Hôtel Serpente (Tome neuvièmep. 561-603).


VERS. Médecine rurale. On en distingue ordinairement quatre espèces : les ascarides, les lumbricaux, les cucurbitains, le ténia ou ver solitaire. Roederer, médecin de Gottingue, en a observé une autre espèce qu’il appelle tricarides. Ils naissent dans les hommes & les animaux terrestres & aquatiques, dans toutes sortes de végétaux, dans la neige même, & dans une infinité d’autres substances.

Notre intention n’est pas de parler de ces derniers ; nous ne ferons mention ici que de ceux qui prennent naissance dans l’estomac, & les intestins ; nous ferons observer néanmoins qu’il n’y a aucune partie dans le corps de l’homme qui ne puisse être le foyer des vers, puisque l’on en a trouvé dans le cerveau, dans les cornets du nez, dans les dents, & dans les oreilles. M. Andry en rapporte plusieurs exemples. Ces vers qui prennent naissance dans les oreilles, ajoute-t-il, sont jaunes, un peu longs, & si menus, que sans la grande quantité qui les faisoit remarquer, à peine auroit-il pu les distinguer. Taranthanus a vu sortir de l’oreille d’un jeune homme, atteint d’une fièvre aiguë, deux ou trois vers qui ressembloient à des graines de pin. Panarolus parle d’un malade qui, après avoir été tourmenté d’une violente douleur dans l’oreille, rendit par cette partie, ensuite d’une injection qui y fut faite avec du lait de femme, plusieurs vers semblables à des mites de fromage, après quoi la douleur cessa. Kertring donne encore la figure de cinq vers qu’un homme rendit par l’oreille en 1663, dans un bourg nommé Quadiche, lesquels sont faits, comme des cloportes, si ce n’est qu’ils n’ont que dix pieds. On en a trouvé dans la substance du poumon, dans celle du foie, dans les ventricules du cœur, dans le sang même. Rodius, Riolens, Ettmuller en ont vu sortir par les saignées. Les vers qui s’engendrent dans le sang, ont leur corps figuré comme une feuille de myrthe, & tout parsemé de filamens semblables à ceux qu’on remarque sur les feuilles naissantes des arbres : ils ont sur la tête une espèce d’évent, comme en ont les baleines, par lequel ils rejettent le sang dont ils se sont gorgés. Il est encore prouvé qu’on en a trouvé dans la vessie & les reins. Un médecin d’Amsterdam, dont parle Tulpius en rendit douze en urinant. Louis Duret, au rapport d’Ambroise Paré, en jeta de semblables, par les urines, après une longue maladie. Enfin, il y en a dans les ulcères, dans les tumeurs, dans les grains de la petite vérole, & sous la peau entre cuir & chair.

Les lombricaux sont l’espèce qui caractérise le plus les fièvres vermineuses. Le ténia, & les ascarides ne s’y compliquent guère que par hazard. Les tricarides dont l’existance est aujourd’hui très-connue par Linæus, & plusieurs autres naturalistes, sont ordinairement logés dans les intestins cæcum & colon.

Linæus a prétendu qu’on trouvoit dans la terre & dans les eaux, les mêmes espèces de vers, que dans le corps humain ; que les lumbricaux, étoient les mêmes que les lumbrici terrestres, & qu’on retrouvoit le ténia dans l’eau. Cette assertion ne nous paroît pas prouvée, quoique le célèbre Rozen ait été de son avis, & dise dans son excellent traité sur les maladies des enfans, que le ténia est un ver qu’on trouve dans les poissons, & qu’il reste encore vivant après qu’il sont cuits, d’où il conclut qu’on peut en avaler des morceaux qui l’engendreront dans les intestins. Valisneri en a prouvé la différence d’après la dissection des vers de terre.

Les signes qui peuvent nous faire soupçonner la présence des vers, dans l’estomac & dans les intestins, sont les enflures du bas-ventre avec tension & douleur vague ou fixe ; des nausées, des vomissemens, des anxiétés, des défaillances, des douleurs à la racine des dents, une toux sèche & vive ; un pouls inégal, obscur, petit, & intermittent, la respiration fréquente, le hoquet qui vient d’un état convulsif de l’œsophage ; les déjections grisâtres qui peuvent dépendre ou de l’altération de la bile, ou de ce qu’elle ne coule pas, ou d’une abondance des matières muqueuses dans les premières voies. Le prurit du nez, est un signe qui, selon Piquer, n’est ni direct, ni universel ; il peut dépendre d’une hémorrhagie imminente, qui peut être un signe de vers, quoique le plus souvent elle vienne d’une autre cause. (Lorsque l’hémorrhagie est symptôme des vers, le malade ne perd ordinairement que quelques gouttes de sang).

Le blanc des yeux terni est encore un signe de vers. Fizes, médecin de la plus grande réputation, acquit beaucoup de célébrité pour avoir connu à ce signe qu’une épidémie qui régna à Marseille étoit vermineuse. La fièvre qui accompagne la présence des vers, croît sans ordre, & a des accès très-fréquens, avec froid aux extrémités. On observe encore que la face est diversement altérée, quelquefois bouffie, & les paupières livides. Tous ces effets sont analogues à ceux des poisons qui détruisent le ton des solides ; & il arrive très-souvent chez les enfans, quelquefois même chez les adultes, des affections convulsives. J’ai vu une apoplexie qui dégénéra ensuite en paralysie, causée par la présence du ver solitaire, que je guéris en chassant le ver : de plus l’haleine & les sueurs des malades ont une odeur singulière qui n’est pas aigre, mais particulière aux vers. Dans la dissection du cerveau ou du bas-ventre des cadavres on la sent quelquefois, sans qu’il y ait le moindre vestige de vers. On a beaucoup écrit sur la formation des vers dans le corps ; chaque auteur a donné sa théorie à ce sujet : il n’en est encore résulté rien de bien satisfaisant ; la plupart même s’est égaré de son but, ce n’est qu’après plusieurs observations bien faites, qu’on pourra déduire une théorie plus éclairée, & plus vraisemblable. On sait d’abord, 1°. que les corps abondans en sucs nourriciers, font éclore & multiplier les vers dans l’estomac. 2°. Il conste par l’observation que l’abus des farineux & des fruits qui ne sont pas mûrs, sur-tout lorsque l’été est chaud & humide, est une cause très-fréquente des vers. 3°. Buffon a aussi remarqué qu’un mélange de farine & d’eau, laissée a un petit degré de chaleur, étoit bientôt rempli de parties organiques animées. Enfin, Brendel a trouvé un ver plat vivant à l’ouverture du cadavre d’un fœtus de sept mois. Il n’est pas vraisemblable que l’œuf de ce ver ait passé des intestins de la mère dans ceux de l’enfant, pour y éclore.

Lorsque l’aliment est bien digéré dans le corps, sa fermentation propre & naturelle étant arrêtée, y est changée en humeurs vivantes par une fermentation propre à l’animal. Ces alimens commencent à subir dans les premières voies cette fermentation, & s’ils viennent à y croupir dans cet état d’animalisation, commencée à cause de la foiblesse de ces organes & le défaut de résorption, chaque particule reçoit du principe de vie qui vivifie tout, un certain degré d’animalisation ; & plusieurs de ces molécules organiques ainsi trop imprégnées de fermentation animale, se réunissent, selon des loix inconnues, pour former ces êtres vivans & parasites qu’on appelle vers.

Les vers lombricaux sont gros comme un tuyau de plume, & longs ordinairement d’un demi-pied. Ils se logent toujours dans les intestins grêles, remontent quelquefois dans l’estomac, & il n’est pas rare de voir des enfans les jeter par la bouche en vomissant.

Les ascarides sont, au contraire, petits, ronds & courts ; ils s’attachent au fondement ; on peut connoître & même prononcer sur leur existence, par la démangeaison insupportable qu’ils y excitent.

Les cucurbitins ont la figure à peu-près la même que celle de la graine de citrouille. Ces petits corps qui ne sont qu’une portion d’un ver long de plusieurs aunes, annoncent quelquefois la présence du ver solitaire ; quelquefois il existe seul dans les intestins. Il diffère du ver solitaire, en ce qu’il n’a ni tête remarquable, ni veine longitudinale. On ne le rend jamais entier, mais par portions détachées.

Quant au ver solitaire, nous en parlerons séparément & en particulier, après avoir exposé les différentes causes qui peuvent faciliter la génération des vers, & donné le traitement curatif qui peut convenir à leur présence, & aux symptômes & différentes maladies qu’ils peuvent exciter.

Les enfans, les adultes & les personnes qui sont naturellement foibles, sont les plus exposées aux maladies vermineuses ; la foiblesse des organes digestifs, le relâchement de leurs fibres, les mauvaises digestions, la vie oisive & sédentaire, l’usage des fruits verts, des plantes & des racines crues, sont les causes les plus ordinaires de la génération des vers.

Il faut donner promptement des remèdes vermifuges dans les attaques des vers ; ils doivent être administrés à une dose assez forte, pour qu’ils puissent les détruire ; autrement leur emploi est inutile, ils ne font que les irriter davantage : alors ils pincent l’estomac, ce qui occasionne quelquefois la mort ; ou ils remontent vers l’œsophage & suffoquent le malade, ou lui causent tout au moins de vives convulsions.

Baglivi observe fort bien qu’on voit non-seulement ce phénomène chez les enfans qui sont très-irritables & fort freles, mais encore plus chez les adultes. Dans cet instant décisif, les meilleurs remèdes sont l’eau salée & l’esprit de sel ammoniac.

On doit bien prendre garde à ne pas donner le même vermifuge, soit qu’il y ait fièvre, ou qu’il n’y en ait pas. Dans le premier cas, les acides, tels que l’esprit de vitriol, méritent la préférence sur les amers assez forts, parce qu’ils sont en même temps approprié à la fièvre & à l’affection vermineuse.

Il faut encore avoir toujours égard au caractère, au temps & à la dominance des symptômes, pour choisir dans les différentes méthodes qu’on s’est proposé de suivre, les remèdes qui peuvent convenir, & à la fièvre qui exige toujours la principale attention, & aux autres affections subordonnées.

S’il survient des hémorrhagies considérables, on emploiera les acides minéraux. Le vin ne peut qu’être avantageux dans le cas de prostration de forces, mais il arrive aussi qu’il est quelquefois nuisible ; ausi est-il prudent d’en examiner les effets, avant que d’en continuer l’usage. Il y a des épidémies où il produit des effets admirables, & d’autres où il est nuisible.

Baglivi fait mention d’une épidémie dans laquelle ni les huileux, ni les acides, ni l’esprit-de-vin, ne détruisoient les vers, soit dans le corps, soit in vitro, aussi promptement que le vin. Ce qui prouve qu’il n’agit pas seulement par sa qualité enivrante & spiritueuse, comme quand on enivre des poules en leur donnant du vin imbibé dans l’eau-de-vie ; car s’il l’eût été par cette vertu, l’esprit-de-vin auroit mieux réussi que le vin : il y a lieu de croire que ce dernier convenoit mieux à raison du caractère de la fièvre qui étoit dominante.

La bile altérée, bien loin d’être un poison pour les vers, leur est au contraire un aliment : il faut donc lui enlever cette âcreté qui lui est si ordinaire dans les fièvres, & lui donner une qualité douce & savonneuse, & ne pas perdre de vue le relâchement des intestins, dont il faut remonter le ton, ainsi que des vaisseaux excrétoires & sécrétoires de la bile : souvent, par ce moyen, les vers sont chassés sans le secours d’aucun antihelmintiques.

On sait que les corps doux inquiètent les vers & les chassent ; mais l’usage des amers est beaucoup plus sûr, sur-tout lorsqu’ils sont employés sur la fin de la fièvre vermineuse. Ils sont alors d’autant plus avantageux qu’ils relèvent les forces, augmentent le ton de l’estomac & des intestins, & qu’ils rectifient les digestions. Sennert ne veut pas qu’on prescrive lesemen santoninum dans les fièvres, parce qu’il échauffe trop.

C’est à tort qu’on néglige aujourd’hui les onctions amères antihelmintiques ; les anciens s’en servoient avec succès. Pour moi, je ne puis assez louer celles qu’on est en usage de faire dans ce pays-ci, avec l’huile pétrole de Gabian. Mais, en général, je ne puis disconvenir que les vermifuges externes ou internes qui ne purgent pas en même temps, ne font qu’irriter les vers qui cuisent alors des tranchées vives & d’autres symptômes graves.

Baglivi, Settenkius, Bonnet & Morton en ont vu percer les intestins, tant ils sont excités à chercher des issues pour s’échapper, quand la chaleur de la fièvre agit sur eux, surtout lorsqu’elle est augmentée par l’usage des irritans, ou par la putridité des humeurs. Dans ces circonstances, la thériaque est le meilleur remède.

Le choix des purgatifs mérite beaucoup d’attention, sur-tout lorsque les vers sont compliqués avec la putridité, & les maladies qu’elle peut occasionner ; la rhubarbe, avec le mercure doux, associé à d’autres purgatifs doux, peuvent convenir. Mais on ne doit point abuser de ce dernier (le mercure doux) parce qu’on pourroit imprimer à la fièvre un mauvais caractère en énervant le malade.

Lorsque le cours du ventre est compliqué avec les vers, les absorbans, tels que la corne de cerf calcinée, le corail, la corallien, sont très-appropriés.

Il arrive quelquefois que les vers qui séjournent dans les premières voies, causent des douleurs de côté, une toux sèche avec crachement de sang. Avant de se décider pour la saignée, on doit scrupuleusement réfléchir & examiner si l’affection pleurétique l’emporte sur route autre considération : dans le cas contraire, les huileux & les purgatifs doux seront mieux employés.

Morgani a vu une épidémie de fièvre vermineuse pleurétique, où les laxatifs & les huileux étoient nuisibles, sans doute que l’affection pleurétique étoit dominante. Pusatti a vu, au contraire, une fièvre épidémique semblable, qu’il guérit par les sels mercuriel, sans saigner ni donner d’autres remèdes appropriés à l’affection pleurétique & à la fièvre. Alors l’affection vermineuse l’emportoit sur la pleurétique, ainsi que sur la fièvre.

Il est encore bon de les attirer en même temps en bas, par le moyen des corps doux, tels que le lait donné en lavement, dans lequel on delaye une cuillerée de miel.

Du Ténia ou Ver solitaire.

» C’est un ver blanc, plat & long, composé de plusieurs anneaux très-courts, articulés les uns au bout des autres, & traversés, dans leur longueur, par une espèce de veine plus ou moins apparente, qui lui a fait donner par les Allemands le nom de ver plat à épine. » (Tout ce qu’on trouvera dans cet article précédé de guillemets, est tiré du traitement du ténia ou ver solitaire, pratiqué à Morat en Suisse, examiné & éprouvé à Paris, & publié par ordre de Sa Majesté en 1775.) » Cette veine est bleuâtre ou rougeâtre, ou simplement de couleur blanche. Quelquefois elle ne se manifeste que par une tache noirâtre ou blanchâtre, sensible au milieu de chaque anneau, garnie sur les deux surfaces d’un mamelon peu apparent. Sa queue ou terminaison postérieure, n’a jamais pu être observée, parce que le ver le rompt, & que les malades en rendent de temps en temps quelques portions naturellement, ou par le moyen de divers remèdes. Son corps ordinairement long de plusieurs aunes, & applati en forme de ruban, se rétrécit peu-à-peu vers sa partie supérieure, & se termine en un fil fort menu, d’un pied de longueur ou plus. La pointe que l’œil simple voit très-aiguë, paroît renflée à la loupe ; & sous la lentille d’un fort microscope, elle présente une tête terminée par quatre cornes, de longueurs inégales, qui sont peut-être des suçoirs par lesquels l’animal prend sa nourriture. Le corps du ver s’étend dans tout le conduit intestinal, & se prolonge même souvent jusqu’à l’anus.

