Cris d’amour et d’orgueil/La Chanson du retour

Messageries de la Presse ; Librairie Universelle (Anthologie Contemporaine. Vol. 32) (p. 1-2).

LA CHANSON DU RETOUR



À Diane de…



Quand expirent les jours, les longs jours de l’absence,
Quand l’amant désiré peut enfin revenir,
Quelle joie en son cœur, et quelle renaissance !
Quels beaux défis jetés à l’obscur avenir !

Comme les maux passés, les tourments et les craintes
S’évaporent soudain au soleil du retour !
Comme la volupté des nouvelles étreintes
Dissipe l’ombre épaisse où tremblait notre amour !

Tout murmure, et tout dit : Victoire à l’espérance !
Le courage abattu reprend un air altier,
Grandit, absorbe l’être en son exubérance,
Et fait que les amants bravent le monde entier.

Ah ! retrouver, revoir la femme idolâtrée
Dont le cher souvenir ne fut jamais lointain,
Dont la possession et l’image adorée
Sont un trésor discret, vivant et clandestin !

La revoir ! Lui parler ! Rencontrer son sourire,
Ses grands yeux ! L’enlacer ! Soudain prendre sa main !
Lui conter la douceur du retour, et décrire
Les jours bons et mauvais, en suivant le chemin !

Amis, rappelez-vous la voix des amoureuses,
Leurs gestes, leurs transports, leur fièvre du plaisir ;
Rappelez-vous ces nuits, ces heures bienheureuses
Où la possession comblait votre désir !

Plus l’angoisse fut grande, et plus notre allégresse
A de force et d’ardeur ; plus long fut le tourment,
Et plus âpre est la joie, et plus douce est l’ivresse
De l’amante qui vient au devant de l’amant !

Loi terrible et cruelle ! Étranges destinées !
Il faut avoir souffert, pleuré, longtemps gémi ;
Il faut avoir connu les pesantes journées,
Avec la mort dans l’âme il faut s’être endormi,


Pour sentir tout le prix d’un cœur qui s’abandonne,
Pour goûter le délice adoré des aveux,
Pour entrevoir le ciel quand la femme se donne
Et déroule en tremblant le flot de ses cheveux !