Création des écoles


CHAPITRE II

CRÉATION DES ÉCOLES

Je passe les articles 8 et 9 qui ont trait aux écoles urbaines que je n’ai pas étudiées et sur lesquelles, par conséquent, je ne puis me prononcer.

§ 10. — Dans les bourgs, chaque paroisse est obligée d’avoir au moins une école primaire.

Le mot obligée dissipe toute espèce de doute sur le point de savoir si, selon le sens du projet, les paysans sont forcés ou non d’ouvrir des écoles. Il se pose seulement les questions suivantes : 1o Qu’entend-on par paroisse ? (les auteurs du projet comprenaient peut-être le volost)[1], et, 2o Comment agir dans le cas qui sera le plus fréquent : lorsque les paysans refuseront de participer à la création des écoles, et ne donneront l’impôt pour les écoles que s’ils y sont contraints par la police ? Qui choisira l’emplacement des bâtiments, les maîtres, etc. ?

§ 11. — Les paroisses qui n’auraient pas les moyens d’entretenir les écoles peuvent, au lieu de construire l’école, payer, au compte de la commune, un maître qui instruira gratuitement les enfants de la paroisse dans un local qui leur sera réservé soit dans l’isba des réunions, soit, à tour de rôle, chez les propriétaires d’immeubles.

§ 12. — Les bourgs éloignés des églises paroissiales doivent agir conformément à l’article précédent quand, vu la distance et l’incommodité des communications, il est difficile d’envoyer les enfants à l’école de la paroisse.

Les articles 11 et 12, d’une part, sont tout à fait incompréhensibles, d’autre part, appartiennent à la catégorie des articles officiels mentionnés plus haut, § 5 : Si les paroisses louent un maître et une isba, pourquoi ne sera-ce pas une école et pourquoi les paroisses peuvent-elles seulement le faire ?

Il me semblait, jusqu’ici, que s’il y a des élèves, un maître, un local, alors il y a une école. Comment, voilà le maître, le local, les élèves et il n’y a pas d’école ? Si les communes éloignées et les populations clairsemées ont le droit de choisir elles-mêmes les maîtres sans tenir compte du projet et de ne pas inscrire sur l’isba le mot « école », alors personne ne douta jamais de ce droit. Malgré toutes les défenses de la loi, on n’a jamais pu et l’on ne peut empêcher le père, l’oncle, le parrain d’instruire un, deux, trois, quinze enfants. Il est dit seulement dans cet article que le maître doit être engagé par la commune. Dans la plupart des cas ce n’est pas commode, car toutes les écoles qui se fondent librement sont entretenues, ordinairement, au moyen des sommes payées par les parents et non par toute la commune, ce qui est beaucoup plus commode et plus équitable.

§§ 13 — 14 — 15. — Où il n’est pas possible d’ouvrir des écoles spéciales pour les filles et pour les garçons, les uns et les autres sont instruits à la même école, par les mêmes maîtres, mais à des heures différentes de la journée ou à différents jours de la semaine. Dans les endroits où il n’y a pas d’école spéciale pour les filles, la commune peut, pour leur instruction et pour aider le maître, engager une maîtresse. Les filles, jusqu’à l’âge de treize ans, peuvent être admises à l’école avec les garçons du même âge.

Les fillettes dont parle l’article 13, ayant plus de treize ans, s’appellent dans le peuple les filles. Supposer qu’on les laisse aller et qu’elles aillent elles-mêmes à l’école avec les garçons, prescrire pour elles des règlements qui garantissent la morale du peuple, c’est la même chose que prescrire des lois pour ce qui n’est pas et ne peut être. Avec les idées actuelles du peuple sur l’instruction, on ne peut même y penser. Si, dans la génération suivante, un cas pareil pouvait se présenter, alors l’ article 14 le résoudrait puisqu’il laisse à la commune le droit qu’elle n’avait pas jusqu’alors, d’engager à son compte une institutrice.

L’enseignement public des filles n’est pas encore commencé et j’ose penser que les articles 13, 14, 15 n’ont pas épuisé tous les cas qui peuvent se présenter dans cet enseignement. Il me semble, en général, très difficile de prescrire les formes légales de quelque chose qui n’existe pas encore et n’est pas encore commencé.

  1. Division comprenant plusieurs communes de paysans.