» On le nomme ver solitaire, parce qu’il n’en existe qu’un dans le même sujet ; quelquefois cependant il s’en trouve deux ensemble. Quelquefois aussi, après la sortie du premier, il s’en régénère un second ; ce ver n’est point facile à déloger. Les remèdes vermifuges purgatifs, usités en médecine, font rendre des portions de l’animal, que l’on est toujours obligé de rompre pour les séparer de celles qui restent dans l’intérieur du corps ; ils procurent rarement une guérison complette. Le vrai spécifique contre le ténia est le remède de madame Nouffer. Nous allons exposer sa méthode dans l’administration de son spécifique, & du régime qu’elle fait observer pendant le traitement.

» Elle n’exige de ses malades aucune préparation particulière, jusqu’à la veille de l’administration du remède. Ce jour ils doivent se priver de tout aliment après le dîner, & prendre seulement sur les sept ou huit heures du soir, une soupe faite avec une livre & demie d’eau ordinaire, deux à trois onces de bon beurre frais, & deux onces de pain coupé en petits morceaux. On y ajoute la quantité de sel suffisante pour l’assaisonner. On fait cuire le tout à bon feu, en le remuant souvent, jusqu’à ce qu’il soit bien lié, & réduit à une bonne, panade. Un quart-d’heure après, elle leur donne un biscuit, & un gobelet ordinaire de vin blanc pur, ou détrempé avec de l’eau, ou de l’eau toute pure à ceux qui ne sont pas habitués au vin.

» Si le malade n’a pas été à la garde-robe ce jour-là, ou qu’il soit échauffé ou sujet aux constipations, ce qui est rare, quand on a le ver plat, madame Nouffer lui fait prendre un lavement fait avec une petite poignée de feuilles de mauve & de guimauve bouillies dans suffisante quantité d’eau ; on y ajoute une pincée de sel ordinaire, & après avoir coulé, deux onces d’huile d’olive ; il doit le garder le plus long-temps qu’il pourra ; ensuite il se couche, & repose de son mieux.

Le lendemain de grand matin, environ huit ou neuf heures après la soupe, il prend dans son lit, le spécifique, composé de deux, ou trois gros de la racine de fougère mâle, cueillie en automne & réduite en poudre très-fine ; délayez cette poudre dans quatre à six onces d’eau de fougère, ou de fleurs de tilleul. Il faut que le malade passe deux ou trois fois de cette même eau dans son gobelet, & qu’il la boive après s’en être rincé la bouche, pour n’y rien laisser ; & pour faire passer les nausées qui viennent quelquefois à la suite, il mâche du citron, ou se gargarise la bouche avec quelque liqueur, sans rien avaler, ou il se contente de respirer du bon vinaigre. Si malgré ces précautions, les nausées sont trop fortes, si les efforts du malade pour garder le spécifique sont impuissans, il en reprendra une nouvelle dose, dès que les nausées seront passées, & tâchera de s’endormir aussi-tôt après. Au bout de deux heures, il se levera pour prendre le bol purgatif en une ou plusieurs prises, fait avec dix grains de panacée mercurielle sublimée, quatorze fois autant de scamonée d’alep bien choisie : six à sept grains de gomme gutte bonne & fraîche. On réduit séparément chacune de cet substances en poudre fine, & on les mêle ensemble avec de la bonne confection hyacinthe. Le malade boira par dessus une ou deux tasses de thé vert peu chargé ; il se promènera ensuite dans la chambre.

Lorsque la purgation commencera à faire son effet, il prendra de temps à autre, une nouvelle tasse de thé léger, jusqu’à ce que le ver soit rendu. Alors & pas avant, madame Nouffer lui donne un bon bouillon qui est bientôt suivi d’un autre, ou d’une soupe, si le malade la préfère.

Il dîne comme on fait un jour de purgation : après le dîner, il se repose sur son lit, ou va faire un tour de promenade, se conduisant tout ce jour avec ménagement, soupant peu, & évitant les alimens indigestes.

La guérison est alors parfaite ; mais elle ne s’opère pas avec la même promptitude dans tous les sujets. Celui qui n’a pas gardé tout le bol, ou que le bol ne purge pas assez, prend, au bout de quatre heures, depuis deux jusqu’à huit gros de sel de Sedlitz, ou, à son défaut de sel d’epsom, dissous dans un petit gobelet d’eau bouillante. On varie la dose selon le tempérament, & les circonstances.

Si le ver ne tombe pas en pelotons, mais qu’il file, (ce qui arrive quand le ver est engagé dans des glaires tenaces qui ont peine à se détacher) le malade doit rester à la garde-robe sans le tirer, & boire du thé léger un peu chaud. Quelquefois cela ne suffit pas, & l’on a recours à une dose de sel de Sedlitz, sans changer de situation, jusqu’à ce que le ver soit rendu.

Il est rare que les malades qui Ont gardé le spécifique & la purgation, ne rendent pas le ver avant l’heure du dîner. Ce cas particulier a lieu, lorsque le ver tué, reste en gros pelotons dans les intestins, de façon que les matières, ordinairement plus claires sur la fin de la purgation, passent au travers, & ne l’entraînent pas. Le malade peut alors dîner, & l’on a observé que le manger joint à un lavement, concouroit à la sortie du ver.

Quelquefois le ver sort par l’action seule du spécifique, avant qu’on ait pris le bol ; alors madame Nouffer ne donne que deux tiers de celui-ci, ou elle lui substitue le sel.

Les malades ne doivent point s’inquiéter des chaleurs & des malaises qu’ils éprouvent quelquefois pendant l’action du remède, avant ou après une forte évacuation, ou lorsqu’ils sont prêts à rendre le ver. Ces impressions sont passagères, & se dissipent d’elles-mêmes, ou à l’aide du vinaigre respiré par le nez.

Ceux qui ont vomi le spécifique & le bol, ou qui n’en ont gardé qu’une partie, ne rendent quelquefois pas de ver ce jour-la. Madame Nouffer leur fait reprendre le soir la soupe, le biscuit, la boisson, & suivant les circonstances, le lavement.

Si le ver ne sort pas dans la nuit, elle donne le lendemain, de bon matin, une nouvelle dose de spécifique. Deux heures après, six à huit gros de sel, & dirige du reste son malade, comme le jour précédent, à l’exception du bol qu’elle supprime.

Elle observe en finissant que les grandes chaleurs diminuent un peu l’action de son remède ; aussi a-t-elle toujours préféré de l’administrer dans le mois de septembre. Quand elle n’a pas eu le choix de la saison, & qu’elle s’est vu obligée de traiter des malades dans les jours les plus chauds de l’été, elle donnoit le spécifique de très-grand matin. Avec cette précaution, elle n’a remarqué aucune différence dans les effets, ni dans les suites.

Le ver solitaire est le seul sur lequel le remède de madame Nouffer a une action certaine. Quoiqu’elle le regarde aussi comme très-utile contre le ver cucurbitin, elle avertit pourtant que ce dernier est beaucoup plus difficile a déraciner, & que pour en guérir, il faut répéter le traitement plus ou moins souvent, selon la constitution du malade.

J’ai eu occasion de traiter des personnes attaquées du ver solitaire ; j’ai suivi exactement la méthode que je viens d’exposer ; elle m’a toujours bien réussi, non-seulement contre le ténia, mais encore contre les ascarides & le ver cucurbitin : je dois cet hommage à la vérité, & à la bonté du remède de madame Nouffer ; mais je ne puis passer sous silence les bons effets que j’ai retiré de l’administration de l’huile de ricin, ou de palma Christi, connue en Angleterre sous le nom d’huile de castor, contre le ver solitaire.

Je l’ai donné trois fois à la dose de trois onces chaque fois, à trois adultes, délayé dans six cuillerées d’eau de pourpier ; trois heures après son exhibition, deux malades ont évacué par le dos, un peloton de vers longs & ronds, & le troisième rendit une portion de ver solitaire, ayant trois pieds de long.

Je me propose, d’après cette expérience, de multiplier dans mon jardin les plantes du ricin, qui sont très-communes en Languedoc, pour retirer de son amande une quantité d’huile assez suffisante pour en donner gratuitement aux pauvres qui pourront en avoir besoin.

Pour l’ordinaire, on donne cette huile pure, sans aucun mélange, par cuillerée à bouche, d’heure en heure, jusqu’à ce qu’elle ait évacué le malade trois ou quatre fois. M. Duplanil a devers lui plusieurs observations, qui ne permettent point de révoquer en doute la vertu vermifuge de cette huile. Il a vu une demoiselle d’environ trente ans, qui, après avoir pris la seconde cuillerée de ce remède, rendit une quantité prodigieuse de vers, parmi lesquels on aperçut quelques portions du ver cucurbitain.

Il ne suffit pas d’avoir chassé les vers, il faut encore prévenir leur génération ; sous ce point de vue, je conseille beaucoup l’usage du quinquina, les infusions ou les décoctions des substances amères, telles que la petite centaurée, l’absinthe, la camomille, les tiges d’abrotanum, les feuilles du marrube blanc, l’eau seconde de chaux, le vin calibé. Tous ces remèdes sont propres à remonter les fibres de l’estomac, sur-tout s’il est resté foible & relâché.

M. Ami.

Vers. Médecine vétérinaire.

Traitement des maladies vermineuses. De toutes les maladies qui affectent les animaux, aucune n’a une cause plus occulte que celles qui sont produits par les vers.

Ces animalcules parasites se logent par-tout ; les uns habitent de préférence les intestins & l’estomac, les autres sont logés dans les vaisseaux ; d’autres paroissent hors des voies de la circulation, & se montrent sur la surface extérieure des viscères sanguins, membraneux, & même sur la pie-mère ; d’autres sont renfermés dans les viscères mêmes : il en est encore qui se plaisent dans les cavités nasales & dans la gorge ; d’autres enfin qui sont entre cuir & chair, ou dans l’épaisseur des tégumens, sous les cornes, sous l’ongle, &c.

Les uns & les autres tourmentent chacun à leur manière, plus ou moins les animaux, suivant qu’ils sont plus ou moins multipliés, & sur-tout suivant les lieux plus ou moins sensibles & irritables qu’ils occupent, qu’ils irritent, dévorent & détruisent.

Ces insectes produisent en général des coliques, le dépérissement, la tristesse, le dégoût, ou des appétits voraces, ou des appétits entièrement dépravés, des fluxions périodiques, la cécité, le tic, des claudications inopinées, des convulsions, le vertige, la consomption & la mort.

Six sortes de vers affectent les animaux domestiques ; plusieurs de ces insectes se trouvent également dans le corps des autres animaux ; mais nous n’en parlerons que pour faire objet de comparaison, tout étant dans la nature sujet de curiosité ou d’intérêt pour l’homme ou le philosophe qui contemple.

Ces six sortes de vers sont les œstres, les strongles, les ascarides, les crinons, les douves & le ténia.

Plan du travail.
Section première. Des Œstres.
Section II. Dis Strongles.
Section III. Des Ascarides.
Section IV. Des Crinons.
Section V. Des Douves.
Section VI. Du Ténia.
Section VII. De l’origine des vers.
Section VIII. Expériences faites sur les vers.
Section IX. Traitement des maladies essentiellement vermineuses.
Section X. Traitement des maladies vermineuses symptomatiques.
Section XI. Traitement des maladies vermineuses compliquées.
Section XII. Préparation de l’huile empyreumatique.

SECTION PREMIÈRE.

Des Œstres.

Ces vers sont les plus fréquens & les plus incommodes ; ils sont produits par la mouche, nommée par les naturalistes, mouche des intestins des chevaux ; c’est une espèce d’œstre, elle est très-grosse, les lieux qu’elle habite de préférence sont les forêts ; elle ressemble au bourdon, elle contient beaucoup d’œufs qu’elle dépose en très-grand nombre sur les bords de l’anus, ou dans l’intestin rectum ; elle saisit le moment où l’animal fiente pour faire sa ponte, elle pique les bords de l’intestin, le fait se renverser & s’épanouir en dehors, & dans ce moment elle pond sur la partie charnue & vermeille de l’anus.

On range communément les productions de ces mouches dans la classe des larves ; nous allons les envisager sous cet aspect : elles ont deux crochets, au moyen desquels elles s’attachent & se cramponnent d’une manière peu ébranlable, aux parois des intestins ; ces larves que nous désignons par le nom d’œstre, puisque tel est celui de la mouche qui les produit, ont des espèces d’anneaux qui les circonscrivent transversalement, on en compte jusqu’à quatorze ; la peau qui enveloppe l’insecte est dure, velue, compacte & opaque, il est rouge au dehors & dans toute son épaisseur ; gros & court ; on pense que les anneaux sont formés par la duplicature de la peau ; lorsque ces insectes s’étendent & s’allongent, les anneaux s’effacent en partie, & ils ne sont bien sensibles que lorsque les deux extrémités de l’insecte sont rapprochées ; leur longueur est d’un pouce à quinze lignes lorsqu’ils sont étendus ; leur diamètre est à peu-près un quart de leur longueur.

Article Premier.

Des œstres auxquels le cheval, le mulet, l’âne, le mouton & le cerf sont sujets.

L’intestin du cheval n’est pas le seul lieu où cette mouche dépose ses larves, elle s’insinue aussi dans les naseaux des moutons, ainsi que dans ceux du cerf, dans lesquels elle en dépose une plus ou moins grande quantité ; on en a trouvé de pareilles dans la tête des chevaux, des mulets & de l’âne ; mais celui de tous les animaux domestiques qui y est exposé le plus, est le mouton. Dans ces animaux, ils sont généralement blancs, quelquefois marbrés, & rarement noirâtres ; les crochets sont de même forme, mais moins longs ; l’anus est absolument différent, en ce qu’il présente deux petits mamelons noirs, percés d’un orifice & enfermés dans une sorte de sphincter, qui se resserre & se dilate à la volonté de l’insecte ; la peau de cet animal présente un grand nombre de petits points glanduleux, assez semblables au chagrin ; ces insectes, au surplus, sont beaucoup plus agiles que ceux renfermés dans l’estomac du cheval.

Les œstres déposés dans l’intestin du cheval, du mulet & de l’âne, gagnent l’estomac, & ce lieu paroît être celui qui leur plaît le plus, ou du moins l’estomac, & sur-tout la tunique épidermoïde, sont celles des parties où on en trouve davantage, & qui souffrent le plus de leurs ravages. Une des extrémités de l’œstre est armée de deux crochets, dont la base est au centre de la bouche, si l’on peut s’exprimer ainsi, & dont les deux pointes diamétralement opposées l’une à l’autre, font l’effet d’un hameçon, & ne peuvent sortir sans dilacération de la partie dans laquelle ils sont implantés, lorsqu’on veut les en retirer ; ils y restent même attachés après leur mort & celle de l’animal, ils y sont souvent engagés de trois à cinq lignes de profondeur, au moyen d’un trou rond qu’ils ont pratiqué ; plusieurs percent les tuniques du ventricule. Cette profondeur de trois à cinq lignes dans une épaisseur qui n’a pas cette étendue, pourroit paroître exagérée, mais elle ne le paroîtra plus, si on réfléchit que l’enfoncement formé par l’œstre, cause une tuméfaction dans l’épaisseur des membranes, & que la tunique interne fait au bord de chaque cavité, formée par cet insecte, une aréole relevée, qui résulte de l’état maladif dans lequel elle est.

