Court Traité/Seconde partie/Chapitre XXV

Traduction par Paul Janet.
Germer Baillière (p. 119-120).


CHAPITRE XXV


DES DÉMONS.


Y a-t-il des démons, ou n’y en a-t-il pas ? C’est ce que nous examinerons brièvement.

Si le diable est une chose entièrement contraire à Dieu et qui ne tient rien de Dieu, il se confond entièrement avec le néant, dont nous avons déjà parlé plus haut.

Si nous supposons, comme on le dit, que le diable soit une chose pensante, incapable de vouloir et de faire aucun bien, et qui s’oppose à Dieu dans tout ce qu’il fait, il est alors digne de toute pitié ; et, si les prières avaient quelque valeur, il faudrait prier pour lui.

Mais demandons-nous si un être aussi misérable pourrait exister même un moment : nous verrons que cela est impossible. Car la durée d’une chose procède de sa perfection, et plus elle a en elle d’être et de divinité, plus elle est durable. Or le diable n’ayant en soi aucun degré de perfection, comment pourrait-il exister ? Ajoutons que la stabilité et la durée du mode dans la chose pensante dépendent de son amour pour Dieu et de son union avec lui ; et, comme c’est le contraire de cette union que l’on suppose dans les démons, il ne se peut faire qu’ils existent.

Enfin, il n’y a nulle nécessité à supposer l’existence des démons, puisque l’on peut découvrir les causes de la haine, de l’envie, de la colère et de toutes les passions, comme nous l’avons fait. Nous n’avons donc pas besoin de cette fiction.