Cris d’amour et d’orgueil/Joie d’aimer

Messageries de la Presse ; Librairie Universelle (Anthologie Contemporaine. Vol. 32) (p. 6-7).

JOIE D’AIMER



Pour mieux m’abandonner à toi, mon cher amour,
Et pour mieux m’enivrer de nos béatitudes,
Je m’en vais quelquefois méditer tout un jour,
Comme un anachorète, au fond des solitudes.

Le hasard des sentiers dirige seul mes pas
Je traverse en chantant les bois et les clairières,
Et j’aperçois de loin sur le bord des rivières
Des bourgs et des hameaux que je ne connais pas.

Je marche ou je m’assieds selon ma fantaisie,
Admirant les moissons, espoir du laboureur,
Et laissant librement la saine poésie
De la belle nature ensoleiller mon cœur.

Mais que sont ces beautés d’une rive sonore,
Ce printemps fortuné qui vient nous rajeunir.
Auprès de ta pensée et de ton souvenir,
Mignonne au doux regard, chère âme que j’adore !

C’est parce que je sais combien nous nous aimons
Que tout d’un rayon rose à mes yeux se colore,
Les arbres, les rochers, les champs de blé, les monts,
Et le brouillard léger qui flotte et s’évapore…

Fou de te posséder, fou de t’appartenir,
Pour calmer la cruelle angoisse de l’absence,
Je m’exalte et m’enivre en ta réminiscence,
Et bâtis de riants projets pour l’avenir.

Je répète ton nom aux échos du rivage,
Je l’écris en tremblant sur le sable doré,
Et la vallée ainsi connaît mon esclavage,
Et le tourment divin dont je suis dévoré.

Chênes ombreux des bois, hêtres de la prairie,
Mystérieux séjour, poétique horizon,
Inspirez-moi ce soir une svelte chanson
Qui réjouira demain ma maîtresse chérie !

Que tes séductions, que ta simplicité
Revivent dans mes vers, ô nature charmante !
Prête-leur un moment ta grâce et ta beauté
Afin d’ensorceler le cœur de mon amante !

Gais sentiers, fleurs des champs, source de la forêt
Où les ramiers vont boire et lustrer leur plumage,
Que ma superbe amie, en lisant mon hommage,
Y trouve un souvenir de votre frais attrait !

Qu’elle y sente vibrer mon âme inassouvie,
Et qu’à mon doux appel languissant à son tour,
Elle se lève, et vienne, et m’apporte la vie
Dans un élan fougueux de jeunesse et d’amour !