Les œstres déposés dans les fosses nasales du mouton, se logent de préférence dans les sinus frontaux ; ils s’introduisent dans l’épaisseur de la membrane pituitaire, & le plus souvent sous la tunique même, c’est-à-dire entre cette membrane & les parois osseux. Lorsque ces larves ont acquis toute la force qu’elles doivent avoir, & qu’elles ne trouvent pas une nourriture assez abondante, ou qu’elles sont gênées dans leur logement, elles déchirent la membrane qui leur servoit en quelque sorte de cocon, & c’est ce déchirement qui occasionne les convulsions & autres maux dont alors les moutons sont atteints.

Ceux déposés dans les fosses nasales des grands animaux, font moins de ravages, soit parce que pouvant sortir plus aisément, leur émission est moins meurtrière, ou que le lieu qu’ils habitent est moins irritable ; ce lieu est le plus souvent les enfoncemens ou les espèces de poches remarquables de chaque côté dans l’intérieur du larynx.

Il est d’autres œstres qui sont le produit des mouches, à peu près semblables à celles des intestins des chevaux, dont le vol est bruyant, ce qui les a fait prendre pour des bourdons ; mais elles n’en sont point, puisqu’elles n’ont que deux ailes, & qu’elles sont beaucoup plus petites ; elles se posent sur la peau des bêtes à cornes, des mulets & des chevaux, ainsi que sur celle des cerfs & des daims, &c. Elles écartent le poil, incisent le cuir, au moyen d’un dard dont leur derrière est armé ; la plaie faite, elles y déposent leurs œufs, qui éclosent à la faveur de la chaleur & de l’humidité ; ainsi les larves se nourrissent des sucs qui abondent & qui tuméfient la partie. Ces mouches au surplus attaquent de préférence les animaux les plus gras & les plus sains, ce qui a fait regarder par les bouviers, les tumeurs qui en résultent, comme un signe favorable de la bonté de la vache ou du bœuf qui en étoient attaqués ; on observe néanmoins que leur grande quantité appauvrit les sucs & fait dépérir l’animal. Ces larves sont sous la peau dans le tissu cellulaire, & y forment une tumeur du volume d’une noix. Lorsque l’insecte est en maturité, pour nous servir de l’expression usitée, on le fait sortir en pressant fortement les côtés de la tumeur ; ces œstres sont d’un blanc-mat.

Il est encore une autre mouche, toujours de la même classe des précédentes, c’est celle que les naturalistes appellent carnacière, qui dépose ses larves dans les pustules qui se forment le long de la crinière, dans la maladie psorique, que l’on appelle dans les chevaux le roux-vieux ; les ulcères galeux, les fourchettes, les cornes des bœufs en renferment encore ; ces parties solides n’en sont néanmoins affectées qu’autant qu’elles ont été entamées par une suppuration quelconque.

Les animaux qui sont les plus sujets aux œstres, sont ceux qui paissent ou qui sont à une nourriture verte ; les poulains d’un & de deux ans en sont souvent les victimes ; ces vers sont quelquefois si multipliés dans ces animaux, que les maux qu’ils occasionnent sont comme épizootiques, & sont un véritable fléau dans les haras, vu la quantité considérable de poulains & de pouliches qu’ils font périr ; on en trouve une si grande quantité dans leur estomac, qu’on ne sauroit douter qu’ils ne soient la cause de la mort de ces jeunes sujets.

Art. II.

Des symptômes qui décèlent l’existence des Œstres.

Les symptômes qui décèlent l’existence de ces insectes sont très-équivoques ; les borborygmes, les coliques momentanées & qui se renouvellent souvent, le dévoiement, le dépérissement, le dégoût pour la boisson, des appétits voraces & dépravés qui portent l’animal à manger le plâtre, la terre, ses longes, sa couverture, des souliers, & tout ce qui a un goût salé & amer, &c. n’en sont pas toujours de certains, & ces accidens peuvent dépendre d’une infinité d’autres causes : le seul signe univoque de leur présence est leur émission par l’anus ; ils restent plus ou moins fortement attachés au sphincter ; si on fouille alors l’animal, on trouve l’intérieur du rectum plus ou moins hérissé de vers, & dans ce cas il est presque toujours très-sec & très-dilaté.

Ils occasionnent le bâillement, ce mouvement des mâchoires que l’on exprime, en disant que l’animal fait les forces, des toux foibles & légères que l’animal fait entendre pendant la nuit, ou le matin avant d’avoir mangé, le tic, des claudications passagères, des fluxions périodiques, des vessigons & des molettes sans causes extérieures déterminantes, des gourmes rebelles, presque toujours privées de ces abcès chauds sous la ganache, qui achèvent & complettent la crise, des flux inopinés par les naseaux, des engorgemens œdémateux sous le ventre, aux jambes, aux ars, sur les testicules, dans les mamelles, des mues imparfaites, longues & tardives, un poil terne & piqué, la chassie des yeux, des urines crues, & enfin tous les maux qui résultent de l’atonie, du relâchement des solides & de l’appauvrissement des fluides.

Article III.

Des désordres occasionnés par les œstres dans les grands animaux.

Les effets destructeurs de ces vers, à l’inspection des cadavres, ne sont pas moins nombreux & foudroyans ; toute la graisse qui recouvre & entoure les viscères du bas-ventre, est en plus grande partie détruite ; le peu qui en reste est flasque, jaunâtre, macéré & infiltré de sérosité. Il en est de même du péritoine, de l’épiploon & de toutes les tuniques extérieures des viscères membraneux ; le mésenter est infiltré, les glandes mésentériques gorgées, squirreuses ou abcédées ; on a vu des épanchemens séreux dans le bas-ventre, les reins relâchés, le cordon spermatique tuméfié, le pancréas décomposé, le foie & la rate plus ou moins tuméfiés. L’intérieur de l’estomac est toujours très-maltraité par ces insectes ; on l’a vu creusé, travaillé & criblé dans l’étendue de ses membranes ; les cavités ou espèces de cellules que chacun des vers s’y est pratiquées, sont très-profondes, & forment autant d’ulcères à bords relevés & tuméfiés ; l’humeur qu’ils fournissent, & qui n’est autre chose que le suc gastrique, est constamment pompée par les vers ; en sorte qu’ils sont à sec & rendent les membranes épaisses, dures, calleuses, irrégulières, fongeuses, livides, & les criblent d’une infinité de trous. Quelquefois le ventricule a été percé par ces insectes ; ils étoient alors répandus en plus ou moins grand nombre sur la surface extérieure des viscères où ils étoient fortement attachés ; & nous observerons que la dilacération du ventricule, après certaines indigestions, n’a le plus souvent pour causes première, qu’une pareille perforation, ou des ulcères très-profonds, qui avoient fortement affoibli les tuniques dans certains points de l’étendue du viscère. Les gros intestins, le colon, le cœcum & le rectum, lorsque les vers sont plus ou moins multipliés, sont surtout affectés de semblables lésions. Les intestins grêles sont ceux qui éprouvent le moins de ces sinistres effets, mais ils ne sont pas toujours intacts ; du reste, la masse totale de tous ces vers, qui ne sont au surplus jamais seuls de leur espèce dans le corps des animaux qu’ils détruisent, est quelquefois très-considérable ; nous en avons trouvé jusqu’à trois livres & quatre onces ; cette masse d’animaux, toujours rongeans & dévorans, qui consomment les sucs nourriciers les plus essentiels à la vie, est plus que capable de produire tous les accidens que nous venons de décrire.

Un cheval est affecté de temps en temps d’attaques de vertige ; les intervalles qui séparent ces attaques, sont d’abord très-longs, ils deviennent plus fréquens, enfin, l’animal meurt subitement ; on trouve à l’ouverture du cadavre deux paquets de vers de la grosseur du poing, l’un près du pylore qu’il bouchoit, l’autre dans le grand cul-de-sac de l’estomac ; les ulcères dans lesquels étoient logés ces vers, étoient énormes ; plusieurs étoient répandus dans le cœcum & dans le colon ; les intestins étoient très-enflammés, ainsi que le cerveau, le retz admirable de willis étoit si gorgé, qu’il formoit hernie dans le quatrième ventricule ; les corps glanduleux du plexus choroïde étoient aussi gorgés & jaunâtres.

Article IV.

Signes qui décèlent l’existence des œstres dans les sinus frontaux des moutons.

Les signes de la présence des œstres dans les sinus frontaux des moutons, sont, outre les convulsions & les tournoiemens, des ébrouemens fréquens, la disposition de l’animal à heurter avec sa tête tous les corps qu’il rencontre, l’abattement des forces, la tristesse, l’inflammation ou la rougeur de la conjonctive, l’humidité ou le flux des naseaux, le boursouflement de la membrane pituitaire, la noirceur, l’inflammation & l’engorgement du voile du palais, de l’épiglotte & de toute l’arrière bouche, le dégoût, le dépérissement & la mort.

Article V.

Désordres produit par les œstres dans les moutons.

Les effets de ces vers dans l’intérieur des sujets qu’ils ont enlevé, sont des excoriations, des tuméfactions & des suppurations dans la membrane pituitaire ; les cornets du nez & l’ethmoïde sont plus ou moins enflammés & gangrénés ; le cerveau est souvent gorgé, mollasse, & dans la cachexie ; les ventricules ont été trouvés pleins d’eau ; les glandes pinéales & pituitaires, le plexus choroïde gorgés & macérés ; tout ce qu’on a remarqué de plus ordinaire dans la poitrine & le bas ventre, sont des infiltrations, des congestions, & de légers épanchement de sérosité.

Les sinus frontaux renferment dans l’épaisseur de la membrane pituitaires ou sous la membrane même, depuis deux jusqu’à quinze œstres, le plus souvent très-noirs ; ils sont logés dans une espace assez juste pour leur volume ; la partie de la membrane qui les enveloppe est très-tuméfiée, noire, & le plus souvent gangrénée ; on en trouve plus fréquemment dans les deux sinus à la fois : on en a vu dans la partie supérieure des cornets du nez ; mais bien rarement dans les sinus ethmoïdaux, & plus rarement encore dans les sinus maxillaires.

Article VI.

Signes de la présence des œstres sous les tégumens.

Rien n’est plus facile que de connoître la présence des œstres renfermés sous les tégumens des animaux ; ils sont contenus dans des tumeurs de la grosseur d’une noix, & quelquefois d’un œuf de poule ; pour peu que ces tumeurs soient grosses, la fluctuation est presque toujours sensible, & leur ouverture donne toujours issue à un de ces vers, & à un peu de matière blanchâtre, partie épaisse & partie séreuse.

Article VII.

Manière de s’assurer de l’existence des œstres dans le roux-vieux.

Il en est de même de ceux qui sont logés dans les pustules du roux-vieux ; écartez les crins de l’encolure, découvrez un des bourrelets que la peau forme dans l’endroit des crins, examinez ce bourrelet ; pressez-le & ouvrez-le à l’endroit où il présente une très-petite ouverture, elle répondra toujours à une pustule, laquelle contiendra un petit œstre ; nous disons petit, parce qu’effectivement ceux-ci sont toujours moins gros que les précédens. Les signes équivoques de la présence de ces insectes, dans cette partie, sont, outre les roux-vieux, de grandes démangeaisons, la chûte des crins, leur mélange, le dépérissement de l’animal, &c., & les signes univoques sont une éminence particulière que le roux-vieux occasionne, & la petite ouverture que l’on apperçoit sur le sommet de cette éminence.

Article VIII.

Signes qui décèlent les œstres dans les ulcères de l’ongle.

Ceux qui habitent les ulcères de l’ongle des chevaux, de celui du bœuf ou à la base de leurs cornes, sont découverts par leur présence, & sur-tout par leur mouvement. Les animaux, dont ces parties sont affectées, se tourmentent plus ou moins fortement, frappent du pied ; mais en général le bœuf semble moins sensible à la piqûre & au mouvement de ces insectes, que le cheval qui frappe sans cesse, comme pour se délivrer d’une sensation incommode.

SECTION II.

Des strongles

Les strongles lombrics ou lombricos, sont des vers cylindriques, longs & ronds ; leur longueur varie de sept à quinze pouces ; leur corps est de la grosseur d’une forte plume à écrire ; ils se terminent en pointe & sont de couleur purpurine ; nous en avons vu souvent de blanchâtres ; leur peau est diaphane, cette diaphanéité laisse voir leurs entrailles grêles & alongées, qui ressemblent à autant de petits strongles renfermés dans un grand.

Un strongle d’un pied de longueur sur quatorze à quinze lignes de circonférence dans son milieu, a été ouvert & disséqué ; on a trouvé un intestin assez ample, composé d’une membrane fixe & déliée, renfermant une liqueur couleur d’olive extrêmement amère ; la tunique intestinale qui contenoit cette liqueur étoit plissée intérieurement, avoit la même couleur que l’humeur qu’elle renfermoit & que nous avons prise pour le suc alimentaire ; cet intestin régnoit depuis l’étranglement qu’on observoit extérieurement en arrière de la tête (de deux pouces environ) jusqu’à l’extrémité opposée du ver ; il est plus gros dans son milieu que dans ses extrémités, en sorte que ses dimensions sont, à peu de chose près, celles de l’insecte. Une pression faite sur le ver facilite l’émission de l’humeur contenue dans le canal dont il s’agit, 1°. par un petit trou placé dans l’endroit de l’étranglement ; 2°. par l’extrémité opposée du ver, naturellement perforée sous un coccix très-court & très-obscur qui termine cette extrémité. Les fibrilles blanchâtres qu’on observe extérieurement, attendu la diaphanéité de l’enveloppe de l’insecte, & qu’au premier aspect on juge être de petits vers, sont un seul canal que nous avons trouvé de six pieds six pouces de longueur ; ce canal est replié sur lui-même dans sa partie moyenne qui est la plus grosse ; cette partie s’attache à l’endroit répondant à l’étranglement du ver ; les deux branches qui en résultent, adhèrent, par leurs coudes, à la face interne de l’enveloppe, elles sont extrêmement déliées, & décrivent dans leur trajet un nombre considérable de circonvolutions qu’il est impossible de suivre ; ce canal renferme une liqueur épaisse & blanche, semblable à de la semence. On voit en outre deux corps ronds & très-rouges, adhérens fortement à la face interne de la peau de l’insecte, communiquant avec le canal intestinal par deux petits filets ; ces corps sont placés, lorsque l’animal est en vie, l’un auprès de l’autre, & directement au-dessus de l’étranglement.

La tête présente, de face, trois tubercules, en forme de trèfle, dont chacun porte une petite lèvre qui, se réunissant, serre & comprime en tout sens la partie sur laquelle l’insecte s’attache, laquelle est pointue.

Ces insectes habitent de préférence les intestins, & notamment le principe des intestins grêles, où ils sont entourés de beaucoup de bile ; le cæcum en renferme aussi beaucoup ; ils résistent peu à l’action des purgatifs, & sont même entraînés fréquemment avec les excrémens dans les déjections naturelles ; ils sont peu dangereux, à moins qu’il ne soient en très-grande quantité, & ne forment des paquets ou dans l’estomac ou dans les intestins.

Article Premier.

Signes de l’existence des strongles.

Les signes auxquels on peut reconnoître les strongles, sont à-peu-près les mêmes que ceux que nous avons décrits ; (art. II.) les coliques sont plus fréquentes, plus longues, plus alarmantes ; l’animal dépérit plus promptement ; il est sujet aux convulsions, aux spasmes, a la rentrée des testicules, à des diarrhées de toute espèce, à la faveur desquelles il rend une plus ou moins grande quantité de ces vers, ou morts, ou dissous, ou vivans, & quelquefois des uns & des autres en même temps.

Article II.

Désordres des strongles.

