi elle est transcendante dans le sens propre du mot, bien qu’elle s’occupe d’un objet de l’expérience, mais en tant seulement qu’il cesse d’être un objet de l’expérience. Cependant cette question même peut recevoir dans notre doctrine une réponse satisfaisante. La difficulté qu’elle soulève consiste, comme on sait, dans la prétendue hétérogénéité de l’objet du sens intime (de l’âme) et de ceux des sens extérieurs, attendu que l’intuition du premier ne suppose d’autre condition formelle que le temps, tandis que celle des seconds suppose en outre l’espace. Mais, si l’on songe qu’il n’y a pas entre ces deux espèces d’objets de différence intrinsèque, que seulement l’une se manifeste 1[1] à l’autre extérieurement et que par conséquent ce qui sert de fondement, comme chose en soi, à la manifestation de la matière 2[2], pourrait bien n’être pas d’une nature si hétérogène, alors la difficulté s’évanouit, et il n’en reste plus d’autre que celle de savoir comment est possible en général un commerce de substances. Or la solution de cette dernière difficulté est tout à fait en dehors du champ de la psychologie ; et même, comme le lecteur le jugera aisément d’après ce qui a été dit dans l’analytique des forces constitutives et des facultés, elle est sans aucun doute hors du champ de toute connaissance humaine.


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Notes de Kant modifier

  1. Erscheint
  2. Der Ercheinung der Materie


Notes du traducteur modifier