Les désordres que ces vers opèrent dans les animaux morts, diffèrent de ceux que nous avons vu être les effets des œstres (art. III) en ce qu’ils n’occasionnent que de très-petites évasions dans la face internes de l’estomac & des intestins ; on en trouve des paquets plus ou moins énormes dans l’estomac ; on en a vu qui avoient le volume d’une tête humaine ; ils sont plus particulièrement entortillés en forme de cordes, dans les intestins ; le lieu qu’ils occupent est toujours rempli d’humeur glaireuse, glutineuse & bilieuse, dans laquelle ils nagent ; la membrane interne de l’intestin est plus ou moins enflammée, vidée & plissée dans cette endroit. La présence de ces paquets de vers dans l’estomac occasionne une forte distension, alors les intestins sont plus ou moins rétrécis ; on a observé un effet contraire lorsqu’ils étoient logés dans ces derniers viscères ; toutes les entrailles sont plus ou moins enflammées, les tuniques veloutées, plus ou moins plissées & épaisses ; elles sont toujours fortement humectées de sucs visqueux, brunâtres, rougeâtres & fœtides ; les vaisseaux sanguins sont très-gorgés & farcis de sang noir & épais ; les reins sont souvent très-volumineux & très-flasques, les vaisseaux lactés très-fins & en partie oblitérés ; le canal torachique est plus petit, ses parois plus rapprochés de son axe, la liqueur qu’il charie est plutôt sanguinolente que laiteuse, & toujours plus fluide qu’à l’ordinaire. Les strongles ne perforent guère que les intestins grêles du cochon ; ses viscères en sont quelquefois si criblés qu’il est impossible aux charcutiers de faire usage des intestins.

Des ascarides

Les ascarides sont de petits vers cylindriques qui ressemblent à une aiguille à coudre ordinaire, tant par leur grosseur que par leur longueur ; ils paroissent être des diminutifs des strongles ; néanmoins leur tête & leur queue ne sont pas absolument les mêmes, cette dernière, présentant trois petits mamelons à son extrémité, avec lesquels on peut présumer qu’ils se portent en avant ; la tête nous a paru avoir un petit suçoir court & rond & deux petits yeux au-dessus ; le corps est cerclé d’une quantité d’anneaux qui diminuent de grosseur à mesure qu’ils approchent de la queue ; ces anneaux sont très-près-à-près ; le corps de cet insecte paroît noir, marbré, & porter ça & là quelques poils sur sa superficie ; sa longueur est de six à dix-huit lignes ; plus il est petit, plus sa couleur est rembrunie, sur-tout dans le cheval ; dans le chien, il est plus rouge & moins opaque.

Tous les animaux sont sujets à cette sorte de vers ; le chien est presque le seul dans l’estomac duquel on les trouve en paquets de la grosseur d’une noix ou d’un œuf ; ils sont si étroitement & si intimement enlassés & entassés dans cette poche, qu’ils semblent ne pouvoir se dégager, & qu’ils ne peuvent sortir que par le vomissement ; ceux qui quittent prise sont entraînés dans le canal intestinal, & sortent vivans ou morts avec les matières fécales ; quelques-uns de ces paquets en contiennent jusqu’à deux cents & plus.

Ils sont rarement disposés ainsi dans le cheval, & sont plus généralement répandus dans le canal intestinal, & notamment dans les gros intestins. Le cochon, le mouton, & les bêtes à cornes en renferment toujours moins que le cheval, l’âne & le mulet.

ARTICLE PREMIER.

Signes de l’existence des ascarides.

Le seul symptôme auquel on reconnoît dans le cheval, l’âne & le mulet, l’existence des ascarides, est leur présence dans la fiente ou dans le sphincter de l’anus dont ils dépassent l’ouverture de la moitié de leur corps ; ces animaux en sont toujours plus ou moins attaqués ; mais ils ne font un véritable ravage que lorsqu’ils sont joints aux œstres, aux strongles, aux crinons & souvent au ténia ; alors mêmes désordres, & par conséquent mêmes symptômes que ceux dont nous avons fait mention ; (art. III.) ils occupent de préférence les intestins, & y sont fortement implantés dans l’épaisseur de la tunique veloutée, par les serres dont leur tête est armée. On ne les en détache que difficilement, & leur multitude est quelquefois si considérable qu’ils sont innombrables ; on en trouve souvent de mêlés avec la fiente, mais plus particulièrement dans celle qui avoisine la membrane du viscère.

Article II.

Effets des ascarides dans les chiens.

Il n’en est pas de même des effets de ces vers dans les chiens ; nous en avons vu qui en vomissoient des paquets de la grosseur d’un œuf de poule, enlacés de manière qu’ils étoient très-difficiles à débrouiller sans les rompre ; ils suscitoient des convulsions plus ou moins fortes, des attaques de vertige & d’épilepsie dont le coma étoit la suite ; la gueule étoit pleine de bave, l’animal mâchoit fréquemment, grattoit ses joues avec les pattes, les yeux étoient très-animés, larmoyans & chassieux, le fond de la gueule, surtout le dessous de la langue, étoit garnie d’hydatides semblables à celles qui sont la suite d’aboiemens forcés ; les animaux dépérissoient sensiblement & finissoient dans la consomption, ou mouroient dans les accès de vertige, connus dans les chenilles, sous le nom de rage mue ; ceux chez lesquels la maladie traînoit en longueur, exhaloient une odeur cadavéreuse, leurs excrémens étoient une sanie putride, leurs urines étoient huileuses, jaunâtres & d’une odeur infecte.

L’ouverture des cadavres démontroit une infiltration & une décomposition plus ou moins grande ; la matière contenue dans les intestins, étoit composé en plus grande partie de vers pourris, dissous ; l’estomac en renfermoit de vivans qui l’avoient enflammé & gangréné ; il étoit piqué & ulcéré dans une infinité d’endroits ; il en étoit de même de la membrane interne des intestins qui en recéloit également de vivans.

Des crinons.

Les crinons ou dragoneaux, que nous nommons ainsi à cause de leur ressemblance avec ceux qui naissent sous la peau des enfans qu’ils précipitent dans le marasme, sont extrêmement grêles, déliés & filiformes : un crin blanc, coupé à quelque distance de son extrémité, laisse dans la partie tronquée, vu à l’œil nu, la figure, la forme & la grosseur de ces insectes ; ils sont articulés comme les ascarides ; leur tête, vue au microscope, est pointue, & présente deux yeux ; leur queue est plus grosse & porte dans le milieu un petit anus ; leur longueur varie de trois à trente-six lignes ; ces vers sont beaucoup plus grêles & plus fins que les ascarides, blanchâtres, très-mobiles, se repliant sur eux-mêmes en tout sens avec beaucoup d’agilité.

Dans le cheval, ils habitent presque toutes les parties ; on les trouve dans les gros vaisseaux artériels, & très-fréquemment dans le trône de la mésentérique antérieure ; ils préfèrent ces lieux tortueux & raboteux, parce que, sans doute, ils peuvent y résister plus aisément à la rapidité du cours du sang ; dans certain état maladif, ils sont très-répandus sur la surface extérieure de presque tous les viscères, & notamment sur ceux du bas-ventre ; le nombre alors en est prodigieux, l’intérieur du canal intestinal en est plus ou moins garni ; on en a vu des légions innombrables le long des larges bandes qui brident & raccourcissent le colon & le cæcum ; cette quantité étoit telle que nous en avons compté plus de mille sur une surface de deux pouces ; en sorte qu’en multipliant ces surfaces par celui de mille, on peut estimer la totalité de ces insectes à plus d’un million. Les replis de la tunique veloutée de ces mêmes intestins, en contiennent également beaucoup ; les matières contenues dans ces intestins renversés avec précaution, après une dilacération longitudinale de ces viscères, ont montré de larges traînées blanchâtres, semblables à du chyle épaissi ; mais ces traînées, examinées avec attention, n’étoient que des couches épaisses de crinons ; elles répondoient constamment à la partie de l’intestin, bridée par les bandes charnues de ce viscère. Ce sont de ces vers qu’on a trouvé au surplus entre la dure & la pie-mère, dans les bronches, la trachée-artère, le larynx, le canal thorachique, qui ont été rendus par les pores de la peau, les yeux, les oreilles ; les chiens & les autre animaux y sont très-sujets ; mais le cheval le plus sain en renferme toujours plus ou moins.

Article Premier.

Signes de la présence des crinons.

On ne reconnoît guère la présence des crinons ou dragoneaux qu’à l’ouverture des cadavres ; à moins qu’ils ne sortent par les organes extérieures, ainsi qu’il arrive quelquefois, alors les symptômes qui précèdent une éruption de ce genre & qui l’accompagnent, sont tous ceux qui caractérisent le scorbut ; l’haleine, la transpiration & les excrémens exhalent une odeur des plus fortes & des plus fétides, l’animal dépérit insensiblement ; il est très-foible, triste & dégoûté ; le ventre est ordinairement relâché, les urines sont safranées, la bouche, les naseaux & la membrane pituitaire sont secs & arides ; la truffe au bout du nez du chien, & desséchée & brûlée, l’épiderme se soulève & tombe en écailles, les gensives sont noires, & les dents chargées de beaucoup de tartre ; la conjonctive est très-enflammée, plissée, l’épine est douloureuse, les lombes sont très-embarrassées, il y a lumbago ; le poil est terne & piqué, la chaleur extérieure du corps est quelquefois sèche, & d’autrefois éteinte ; l’animal est toujours couché, très-paresseux, altéré dans les momens où la chaleur du corps est la plus forte ; le pouls est très-fébricitant, petit, ondulent, très-accéléré ; lorsque la peau est froide, il est extrêmement foible & presque effacé.

Si la nature est assez forte pour faire un effort, & opérer une crise qui consiste dans l’expulsion de ces insectes, on les voit sortir de toutes parts par les pores de la peau, par les yeux, les oreilles, les naseaux & l’anus ; l’animal est alors beaucoup moins mal ; les forces se raniment un peu ; ils ne sortent pas tous les jours dans le commencement de la crise, il se passe des intervalles de quarante-huit à soixante heures sans que l’animal en fournisse ; plus les remèdes sont efficaces, plus les forces sont ranimées, plus ils sortent régulièrement, c’est alors que l’animal en dépose dans sa couverture ou sur le lieu où il est couché, des quantités incroyables ; on les voit sur le bord des paupières & de tous les émonctoires ; ils sont, à leur sortie de l’animal, morts, blancs, maigres, & en partie desséchés.

Le cheval n’en fournit pas à proportion davantage que le chien ; mais dans le premier, la crise paroît plus longue & moins interrompue ; l’intérieur de la couverture est chargée de ces insectes, l’étrille, la brosse & même le bouchon en ramassent également des quantités prodigieuses ; ils ressemblent à de la grosse poussière, & ce n’est qu’en les examinant de près qu’on les distingue & qu’on les reconnaît. La crise une fois établie, les symptômes de santé se montrent promptement ; mais il est fréquent de voir les animaux succomber sous le poids de cette maladie, à moins que la cause de l’évolution de ces insectes ne soit épizootique ; alors prévenu d’avance de leur existence & de leurs effets, on peut secourir les malades avant les accidens que font naître ces insectes, & qui conduisent l’animal à la mort.

Les chevaux sont beaucoup plus sujets aux crinons & aux dragoneaux que les chiens ; mais ceux-ci sont plus fréquemment la victime des ascarides, & notre expérience nous a mis à même de voir vingt chiens affectés de ces vers, sur un affecté de crinons ou dragoneaux.

Les tégumens & l’anus du cheval sont les seuls endroits qui permettent l’émission de ces vers, ou du moins nous n’avons jamais eu occasion de les voir s’échapper par d’autres parties ; ils sont légèrement plus alongés que ceux du chien, mais tout aussi blancs & tout aussi flétris ; ce n’est qu’avant la crise qu’ils sortent vivans avec les matières fécales qui en fournissent quelquefois ; on les voit encore au bord de l’anus, leurs mouvemens sont d’autant plus forts & plus rapides que la crise est plus éloignée & que l’animal est plus malade, en sorte qu’il semble que la disposition des sucs qui donnent lieu à la vigueur & à la santé de ces êtres meurtriers, détruit le ressort & l’action vitale des parties de l’animal dans lequel il se sont développés.

Article II.

Désordres produits par les crinons.

L’ouverture des cadavres des animaux morts à la suite de ces insectes, présente à-peu-près les mêmes désordres que ceux que nous avons remarqué précédemment ; (section IV) tous les viscères sont plus ou moins relâchés, les glandes lymphatiques plus ou moins gorgées, on voit ces vers sur toute la surface extérieure de ces viscères.

On en a vu une grande quantité dans les bronches, lors de certaines épizooties ; les poumons des moutons y sont infiniment sujets dans les maladies qu’ils éprouvent après ou pendant des saisons humides.

Nous avons trouvé à l’ouverture d’un cheval morveux, une tumeur de la grosseur d’une noix dans l’épaisseur des membranes de l’estomac ; l’intérieur de cette tumeur étoit formé d’un très-grand nombre de cellules remplies d’une matière suppurée, jaunâtre & assez fluide ; les parois de ces cellules étoient criblés de petites ouvertures qui contenoient chacune trois à quatre crinons, plusieurs autres nageoient dans l’humeur suppurée.

Le sang du cheval paroît si analogue à ces sortes de vers, que sur cent que l’on ouvre, (n’importe de quelle maladie ils soient morts, & quand même ils auroient fini le mort violente) il est très-rare de n’en pas trouver dans tous ; au surplus, quelque lieu qu’ils occupent, on ne les apperçoit qu’en y faisant la plus grande attention ; parce qu’ils sont très-fins, & toujours de la couleur des sucs dont il se sont nourris.

SECTION V.

Des douves.

Les douves, sang-sues, limaces, ou fasciola hepatica de Linæus, sont des vers minces, applatis, ovulaires ; ils ressemblent à une raie en mignature ; leur couleur est d’un vert obscur, quelquefois blafarde, mais rarement rougeâtre ; leur longueur est de cinq à six lignes sur quatre à cinq de largeur.

Les canaux biliaires ou excréteurs du foie, sont leur seule & unique demeure ; on les trouve rarement dans les canaux cystiques, & plus rarement encore dans les intestins grêles & dans la caillette, où sans doute ils sont portés accidentellement & contre leur gré, à moins qu’ils ne soient en très-grand nombre dans la vésicule du fiel ; mais alors tous les filtres du foie, les canaux cystiques, la caillette & les intestins en sont également remplis.

Les moutons & les bêtes à cornes ont paru jusqu’à présent les plus exposés à ces vers dans la santé parfaite ; le veau & l’agneau en ont rarement ; nous les avons vu plusieurs fois dans les vaisseaux biliaires du foie du cheval, & nous n’en avons jamais rencontré dans ceux du chien & du cochon.

Article premier.

Effets des douves dans les moutons.

Les douves, sang-sues, limaces, paroissent toutes aussi habituelles aux moutons, que les crinons & les œstres le sont aux chevaux ; nous les regarderions volontiers les uns & les autres comme héréditaires à chacune de ces espèces d’animaux ; nous ne savons pas si la vigogne & le lama en sont affectés généralement ; ceux de ces animaux exotiques, qui ont été disséqués par M. Henon, professeur d’anatomie, en avoient un assez grand nombre ; quoiqu’il en soit, tant que les douves sont en petite quantité, elles ne paroissent pas plus dangereuses aux moutons, que les crinons & les œstres ne le sont au cheval, lorsque ceux-ci sont également en petit nombre ; mais lorsque les douves sont très-multipliées, & qu’elles ont pénétré & rempli les canaux biliaires, elles produisent dans ce viscère des hydatides, des squirres ; elles le tuméfient de toutes parts & en font un corps qui, bien loin de participer a la vie, y est étranger & devient la source d’une infinité de maladies, particulièrement de la pourriture & de la consomption ; l’animal dépérit assez vite, la laine tombe comme dans l’alopécie & la gale, la conjonctive est blanche, flasque & lavée, les forces abandonnent le malade, & il périt dans l’étisie ; tous les viscères sont plus ou moins infiltrés & inondés de parties aqueuses ; la vésicule du fiel, les canaux cystiques & hépato-cystiques, le duodénum, en contiennent plus ou moins, ainsi que la caillette dans laquelle on en a trouvé quelquefois.

SECTION VI.

Du ténia.

Le ténia ou vers solitaire qui afflige fréquemment l’espèce humaine, se trouve aussi dans les animaux ; il est rarement seul ; il existe en plus ou moins grand nombre dans les intestins grêles qu’il habite le plus fréquemment ; la forme est aplatie, rubanée, dentelée sur les bords ; il est plus ou moins long, mais toujours très-mince ; ses dimensions varient encore, suivant les espèces d’animaux qui le logent : le cheval nous en a fournis qui avoient un pouce de largeur ; le bœuf en renferme plus rarement d’aussi large ; ceux du mouton sont très-étroits ; ceux du chien le sont quelquefois plus & d’autres fois moins ; la largeur de ces vers, dans ces animaux, est en général d’une à quatre lignes ; les dentelures qui sont sur les côtés de ces insectes, marquent leurs articulations, elles sont plus ou moins éloignées, ou moins près-à-près ; la longueur de ses anneaux, dont ils semblent formés, n’est pas en proportion de la largeur du ver ; de très-larges sont brièvement articulés ; d’autres plus étroits ont des anneaux dont la longueur varie de quatre lignes à un pouce ; plus les articulations sont près les unes des autres, plus les dentelures sont marquées & saillantes ; plus les articulations sont éloignées, plus le ver est irrégulier dans ses dimensions. Ceux en qui les anneaux ont plus de longueur, ont été nommés cucurbitins, attendu que chaque anneau de cette chaîne a la forme d’une graine de citrouille.

Sur le bord, chaque anneau est un petit bouton fait en forme de houpe, qui se continue dans le corps du ver par une ligne noire, mais qui disparoît en partie dans certains vers, lorsqu’il ont resté dans l’esprit-de-vin ; ces boutons sont dans le milieu des anneaux dans les vers cucurbitins, tantôt sur un bord, tantôt sur l’autre ; dans d’autres plus brièvement articulés, ils sont si près de l’articulation, qu’ils se confondent avec elle ; nous en avons conservé dans l’esprit-de-vin, en qui on ne les voit pas.

La forme de leur tête varie, la plûpart l’ont globuleuse, semblable à un petit pois de vesce, ayant quatre ouvertures bien distinctes, également distantes & séparées les unes des autres par une dépression cruciale ; la partie postérieure est séparée du cou par un replis circulaire assez profond, qui fait l’office d’une cravate ; on peut croire que ces quatre ouvertures sont autant de bouches ou suçoirs qui servent à pomper les sucs qui alimentent ce ver, & desquels il peut faire usage, quelle que soit sa position ; d’autres plus étroits & plus longs, portent à la partie antérieure un hiatus, espèce de suçoir ou de bouche, à la faveur de laquelle ils tirent les sucs ; en arrière de ce globule ou tête est un cou très-étroit & très-grêle, sa longueur varie de trois à douze pouces ; cette partie est très-mobile & beaucoup plus que le reste du corps de l’insecte ; les mouvemens en sont latéraux, les articulations se ferment du côté que l’insecte plie, & s’ouvre du côté opposé ; ses plis ont lieu de droite à gauche, & de gauche à droite, & c’est en s’ouvrant que le ver se porte en avant ou en arrière, mais principalement en avant. Ils ont encore deux autres mouvemens, ceux-ci sont plus forts, ils ont lieu de haut en bas, & de bas en haut, suivant la direction aplatie de ce ver ; c’est une véritable ondulation, à la faveur de laquelle l’insecte avance ou rétrograde ; du reste, on ne peut bien voir ces mouvemens que dans les vers tirés des cadavres chauds ou des corps vivans : nous avons vu un de ces ténia se replier sur soi-même, & appliquer ces quatre suçoirs sur une partie de son corps, avec tant de force, qu’il en eût fallu moins pour le rompre que pour lui faire quitter prise ; ayant été mis dans de l’eau tiède, il s’est épanoui & étendu, au point de s’allonger du quadruple ; il se déployait & rentroit en lui-même avec une facilite étonnante ; d’où l’on peut juger de la contractilité de cet insecte, & des effets douloureux qu’il doit produire dans les corps qui le recèlent ; la tête nous a semblé plus régulièrement dirigée du côté de l’estomac des animaux. Quelques têtes de ténia ont présenté deux yeux & une trompe dans le milieu, elles étoient moins volumineuses que celles des précédens ; nous en avons vu encore qui avoient deux cornes, & d’autres qui s’épanouissoient sur les matières fécales, ou sur la membrane interne des intestins en forme d’éventail ; cet épanouissement s’est montré rayonnant, ayant des cannelures ou sillons rassemblés du côté du cou, & très divisés & épanouis du côté opposé ; la grosseur de la tête de ces insectes suit assez les dimensions du cou ; plus cette partie est grêle & allongée, plus la tête est petite, & vice versa. Les ténia très-larges ont ordinairement un cou court & une tête assez grosse ; l’autre extrémité où la queue est moins large que le corps, se montre dans la plupart coupée obliquement de chaque côté, pour former une pointe plus ou moins alongée, ce qui peut dépendre du plus ou du moins d’extension, ou de raccourcissement de cette partie ; elle a beaucoup de mouvement & peut être prise pour la tête de l’insecte, si on l’examine légèrement ; erreur d’autant plus facile, que la tête de ces vers se décole aisément.

La longueur de ces vers varie à l’infini ; les plus longs n’ont jamais outrepassé vingt & quelques pieds, en sorte que nous n’en avons jamais rencontré dans les animaux d’aussi longs que ceux dont l’histoire de la médecine humaine fait mention ; peut-être que l’homme vivant beaucoup plus long-temps que les animaux qui nous occupent, laisse au ténia celui de grandir, tandis que les plus foibles périssent ; de-là le nom de solitaire que lui ont donné les médecins du corps humain.

Leur nombre ne varie pas moins : nous en avons compté jusqu’à deux cents vingt-sept dans un chien, quatre-vingt-onze dans un cheval, dix-neuf dans un bœuf, douze dans un mouton ; un chien en a rendu en notre présence cent quinze.

Les lieux qu’ils habitent de préférence sont les intestins ; nous avons rencontré quelquefois dans l’estomac, leur tête & une portion du cou, le reste de l’insecte étoit au-delà du pylore, & étendu dans l’intestin ; le rat est le seul dans qui nous l’avons trouvé dans le foie ; il est logé dans cet animal dans la propre substance du viscère, unique dans le petit logement qu’il s’y est pratiqué, il y est renfermé & enveloppé dans un véritable kyste, ou poche membraneuse, blanchâtre, opaque, compacte ; il se montre sur la surface du viscère, sous la forme d’un point ou d’une tache blanchâtre ; à l’ouverture du kyste on trouve un ténia très-blanc, de la longueur de neuf à douze pouces sur une ligne environ de largeur, très mince, articulé par des anneaux placés très-près-à-près. Les jeunes rats que nous avons disséqués n’en avoient pas ; mais ceux d’un moyen âge en ont toujours dans les intestins, au nombre de trois ou quatre au moins, & les vieux en ont dans le foie de les intestins ; nous en avons trouvé jusqu’à sept dans le premier de ces viscères ; dans les entrailles ils étoient plus ou moins multipliés. Le lapin en est très-fréquemment attaqué ; ils n’occupent que les intestins grêles, sont très-larges, fort épais, & presque toujours cucurbitins ; nous en avons rencontré de très-petits, on les distinguoit à peine ; ils avoient deux, trois, quatre, cinq lignes de longueur ; toutes les artulations étoient bien distinctes ; es plus petits ont paru cylindriques ; ce n’est vraisemblablement qu’en se développant qu’ils s’aplatissent : les loups, les renards, la loutre, la taupe, la belette, la fouine, le putois & le loir en nourrissent également ; mais envisageons les uns & les autres de ces vers, relativement aux effets qu’ils produisent dans les animaux qui nous occupent.

Article Premier.

Désordres produits par les ténia.

Les ténia ne causent pas de désordres moins grands & moins alarmans : ils suscitent des toux & des coliques dans presque tous les animaux qui en sont affectés ; les quadrupèdes y sont sujets ; mais d’après les observations faites sur le bœuf & la vache, ces derniers nous paroissent y être moins exposés que le mouton ; le cheval y est beaucoup plus sujet que l’âne & le mulet, & aucun d’eux ne l’est autant que le chien, qui y paroît aussi exposé que le mouton l’est à la douve, & que les chevaux le sont aux crinons & aux œstres.

En effet, les jeunes chiens en rendent des paquets plus ou moins volumineux ; ils sont affectés de coliques quelque temps avant leur émission ; souvent une partie de ces vers sort, tandis que l’autre rentre dans l’anus. L’animal boit, mange & paroît très-gai jusqu’au moment d’une nouvelle colique & d’une nouvelle émission de ces insectes, ainsi de suite jusqu’à ce qu’ils soient très-multipliés dans le corps de cet animal ; alors les accidens de toutes sortes se développent ; les douleurs que ces insectes suscitent le font crier & courir inopinément ; le dégoût & la tristesse lui ôtent, pour ainsi dire, toutes ses facultés ; il maigrit, il est taciturne, ses yeux sont enflammés, les convulsions surviennent, l’animal se lève & saute en avant, comme s’il vouloit fuir une douleur très-vive ; dans d’autres instans & toujours inopinément, il a des quintes de râlement dans lesquelles il semble devoir suffoquer ; ses quatre pattes sont écartées, l’épine est voûtée en contre haut, le flanc est retroussé & spasmodiquement contracté ; le cou & la tête sont alongés, les narines & la gueule très-ouvertes, & l’air inspiré & expiré forme une collision laborieuse & sonore. À tous ces symptômes succèdent l’atrophie, la catalepsie & la mort. Il paroît que tous ces accidens n’existent que lorsque les ténia sont renfermés dans les intestins grêles ; s’ils sont dans les autres, & que l’animal engendre, ces accidens n’ont point lieu. Tous les chiens ouverts à la suite de ces effets ou de ces maux, nous ont toujours montré des ténia dans ces mêmes intestins grêles ; ils y étoient très-vivans & doués de mouvement, enveloppés & garnis de beaucoup de matière sanguinolente ou laiteuse, dans laquelle sembloit nager des espèces de semences ou d’animalcules de ténia ; ce qui porteroit à le croire, c’est qu’on trouve souvent des ténia très-petits & très-grêles, & qui ne diffèrent des autres que par le volume ; l’estomac & les membranes des uns & des autres de ces viscères étoient ridés, plissés & fortement enflammés ; néanmoins il faut convenir que ces vers ne sont jamais seuls de leur espèce, nous les avons toujours vu avec des strongles & des ascarides. Les désordres que nous avons observés dans les autres viscères étoient, à peu de choses près, les mêmes ; l’atonie des flétrissures ou des engorgemens par infiltration plus ou moins marqués.

Les autres animaux éprouvent des effets moins sinistres de la part de ces insectes ; on ne peut guère être assuré de leur existence dans l’animal qu’ils tourmentent, que par des coliques plus ou moins fortes, & par leur sortie de l’anus ; mais ils s’échappent rarement par cette voie ; le grand espace que leur offre le canal intestinal, leur figure & le lieu qu’ils occupent pour l’ordinaire, sont, sans doute, la cause du défaut de leur émission ; ils ne sont, au surplus, jamais aussi multipliés que dans le chien ; nous en avons rencontré une seule fois une quantité prodigieuse dans un cheval, tous les ténia réunis formoient un volume d’une sphère de cinq pouces de diamètre ; ils étoient répandus indistinctement dans tout le canal intestinal ; ils avoient un pouce de largeur dans la partie la plus évasée ; & dans les gros animaux, nous le répétons, ils ont toujours paru mêlés avec d’autres vers ; les chevaux attaqués du ténia le sont ordinairement des œstres, des strongles, des ascarides & des crinons ; le bœuf & le mouton qui en renferment, contiennent aussi des strongles, des douves, &c. &c.

On a vu des moutons affectés de maladies épizootiques, qui n’avoient pour cause que de très-longs ténia dans le canal intestinal, & des œstres dans les sinus frontaux ; les viscères étoient sains, à l’exception d’une légère tuméfaction & d’une forte inflammation dans les membranes intestinale & pituitaire.

Nous avons vu dans le chien des ténia attaqués par d’autres petits vers très-fins & très-déliés, & qui tenoient le milieu entre le crinon & l’ascaride ; ils étoient fortement attachés au ténia, & paroissoient vivre à les dépens. Le ténia a sans doute un ennemi comme nombre d’insectes, mais pourra-t-on savoir s’il lui est aussi funeste qu’il l’est lui-même aux animaux qu’il dévore, ou s’il lui est seulement incommode, ou si enfin les inquiétudes qu’il lui cause sont ou peuvent être la source des troubles qu’il produit dans sa demeure vivante ; quoiqu’il en soit, les désordres que le ténia opère dans le corps des grands animaux, sont absolument les mêmes que ceux produits par les autres vers.

SECTION VII.

De l’origine des vers.

L’origine des vers, dans le corps des animaux, est un mystère qui, vraisemblablement, nous restera long-temps caché ; des expériences heureuses bien suivies, bien constatées, ou des analogies sûres, lèveront peut-être un jour le voile qui nous dérobe la métamorphose de chacun de ces insectes ; ce qu’ils étoient avant leur évolution dans le corps des animaux ; s’ils y ont été déposes en larves, en nymphes ou en graine ; la durée de leur vie ; s’ils se multiplient par eux-mêmes sans le secours de semence nouvelle ; si lorsqu’ils ont acquis un certain degré d’accroissement & de force, ils sortent de leur hôte, pour se métamorphoser de nouveau, & enfin ce qu’ils deviennent après cette métamorphose. Ces vérités seroient aussi curieuses qu’intéressantes ; on ne peut, en effet, éviter ou combattre avec avantage & succès, si on ne les connoît parfaitement.

On a reconnu le mâle & la femelle dans les strongles ; ils se multiplient par accouplement dans le corps de l’homme & dans celui des brutes ; on a pensé que ces vers ne se métamorphosoient point, & qu’ils restoient pendant le cours de leur vie ce qu’on les voyoit. Nous avons cru observer qu’ils acqueroient un volume plus ou moins gros, & que les animaux qui les portoient les rendoient alors avec plus de facilité que lorsqu’ils étoient petits ; le volume de douze à quinze pouces de longueur, sur un trente-cinquième de diamètre, a paru être le terme de leur accroissement.

Les ascarides, toujours mêlés avec plus ou moins de strongles, & toujours plus nombreux que ces derniers dans le corps des animaux, pourroient faire croire qu’ils sont le produit des strongles ; il en est de même des crinons ; ceux-ci néanmoins sont plus petits & plus grêles que les ascarides ; l’on pourroit d’autant plus être porté à penser que ces deux dernières espèces sont le produit de la première, que ces insectes ne différent au premier aspect les uns des autres que par leur grosseur & par leur longueur ; mais en les examinant plus attentivement avec de fortes loupes ou le microscope, on voit que ces vers ont des formes différentes, que les strongles ont une forte trompe, que les ascarides ont des crochets faits, à peu de chose près, comme ceux des œstres ; que les crinons ont une tête pointue & portent des yeux. S’il est possible de concevoir comment ces divers ennemis parviennent à se loger dans les grandes voies de la digestion, à y vivre, & même à pénétrer dans des routes assez étroites, il est aussi facile de comprendre comment les crinons se trouvent dans les voies circulaires, ou dans les lieux dont la communication paroît absolument interdite à des corps de ce genre ; la finesse & la petitesse de leurs corps leur permet de chercher des retraites qui puissent les mettre à l’abri d’être entraînés avec les matières fécales ; ils se logent dans les vaisseaux veineux, dont la faculté d’absorber les entraîne, pour ainsi dire, malgré eux : ils parcourent ainsi une partie de la circulation, & trouvent dans le tronc de la mésentérique un abri qui les défend contre le choc du sang artériel ; d’autres traversent les tuniques intestinales, soit qu’ils percent à travers les mailles des membranes, soit qu’ils les franchissent par la voie des artères exhalantes, leur exilité & leur finesse leur permettant ces différentes routes.

Le ténia est pour ainsi dire héréditaire au rat & au lapin ; il commence à se développer dès l’âge le plus tendre ; mais par où passe-t-il pour se rendre des intestins dans le foie ? est-ce de nouveaux animalcules qui se développent par la suite dans ces viscères ? c’est ce que nous ignorons ; tout ce que nous savons de certain, c’est que plus le rat est vieux, galeux, lépreux, plus on en trouve dans le foie & dans les intestins ; que plus les lapins sont jeunes plus on trouve le ténia grêle, court & délicat.

Les jeunes chiens sont aussi beaucoup plus sujets au ténia que l’adulte ; il en est de même des jeunes chats.

Rongeard est je crois le seul qui en ait trouvé dans la tanche, hors du canal intestinal ; ces particularités prouvent peut-être que la semence de ces insectes peut s’insinuer par-tout ; mais qu’elle ne se développe que dans les endroits qui peuvent favoriser son évolution.

Wolpius en a vu rendre par des enfans très-jeunes & à la mamelle.

Hypocrate avec le méconium ; ce qui a fait penser à ce père de la médecine, qu’ils avoient pris naissance en même temps que l’enfant.

Spiggelius prétend que lorsque le ténia est une fois hors du corps il ne se reproduit plus ; nous avons des exemples du contraire dans deux chiens qui en ont été guéris aussi parfaitement qu’ils pouvoient l’être, & qui en ont été encore affectés, l’un quinze, & l’autre dix-huit mois après ; il y a plusieurs exemples de pareils faits dans l’homme. On pourra dire, pour justifier l’opinion de Spiggelius, que ces malades n’en avoient pas été parfaitement délivrés, que le ténia se reproduit de ses propres débris, ou que des animalcules de ces vers en ont produit d’autres ; mais nous dirons avec vérité qu’un chien nouvellement guéri du ténia, ayant été sacrifié à notre curiosité, les recherches & l’examen les plus exacts n’ont pu nous faire découvrir le plus léger vestige de cet insecte.

On voit, par la lettre de Vallisnieri à M. Leclerc, que des vers ronds & longs ont été trouvés dans le veau, & que la chair de ces animaux en avoit contracté un goût très-désagréable ; les veaux sont assez sujets aux strongles ; mais nous n’avons jamais vu que ces insectes aient porté la moindre altération au goût que la viande devoit avoir. Il en est de même du cochon, il est très-sujet aux strongles, aux ascarides, & aux ténia, ses entrailles en sont quelquefois farcies ; mais la chair n’en est point altérée.

Méri Korcking, Wolff, en ont vu dans les reins d’un chien, nous n’en avons jamais trouvé que dans le rein gauche d’une jument ; ce viscère étoit gorgé, suppuré, & d’un volume énorme ; le ver étoit blanc, assez gros, & long, c’étoit un véritable strongle.

La rate semble être jusqu’à présent le viscère qui en ait été exempt ; nous en avons vu sur sa surface, mais jamais dans sa substance ; ces vers étoient des crinons, & tous les autres viscères en étoient alors plus ou moins couverts.

Vidus dit en avoir trouvé dans le péricarde & dans le cœur.

Baglivi en a trouvé également dans le cœur. Nous avons vu les crinons ramper sur la surface de ces viscères, de même que sur ceux du bas-ventre & de la poitrine, dans l’intérieur des bronches, dans des abcès formés dans la substance pulmonaire, dans celle des intestins & de l’estomac ; les crinons, au surplus, pouvant suivre avec le sang tous les détours de la circulation, peuvent se trouver par-tout.

Mathiole parle de vers qu’il a trouvés dans la tête du cerf ; nous n’en avons observés que dans les sinus frontaux & dans le larynx : ils étoient les mêmes que ceux qui affectent les sinus des moutons.

C’est sans doute de ce même ver que parle Paracelse, qui s’engendre, dit-il, dans le cerveau des chevaux & les rend furieux ; les maréchaux l’appelle ver-coquin & ver-sequin, ils croient qu’il occasionne le vertigo, maladie dont les chevaux sont fréquemment atteints ; ils supposent que cet insecte vient de la queue, qu’il suit la moëlle alongée, & que c’est lors de son entrée dans le cerveau qu’il suscite les convulsions qui constituent la maladie ; d’âpres l’idée qu’ils s’en sont formés, il se hâtent de perforer, avec un fer chaud, la partie supérieure & antérieure de l’encolure, entre le ligament cervical & la nuque ; cette opération dictée par l’ignorance, est souvent suivie des effets les plus sinistres.

Ethmuller dit que plusieurs personnes prétendent & assurent que les chiens sont sujets à un ver sous la langue, & que si on a soin de leur ôter ce ver avant qu’ils aient eu des accès de rage, ils n’enragent jamais. Pline l’appelle lyra, & pense la même chose.

On voit que cette erreur remonte à la plus haute antiquité. Dufouilloux qui a fait un traité de Vénerie sous Charles VII, relève cette erreur, & il est bien étonnant qu’elle se soit accréditée, & que les gardes chasse & les valets de chiens l’aient encore en vénération ; ils pratiquent journellement l’opération qu’ils appellent éverrer, à l’effet de préserver leurs jeunes chiens de la rage. Ce prétendu ver n’est autre chose que le tendon du muscle mylo-hyoïdien, ils l’extirpent & l’emputent impitoyablement.

Nous avons remarqué, d’après l’inspection des cadavres des animaux morts à la suite des maladies vertigineuses, tous les effets d’une cachexie, d’une atonie dans les solides, & d’une décomposition plus ou moins grande du principe des fluides : nous avons même observé ceux d’une véritable anemase, c’est-à-dire d’un défaut de sang dans les vaisseaux, preuve certaine d’une cacochylie & d’une cacochymie bien décidées. Ces affections vermineuses sont toujours accompagnées dans le cheval, de maladies psoriques, du tic, d’eaux aux jambes, de poireaux, quelquefois de crapeaux, d’ulcères qui résistent aux topiques & aux pansemens les mieux ordonnés ; dans le poulain, de tumeurs œdémateuses, d’engorgement aux jambes & de consomption ; dans le mouton & le bœuf', de la pourriture ; dans le chien, du vice scorbutique, de maigreur ou de consomption ; dans le cochon, de coliques, de diarrhées & du tak, &c. Ces différentes affections qui n’ont toutes qu’un seul & même principe, l’appauvrissement des humeurs, dépendent-elles d’une disposition particulière des sujets, ou sont-elles le produit de révolution des vers ? Nous sommes très-disposés à penser que la nature des fluides facilite le développement de ces insectes, & que leur présence augmente & aggrave cet état, d’où naissent par la suite tous les maux que nous avons décrits, & qui conduisent l’animal à la mort.

L’espèce de perspiration de Crinons (section IV. art. I.) est sans-doute due à une manière d’être des humeurs ; ce mode tel qu’il soit, en facilite l’évolution & l’émission ; celle-ci ayant formé une crise heureuse, l’animal est guéri. Les douves ne sont jamais aussi multipliées que lorsque les bœufs & les moutons sont affectés de la pourriture, & plus le nombre de ces insectes est grand, plus la maladie a d’intensité. Les œstres sont d’autant plus nombreux dans l’estomac & dans les intestins des chevaux, que leurs sucs sont visqueux & appauvris, ou souillés par des humeurs à évacuer, telles que celle de gourmes, &c. Les œstres ne font effectivement un véritable ravage dans les haras, qu’avant l’éruption de cette humeur ; les ténia ne sont aussi fréquens dans les jeunes chiens que par la viscosité de leurs humeurs, & par leur appétit vorace de toutes les chairs corrompues & infectes ; les jeunes chiens errans & vagabonds y sont infiniment plus exposés que les chiens tenus & soignes ; il en est de même à l’égard des autres animaux carnassiers, tels que le rat, le loup, la loutre, le renard, la belette, la fouine, le putois, le furet, &c. Ces êtres voraces, dont la plupart habitent sous terre, entassent fréquemment indigestion sur indigestion, d’alimens le plus souvent corrompus & chargés de vers, ce qui fournit à leur sang un chyle glaireux & très-laborieux pour les secondes voies : même chose arrive à l’égard des jeunes chiens élevés dans les chenils avec de la soupe ; cette soupe est souvent cuite de la veille ; jusqu’à ce qu’on la leur donne, les mouches peuvent y déposer & y déposent sans doute leur semence ; cette nourriture peu mâchée par l’animal qui s’en nourrit & l’avale avidement, peu broyée, peu pénétrée de la salive, fournit un chyle semblable au précédent, & facilite le développement des œufs. Telle est la source des ascarides qui enlèvent une quantité prodigieuse de ces animaux dans un âge encore tendre.

On pourroit penser que le ténia, dont les jeunes chiens de chasse sont fréquemment attaqués, leurs provient des laperaux qu’ils dévorent, ces animaux étant toujours plus ou moins farcis de ces vers. Linnæus a vu des vers plats dans les eaux bourbeuses ; ne pourroit-on pas croire que ces eaux, dont les animaux s’abreuvent le plus souvent, sont la source des ténia auxquels ils sont beaucoup plus sujets que l’homme ? Les crinons ne sont jamais plus multipliés dans les bêtes à cornes, dans les chevaux, ânes & mulets, que lorsque ces animaux sont nourris avec des substances capables de donner de la viscosité aux humeurs & d’en occasionner l’immuabilité, tel que le son, celui des amidonniers, le marc de bierre, les carottes & les navets cuits, la paille nouvelle, le foin qui n’a pas sué dans le grenier, celui qui est poudreux, moisi, qui a été mal récolté, chargé d’insectes, &c. Et nous voyons encore que tous les alimens qui exigent peu de mastication pour la déglutition, sont dans le cas de fournir beaucoup de vers, & que plus l’animal est vorace & goulu, plus il y est exposé, les indigestions en lui étant très-fréquentes. De plus les animaux qui pâturent sont plus sujets aux vers que ceux qui sont nourris au sec ; ceux qui sont mis au vert après avoir été mis au sec, y sont encore plus exposés que ceux qui sont à cette nourriture toute l’année. Plus l’herbe est aqueuse & chargée d’humidité, plus elle facilite l’évolution des vers ; les pâturages aquatiques en fournissent plus que les autres ; tous les végétaux verts ne sont néanmoins pas dans ce cas, il en est qui les expulsent au contraire, tels que les pampres ou feuilles de vigne. Les moutons que l’on sale y sont moins exposés que ceux auxquels on ne donne point de sel ; ceux qui pâturent sur les bords de la mer sont rarement affectés de douves. Les cochons que l’on élève dans les bois y sont plus sujets que ceux qu’on nourrit & engraisse dans les maisons ; sur-tout si on les tient proprement. Quelques poulains de lait ont péri par les vers dans le haras de Pompadour, &. des poulains de deux ou trois mois, sacrifiés aux travaux anatomiques, ont fait voir dans leurs entrailles une quantité assez considérable de vers de toute espèce ; ces animaux étoient tombés dans une espèce de consomption qui avoit sa source dans l’existence de ces insectes meurtriers, ce qui a déterminé les propriétaires à s’en défaire ; d’où l’on peut induire le nombre considérable de poulains que font périr tous les ans les maladies vermineuses dont on ne soupçonne pas l’existence : les animaux à la mamelle n’en sont donc pas plus exempts que les adultes ?

La nature est une espèce de cahos vivant, dans lequel une foule d’insectes dépose des œufs ; les uns sont dans l’air même que nous respirons, d’autres dans les boissons & sur les alimens dont nous faisons usage ; mais nous détruisons ceux-ci par l’action du feu, & les substances qui nourrissent les animaux, ne la subissent pas ; voilà sans doute pourquoi ils sont plus sujets aux vers que l’homme, ce que nous avons observé précédemment. La plus grande partie des plantes est couverte d’indectes, & nous avons vu que les années pluvieuses sont celles où elles en sont le plus souillées, il en résulte des épizooties qui ont infiniment d’analogie avec les maladies vermineuses, & cela arrive principalement dans les printems qui suivent les hivers doux, sur-tout dans les sujets d’une tissure molle & aqueuses, tandis que ceux d’un tempérament bilieux & irritable, éprouvent plutôt dans la même occurrence, des maladies charbonneuses, des fièvres ardentes, malignes, &c. ce qui prouve encore que l’évolution des vers exige toujours une syncrasie ou une disposition particulière dans les sucs ou les humeurs de l’animal.

SECTION VIII.

Expériences faites sur les Vers.

Avant que de passer aux expériences faites sur les vers, nous envisagerons les maladies vermineuses relativement à leurs traitement, sous trois aspects ; ces maladies sont en effet ou essentielles, ou symptomatiques, ou compliquées, les maladies essentiellement vermineuses, sont celles dans lesquelles la présence des vers constitue essentiellement la maladie ; ainsi les œstres renfermés dans les sinus frontaux des moutons, formeront une maladie essentiellement vermineuse ; les convulsions et les vertiges, auxquels les œstres donnent lieu, ne sont que des accidens ou des symptômes de la maladie ; ôtez ou détruisez les vers, ces accidens cesseront, et l’animal sera rétabli ; il en sera de même de ceux enfermés dans les pustules du roux-vieux, sous les cornes des bœufs, dans les sabots, la fourchette & autres ulcères extérieurs. Nous rangerons encore dans cette classe les crinons trouvés dans les gros intestins des chevaux, ces insectes ne prospèrent qu’autant qu’il se joint dans les sucs des humeurs des sujets, des vices qui en altèrent la texture, tels que le farcin & autres maux de ce genre ; alors les vers de toute espèce se développant, l’animal tombe dans la cachexie, & la maladie vermineuse devient absolument symptomatique. Les œstres renfermés dans l’estomac et dans les intestins, qui sortent par l’anus, sans autre symptôme maladif que ceux de leur existence, doivent être regardé comme constituant une maladie essentiellement vermineuse ; il en sera de même de toutes ces espèces de vers qui se montrent sur le bord de l’anus ou dans la fiente des animaux, lorsque ceux-ci paroîtront, abstraction faite de ces vers, jouir d’une bonne santé. Le ténia que rendent si souvent les chiens qui sont gras & bien portans d’ailleurs, formeront autant de maladies vermineuses essentielles.

Les maladies vermineuses symptomatiques sont celles qui se développent après une maladie quelconque, tel que le scorbut dans les chiens, & généralement toutes les cachexies dans les autres animaux. Dans tous ces cas, les anti-vermineux les plus actifs ne détruiroient qu’une partie de la maladie en expulsant les vers. Cette circonstance exige donc une méthode de traitement qui, combinée avec les anti-vermineux, rappelle les solides & les fluides à l’état d’intégrité qu’ils avoient primordialement. Par maladies vermineuses compliquées, nous entendons celles qui présentent à l’Artiste trois indications à remplir ; la première, celle des vers à détruire ; la seconde, celle des solides à rétablir & des humeurs à corriger ; & la troisième, la cicatrisation des ulcères que ces vers ont formés dans l’estomac ou les intestins.

Mais avant d’entrer dans le détail de ces différentes méthodes de traitement, il importe de s’assurer d’un anti-vermineux proprement dit ; l’insuffisance de ceux employés avant nous, & dont nous n’avons tenté que trop souvent inutilement l’usage, nous a déterminé à faire des expériences sur ces hôtes meurtriers. Nous avons cru plus prudent de commencer par les attaquer directement hors du corps de l’animal, que de traiter les animaux chez lesquels nous n’aurions pu que les soupçonner, et nous avons pensé qu’après avoir trouvé le spécifique capable de détruire ces insectes, il nous seroit possible d’assimiler ce médicament à la texture des viscères, de manière qu’en tuant les vers il ne pût porter aucune atteinte aux parties qui les recèleroient. Nous allons rendre compte sommairement de toutes les expériences que nous avons faites, elles démontreront d’une manière certaine ce que l’on doit penser de la plupart des remèdes que l’on a regardés comme anti-vermineux.

Première Expérience

Nous allons décrire l’état des chevaux dans le corps desquels nous avons soupçonné des vers, qui en avoient effectivement, & qui ont été sacrifiés pour avoir ces insectes vivans, afin de les exposer à la sortie du corps de ces animaux, à l’action de toutes sortes de substances, regardées jusqu’à présent comme de puissans anthelmintiques.

Les œstres qui restent fortement attachés à la partie de l’estomac qu’ils endommagent, ont été exposés à l’action de ces différentes substances, avec la partie du viscère à laquelle ils étoient attachés ; il en a été de même des ascarides, & quant aux ténia, aux strongles & aux crinons que l’on trouve toujours sans être adhérens, ils y ont été exposés à nu.

Le premier cheval qui a été tué étoit âgé de dix-huit ans, extrêmement maigre, quoique buvant & mangeant bien ; mais très-foible & hors d’état de servir ; l’intérieur de l’estomac de cet animal étoit couvert d’œstres ; ce viscère a été dépecé en plusieurs morceaux d’un pouce, à un pouce & demi en tout sens, & chacun de ces morceaux portoit cinq à six œstres ; ce même cheval avoit aussi beaucoup de strongles dans les intestins grêles ; ces insectes, ainsi que les précédens, étoient très-vivans & très-vigoureux.

Un autre cheval, âgé de neuf ans, étoit, à peu de chose près, dans le cas du précédent ; il avoit de plus la gale & un ulcère très-malin sur le quartier de dedans d’un des pieds de devant ; ce cheval contenoit beaucoup d’œstres dans son estomac, beaucoup de strongles & de crinons dans les intestins.

Un troisième cheval, âgé de six ans, extrêmement foible, ayant été sujet aux coliques, étoit dans le marasme & avoit une espèce de faim canine ; il avoit de plus un ulcère cacoëthe dans l’intérieur du pied, & qui étoit la suite d’un clou de rue qui avoit résisté à tous les efforts des maréchaux ; ce cheval étoit farci de vers, les œstres étoient contenus en grande quantité dans l’estomac, il y en avoit beaucoup de répandus sur la surface extérieure des entrailles, ce que nous n’avions pas encore vu ; il y avoit dans les intestins, avec une quantité incroyable de crinons & d’ascarides, plus de deux cents strongles, entrelacés & noués en forme de cordes.

Un quatrième cheval, affecté de la morve & dans le plus mauvais état, quoique très-jeune encore, a été tué & ouvert, nous avons trouvé dans son estomac un très-grand nombre d’œstres qui y avoient établi des ulcères très-profonds ; on a trouvé de plus des strongles & des crinons, & entre autres un ténia d’une vivacité & d’une mobilité surprenante ; son corps avoit dans sa contraction trois pouces de longueur sur un pouce & demi de large, & dans son expansion il avoit quinze à dix-huit pouces de long, sur six à sept lignes de large ; c’est ce même ver dont nous avons déja parlé, qui, se repliant sur lui-même, appliquoit avec tant de force ses suçoirs sur une partie de son corps, qu’on n’avoit pu lui faire lâcher prise, qu’en le plongeant dans l’eau tiède ; on a cru remarquer dans cet animal des symptômes d’une fureur marquée.

Seconde Expérience.

Tous les différens vers dont nom venons de parler, ont été submergés dans des bocaux séparés, par diverses substances tirées des trois règnes. Nous allons rendre compte de leurs différens effets.

L’eau commune nous ayant paru absolument indifférente à ces animaux dangereux, elle nous a servi de terme de comparaison pour pouvoir apprécier toutes ces substances, dont l’effet ne seroit pas plus marqué.

Règne végétal.

Les substances tirées de ce règne, qui jusqu’ici ont passé pour des anthelmintiques puissans, & qui cependant nous ont paru n’avoir pas plus de prise sur les vers que l’eau simple, sont les décoctions de tabago, de mélisse, de menthe, d’éclaire, de persil, de rue, d’anaglis ; les infusions des plantes amères & aromatiques les plus fortes, & les plus odorantes, telles que l’absinthe, la sauge, la lavande, la sabine, la tanésie, la fougère ; ils n’y sont morts que lorsque ces différentes substances, ainsi que les parties auxquelles les vers étoient attachés, étoient absolument pourries & décomposées.

Les autres substances du même règne qui nous ont paru avoir un effet plus marqué, sont :

L’huile de vicin ; les œstres n’y ont vécu que cinq jours.

Une forte dissolution d’alkali fixe ; les œstres y ont vécu le même temps.

L’essence de térébenthine ; ils y sont morts après quatre jours.

Le suc d’ail pur ou mêlé avec l’huile de noix, ou l’huile de noix seule, spécifique très-vanté par les maréchaux, contre les vers ; les œstres n’y sont morts qu’au bout de neuf jours.

L’aloës, dissous dans l’huile de noix, autre spécifique non moins exalté que le précédent ; les œstres y ont vécu huit jours.

Toutes ces substances n’ont produit sur les autres espèces de vers, qu’un effet proportionné à leur délicatesse & à leur débilité.

L’esprit-de-vin a tué les strongles au bout de quatre heures.

L’eau distillée de sariette, sur laquelle nageoit un peu d’huile essentielle de la plante, a fait périr, au bout de trois heures, les strongles, les crinons & les ténia ; les œstres y ont résisté plus long-temps.

Règne minéral.

Le vin émétique trouble, n’a tué les œstres qu’au bout de cinq jours, & les strongles qu’au bout de six heures.

Le baume de soufre térébenthiné, n’a fait mourir le œstres qu’après sept jours, & les strongles, ténia, &c. qu’après vingt-quatre heures.

Règne animal.

L’un des plus puissans anthelmintiques de ce genre, que l’on ait vanté jusqu’ici, c’est la caroline de Corse ; une forte décoction de cette substance, n’a tué les œstres qu’au bout de huit jours ; les strongles n’y ont résisté que cinq heures.

Le castoreum a eu un effet à-peu près semblable.

Dans l’alkali volatil fluor, les œstres se sont soutenus pendant vingt-huit heures.

Enfin, parmi les substances de ce genre, aucune ne nous a paru avoir des effets aussi prompts & aussi sûrs que l’huile empyreumatique ; les œstres n’y ont pu vivre que trois heures, les crinons y ont péri aussi-tôt après l’immersion ; les strongles, les ascarides & les ténia, n’ont pu soutenir pendant plus de trois, quatre, cinq ou six minutes au plus ; le ténia vigoureux, dont nous avons parlé, n’y a pas vécu davantage.

Une partie des vers soumis à l’effet des substances précédentes, sans en en être incommodés, ont péri aussitôt après leur immersion dans l’huile empyreumatique.

Nous observerons que la grande quantité d’expérience, que nous avons faites pour nous affluer de l’efficacité de cet anthelmintique, nous ayant forcé d’en préparer plusieurs fois, nous avons remarque que celle qui étoit préparée nouvellement, agissoit avec moins d’activité que celle qui étoit employée plusieurs mois après.

Ces expériences prouvent, d’une manière incontestable, la vertu anthelmintique de l’huile empyreumatique ; mais il falloit en éprouver les effets sur les animaux vivans.

Expérience sur les vers dans les animaux vivans.
Troisième expérience.

1°. Un cheval destiné à être sacrifié, âgé de huit ans, taille de quatre pieds dix pouces, étoit maigre & très-foible quoiqu’il bût & mangeât bien.

Le matin à jeun, n’ayant point eu à souper la veille, on lui a donné deux onces d’huile empyreumatique ; ce remède ne l’a point fatigué, les pulsations de la temporale, au nombre de cinquante-trois, sont augmentées seulement de deux par minute.

La dose de ce remède a été réitérée le lendemain avec précaution ; on a observé même augmentation dans les pulsations ; le surlendemain on a réitéré encore la dose, le cheval a paru moins foible & plus gai.

On l’a tué le lendemain au soir ; on n’a trouvé aucun ver dans l’estomac ; mais on a vu clairement les traces des œstres par la quantité des petits ulcères sur les tuniques aponévrotriques & Veloutées ; cinq ascarides ont été trouvés dans le cæcum, ces insectes paroissoient malades & très-affoiblis ; les entrailles, le sang & les viscères exhaloient une odeur forte d’huile empyreumatique.

2°. Un autre cheval, âgé de six ans, taille de quatre pieds sept pouces, affecté de la morve, maigre & exténué, a été soumis à la même expérience, avec cette différence que l’huile animale étoit récente ; il a été tué à la même époque, on a trouvé sept œstres très-vivans, attachés à la face interne de l’estomac ; mais le nombre & la grandeur des ulcères observés çà & là hors du petit espace qu’occupoient les insectes, prouvent qu’ils étoient plus nombreux avant l’administration de ce remède, & nous avons estimé que cet animal devoit en avoir une quantité prodigieuse ; on a trouvé de plus quelques crinons & quelques ascarides.

3°. Un cheval de onze ans, taille de cinq pieds un pouce, très-maigre, galleux & boiteux tout bas d’une nerf-ferrure très-considérable, a été mis à l’usage de l’huile empyreumatique à la dose de trois onces, régulièrement tous les matins pendant cinq jours ; il a été tué cinq jours après la dernière prise du remede.

Nuls vers n’ont été trouvés dans les entrailles, mais les tuniques intérieures de l’estomac étoient couvertes d’ulcères formés par les œstres ; ces ulcères étoient de différentes grandeurs ; l’un avoit deux pouces & demi de longueur, sur un pouce & quelques lignes de largeur ; l’intérieur en étoit beau, les bords minces & blanchâtres ; on jugeait aisément qu’il tendoit à se cicatriser ; & plusieurs, notamment les plus petits, étoient sur le point de l’être complettement.

4°. Un cheval propre au carrosse, échappé de Hollandois, de la grande taille, âgé de sept ans, avoit un engorgement farcineux très-considérable dans l’une des extrémités postérieures.

On a fait usage de ce remède à même dose pendant l’espace de quatre jours ; il a été tué six jours après, & l’on a trouvé un seul œstre foiblement attaché à la tunique veloutée, dans le lieu répondant à la petite courbure, c’est-à-dire à la partie la plus élevée du ventricule, & par conséquent dans le lieu ou il ne pouvoit être touché par le remède ; cet insecte avoit au surplus l’anus très-noir, il paroissoit foible & très-malade. La grande courbure du ventricule du cheval étoit comme criblée par les ulcères que les œstres avoient formés.

5°. Un autre cheval de la même espèce, de la même taille & du même âge, mais affecté d’un crapaud, a fait usage du même remède pendant sept jours ; il a été tué sept jours après la dernière dose, il n’avoit point de vers, mais dans l’estomac quantité d’ulcères formés par les œstres ; ces ulcères tendoient à se cicatriser.

D’après toutes ces expériences, qui prouvent d’une manière incontestable l’efficacité de cette huile pour détruire les vers, nous l’avons donnée dans tous les cas où son emploi nous paroissoit indiqué.

Quatrième expérience.

Une jument morveuse, âgée de six ans, échappée Anglois, ayant des œstres attachés au bord de l’anus, a pris tous les matins, pendant six jours, deux onces de cette huile ; elle a rendu une quantité prodigieuse d’œstres les trois derniers jours du traitement, & depuis elle a cessé d’en rendre.

Cinquième expérience.

Un cheval, âgé de dix ans, de la grande taille, extrêmement maigre, ayant toujours été tel, quoique grand mangeur, a été traité de même que le précédent ; il a rendu beaucoup d’œstres morts, son appétit s’est soutenu, mais il a repris de l’embonpoint.

Sixième expérience.

Un autre cheval, âgé de sept ans, taille de quatre pieds neuf pouces, propre à la selle, échappé Normand, étoit sujet aux ascarides, on les voyoit dans la fiente ; on lui donna pendant quatre jours l’huile empyreumatique, à la dose d’une once & demie ; dès le lendemain il rendit une quantité considérable de ces vers, & il continua d’en rendre ainsi pendant sept jours, au bout duquel temps l’animal parut mieux portant & se rétablit promptement.

Septième expérience.

Une chienne braque, de la petite espèce, âgée de neuf ans, affectée d’une galle rebelle, ayant de plus rendu de temps à autre des portions de ténia, a été mise à l’usage de l’huile empyreumatique ; on la lui a donnée à la dose d’un demi-gros, elle a eu peu de temps après quelques convulsions ; trois heures après la prise du remède, on lui a administré un lavement d’eau miellée ; cinq minutes après elle a rendu dix ténia de diverses grandeurs, tous vivans & pleins de vivacité.

Le surlendemain, même chose lui a été administrée, les convulsions ont été moins fortes, & l’effet du lavement a été suivi de la sortie d’un ténia de deux pieds & quelques pouces, & d’une quantité assez considérable de débris d’autres ténia, dont une partie étoit dissoute, & l’autre partie pourrie.

Huitième expérience.

Un mouton, affecté de la pourriture, a eu pendant huit jours, tous les matins, un demi-gros d’huile empyreumatique ; les premières doses de ce remède l’ont fatigué, il s’y est habitué ensuite.

Cet animal a peu survécu à l’usage de ce remède, & sa mort paroît due à sa foiblesse primitive, à la maigreur & à la débilité que causoit la maladie dont il souffroit depuis longtemps.

Le foie étoit dans le plus mauvais état ; les vaisseaux biliaires très-racornis, ce qui prouvoit qu’il avoit été très-mal traité par les douves qui devoient y être en très-grand nombre, ainsi qu’il arrive dans ces sortes de cas ; on en a cependant trouvé neuf en parties dissoutes, cinq vivantes, dont quatre très-foibles qui donnoient à peine signe de vie.

Neuvième Expérience.

Un autre mouton, dans le cas du précédent, a reçu le même remède ; mais comme il se rétablissoit & se fortifioit à vue d’œil, on l’a conservé, & il vit encore jouissant de la meilleure santé, ce qu’il n’avoit pas fait avant le traitement.

On peut conclure des expériences précédentes, que de toutes les substances, à l’activité desquelles nous avons exposé les vers qui vivent dans les animaux, l’huile empyreumatique est celle qui agit sur eux d’une manière plus sûre, plus marquée, & qu’elle les tue en fort peu de temps, soit parce qu’avalée facilement par ces insectes, elle est un poison réel pour eux, soit parce que l’odeur extrêmement fétide qu’elle répand, suffoque leurs organes & les tue par l’excès des troubles qu’elle y cause, soit qu’elle les oblige de s’éloigner de leur demeure ordinaire, & les chasse jusqu’à l’anus. Que dans les grands animaux, elle peut être donnée à très-forte dose, sans paroître déranger l’économie animale. Que les convulsions qu’a eu la chienne qui fournit la septième expérience ne doivent point en interdire l’usage, puisque l’effet en a été aussi marqué, & que d’ailleurs on peut avec autant de raison l’attribuer au ver lui-même, qu’à cette huile brûlée qui a peu d’âcreté : nous nous en sommes assurés en la goûtant, elle n’a de marquée que sa puanteur extrême qui est infiniment pénétrante. Que ce remède enfin doit obtenir la préférence sur tous ceux connus & vantés jusqu’à présent, puisqu’il est d’une certitude dans son effet, dont l’action de la fougère, du vicin & de la coraline n’approchent point dans l’usage qu’on en fait dans l’homme.

Le résultat des tentatives faites par les substances, dites communément enthelmintiques, est que le plus grand nombre demeure sans effets sur les vers ; que quelques-unes de celles qui paroissent leur être funestes, doivent être données pendant long-temps à très-grande dose, & pour peu que le ver en soit à l’abri, il en élude l’activité ; que celles qui ont paru sans action sur eux, & qui cependant en ont fait rendre, & qui ont fait calmer les symptômes qu’ils causent, n’ont agi que par rapport aux changemens qu’elles ont opéré dans les sucs des premières voies, & par le jeu différent qu’elles ont excité dans ces organes ; les huiles, par exemple, ont pu détruire les spasmes que leur présence causoit, & donner aux intestins, par l’enduit qu’elles y formoient, le moyen de les chasser avec les autres liqueurs : les amers ont donné aux sucs gastriques une pureté & une activité qui a diminué les mauvais effets de ces ennemis ; aux entrailles une action qui a pu surmonter celles qu’ils pouvoient produire : quant aux purgatifs mis en usage, & par leurs effets & par leur nature, ils doivent fatiguer ces insectes & les entraîner souvent.

Les succès constans de l’huile empyreumatique, la facilité de la faire prendre aux animaux, peu inquiets sur le dégoût qu’ils en éprouvent momentanément, puisque leur appétit n’en diminue même pas, & qu’elle ne produit du reste aucun effet nuisible lorsqu’elle est donnée à dose convenable, sont des motifs assez puissans pour nous engager à préférer ce remède à toutes les préparations employées jusqu’à présent ; nous croyons, par conséquent, inutile de détailler toutes les méthodes qui ont précédé celles-ci, & nous nous bornons à faire quelques remarques sur l’usage de l’huile empyreumatique, pour mettre en règle de pratique ce qui est dit dans les observations rapportées.

SECTION IX.

Traitement des maladies essentiellement vermineuses.

Si vous soupçonnez des vers dans un cheval, de quelque espèce qu’il soit, mettez-le à la diète pour laisser vider son estomac & ses intestins, & faciliter l’action du remède ; abreuvez-le souvent, donnez-lui peu de foin & d’avoine, point de son. Donnez quelques lavemens d’eau chaude & faites prendre deux ou trois heures après ce régime, l’huile empyreumatique, à la dose de quatre gros pour un bidet, d’une once pour un cheval de moyenne taille, & d’une once & demie à deux onces pour le cheval de la plus forte espèce ; donnez ce médicament le matin, l’animal étant à jeun, & n’ayant pas eu à souper la veille. Vous étendrez cette huile dans une corne d’infusion de sariette (à son défaut on peut se servir de thym, d’hysope, de serpolet, ou d’autres plantes aromatiques,) & agiterez fortement ces deux liqueurs pour que le mélange soit exact ; vous ferez prendre deux ou trois cornées de cette infusion par-dessus pour rincer la bouche de cet animal ; vous le laisserez sans manger une espace de quatre à cinq heures, & ne lui donnerez sa ration d’avoine, ou de foin ou de paille, qu’après qu’il aura rendu le lavement d’eau miellée que vous lui aurez administré trois heures après l’huile empyreumatique ; si ce lavement restoit sans effet, administrez-en un second, & même un troisième.

Répétez ce traitement avec les mêmes précautions neuf à dix jours de suite, remettez alors les animaux à la nourriture & au travail ordinaire, car il est bon de les laisser reposer pendant ce traitement ; si néanmoins vous ne pouvez vous dispenser de les faire travailler, employez-les ; mais observez une diète moins sévère, & continuez plus longtemps l’usage du remède.

Il est des chevaux qui se refusent à l’administration de tous breuvages quelconques : ils se gendarment, se fatiguent & se tourmentent plus ou moins cruellement ; la contrainte, en pareil cas, pour leur faire prendre le liquide, est presque toujours suivie de danger ; le breuvage passe dans la trachée-artère, les fait tousser & les suffoque. Il faut, à l’égard de ces animaux, leur incorporer l’huile empyreumatique avec des poudres de plantes amères, & leur faire prendre sous forme d’opiat par le moyen d’une spatule de bois : nous l’avons donnée ainsi avec succès à des chevaux de ce caractère, étant amalgamée avec la poudre d’aulnée.

Observez le même soin pour le mulet & l’âne ; la dose pour celui-ci sera de trois gros pour ceux de la forte espèce, de deux pour ceux de la moyenne, & d’un gros pour les petits ; celle des mulets est la même que pour les chevaux.

Quant aux poulains à la mamelle, on ne leur en donnera qu’un demi-gros, même cinquante à soixante gouttes, étendu toujours dans une corne d’infusion de sariette ; on leur continuera jusqu’à ce qu’ils ne rendent plus de vers, & qu’ils aient donné des signes de rétablissement ; il sera bon encore d’en faire prendre aux mères, pourvu toutefois que cette huile n’altère pas le goût du lait, ce qui pourroit dégoûter le petit, aussi fera-t-on bien de commencer par traiter le jeune sujet, & de ne l’administrer à la mère que lorsque sa production sera rétablie. Le jeune animal peut plus aisément alors supporter la diète qui ne peut être longue, le goût naturel du lait pouvant être rétabli le troisième jour après l’administration du remède. La dose pour les poulains de trois ans sera de trois gros, on pourra même leur en donner quatre à cinq gros, s’ils sont de la forte espèce ; cette huile leur sera administrée le matin trois ou quatre heures avant de les mettre dans les pâturages.

Nous observerons au surplus qu’on ne doit pas révoquer en doute l’efficacité du remède dans le cas où il ne seroit sorti aucun ver du corps des animaux ; nous nous sommes assurés, par des expériences réitérées, que les vers qu’il tuoit, étoient très-souvent digérés ; on ne doit juger de l’effet de cet anthelmintique que par le rétablissement de l’animal, & non par la cessation de leur émission par l’anus.

Les veaux seront traités de la même manière, & auront même dose.

Les cochons auront une dose un peu plus forte, à moins qu’ils ne soient très-jeunes.

Les bœufs & les vaches peuvent avoir des doses plus fortes que les chevaux ; on leur en donnera quelques gros de plus dans les proportions que nous avons indiquées pour ces premiers animaux.

La dose de cette huile, pour les moutons, est d’un demi-gros pour les forts, & de cinquante à cinquante-cinq gouttes pour les autres ; il est bon aussi de l’étendre dans l’infusion de sariette.

Les chiens étant en général très-irritables, sont de tous les animaux ceux qui exigent le plus de précautions dans l’emploi de ce remède. Leur taille variant à l’infini suivant leurs différentes espèces, on sent que la dose doit varier de même ; on peut la donner depuis un gros jusqu’à deux grains, toujours dans l’infusion de sariette ; au surplus, il vaut mieux avoir à augmenter la dose que de la donner trop sorte ; moins elle le sera, plus il faudra continuer long-temps, en l’augmentant peu-à-peu suivant la lenteur de ses effets.

Une autre attention à avoir est le tempérament des animaux ; plus ils sont fins, vifs, irritables, plus les doses doivent être ménagées & éloignées les unes des autres, suivant que l’effet du remède sera tumultueux ; précautions qui sont sur-tout essentielles dans les chevaux, poulains, pouliches, & dans les chiens ; toutes les fois que ce remède sera suivi de mouvemens désordonnés & de convulsions, il importe d’en diminuer la dose & de l’éloigner.

Quant aux œstres renfermés dans les sinus frontaux des moutons, ils éprouvent peu d’effet de la part de l’huile empyreumatique donnée intérieurement, il faut nécessairement les attaquer dans leur logement pour les détruire. S’ils ne sont que dans les sinus, & que la tuméfaction de la membrane pituitaire soit peu forte, les injections d’huile empyreumatique par les naseaux pourroient les forcer de quitter leur demeure & de sortir par les cavités nasales ou par la bouche ; mais il est à craindre, ainsi qu’il est arrivé, que ces insectes n’enfilent la trachée-artère & ne tombent dans les poumons ; ces insectes alors occasionnent la toux, la suffocation, l’anxiété & autres accidens très-alarmans. Lorsqu’ils sont logés dans l’épaisseur de la membrane pituitaire, ou entre cette membrane & les tables osseuses du sinus, ils sont inaccessibles à l’huile empyreumatique, lancée par les fosses nasales, & l’on voit que pour les atteindre dans ces deux cas, le parti le plus sûr est de trépaner l’os frontal, & cette opération doit être encore admise dans le premier cas énoncé ; par elle, ces insectes sont extraite sans danger, & les poumons sont à l’abri d’en recevoir aucune atteinte.

Pour pratiquer cette opération, 1°. il faut avoir une connoissance exacte de l’ostéologie du mouton, pour s’assurer de la portion des sinus qu’on doit trépaner. 2°. L’opération faite, on extrait les vers qui s’y trouvent avec une pince fine & déliée, ou au petit crochet. 3°. On injecte ensuite, avec une seringue, de l’huile empyreumatique, étendue sur deux parties d’infusion de sariette. 4°. On réitère ces injections le lendemain, & en panse ensuite la partie suivant l’état dans lequel se trouve la membrane pituitaire, comme il sera détaillé à la section des maladies vernineuses compliquées. 5°. Après chaque injection d’huile empyreumatique, on doit boucher la plaie & l’ouverture avec un bourdonnet à tête, fait de plusieurs brins d’étoupes ; on rabat ensuite les lambeaux de la peau sur la tête du bourdonnet, & on couvre le tout d’un emplâtre fait d’un morceau de toile, que l’on trempe dans la poix noire fondue, après quoi on l’applique sur la plaie des tégumens ; la poix en se refroidissant y colle la toile.

Lorsque les maladies épizootiques sont essentiellement vermineuses, on doit parfumer les bergeries, les étables & les chenils, après les avoir bien nettoyés, avec de la corne à bœuf ou celle des pieds des chevaux, ou autres animaux, que l’on fait brûler sur des charbons ardens ; pendant cette opération on tient les portes & les fenêtres fermées, les animaux étant dans les étables ; il importe encore de diriger ces parfums sous le ventre & les naseaux de l’animal ; & lorsque les vers sont très-abondans, dans la poitrine surtout, on frictionne le borax avec l’huile empyreumatique, afin de seconder l’effet de celle administrée intérieurement.

Section X.

Traitement des maladies vermineuses symptomatiques.

Les maladies vermineuses symptomatiques varient à l’infini ; toutes celles auxquelles les animaux sont exposés, pouvant être compliquées de vers, néanmoins nous pouvons les réduire à deux espèces principales, relativement à l’objet que nous avons en vue, qui n’est que de détruire les vers qui les compliquent & les aggravent : ces maladies sont en général ou inflammatoires, telles que les fièvres ardentes, malignes, pestilentielles, charbonneuses, &c. ; ou cachectiques, telles que la pourriture, le clou, l’ictère, le scorbut, &c. Les premiers exigent que l’administration des antivermineux soit précédée de l’usage des substances antiphlogistiques calmantes, &c. qu’elles demandent d’abord ; & l’huile empyreumatique ne doit être administrée, qu’autant qu’une grande partie des symptômes foudroyans qui les accompagnent seront calmés ; il est encore prudent de ne donner ce remède qu’à petites doses, & étendu dans des véhicules qui conviennent à la maladie essentielle ; mais si elle est de nature à admettre l’emploi des alexipharmaques, ou que la circonstance, le moment ou le temps les indiquent, on peut en toute sûreté associer l’huile empyreumatique à ces médicamens ; elle remplira la double indication d’en aider l’effet & de tuer les vers, soir que les alexitères indiqués soient acides, alkalins ou neutres.

Il n’en est pas de même des maladies de la seconde espèce ; nulle inflammation n’étant à craindre, le remède peut être administré dès leur principe ou dès qu’on le jugera à propos ; il importe même de le donner le plutôt possible, parce que les hôtes meurtriers que les malades renferment dans leurs entrailles, ne sauroient être trop promptement détruits. L’anti-vermineux ayant produit l’effet désiré, on viendra à l’usage des médicamens que ces maladies requièrent, & la cure en sera infiniment plus prompte & plus assurée. Nous ne nous étendrons pas davantage sur ces sortes de maux ; leur histoire, abstraction faite de la présence des vers, nous mèneroit trop loin, & elle ne peut être traitée que dans des ouvrages séparés, où nous renvoyons, pour éviter des répétitions aussi inutiles que fastidieuses.

Section XI.

Traitement des maladies vermineuses compliquées.

Les maladies essentiellement vermineuses, ainsi que les maladies vermineuses symptomatiques, peuvent être, comme nous l’avons insinué, compliquées d’ulcères dans l’épaisseur des membranes de l’estomac des intestins, des canaux biliaires, de l’intérieur des bronches, & de la membrane pituitaire ; ces ulcérations & tuméfactions persistant après la destruction de ces insectes qui les ont établies, il importe d’en faciliter la curation en les détergeant & cicatrisant ; on a vu, par les observations troisième & cinquième de la troisième expérience, que l’huile empyreumatique étoit un impuissant moyen pour produire ces effets ; mais comme la consolidation entière & parfaite de ces ulcères exigeroit un usage infiniment plus continué de cette huile que la destruction des vers ne le demande, & que ce remède pourroit enflammer par des doses trop multipliées, il nous a paru plus essentiel de l’interdire, & de lui substituer des médicamens plus innocens & plus analogues à la maladie que l’on se propose de détruire, & qui est alors indépendante des vers, puisqu’ils ne sont plus, & de tout autre vice que l’on suppose avoir été détruit.

On reconnoît la présence de ces ulcères par la quantité considérable de vers que ces animaux ont rendus ou que l’on a trouvés dans les cadavres lors des maladies épizootiques, ou par la difficulté avec laquelle l’animal se rétablit, par le défaut d’appétit, de gaieté & de forces ; je les ai souvent reconnus dans les grands animaux, en introduisant la main & le bras dans le rectum, à la face interne duquel je distinguois fort aisément ces ulcères par le tact.

Les érosions des canaux biliaires, & même les tuméfactions du foie dans les ruminans qui ont eu beaucoup de douves, se soupçonnent par les mêmes symptômes, la maigreur, l’adhérence de la peau aux os ou aux chairs, l’excrétion des matières peu liées & très-fétides, une petite fièvre, des urines légèrement purulentes, &c.

À l’égard des ulcérations de l’intérieur des canaux aériens, on doit être assuré qu’elles existent lorsque les vers ayant été détruits, il reste une petite toux, un léger flux par les naseaux, & que l’animal reste triste, foible & dégoûté.

Quant aux tuméfactions & ulcérations que les œstres forment dans la membrane pituitaire des moutons, ces parties étant exposées aux yeux de l’artiste dès qu’il aura ouvert le frontal par le trépan, elles ne laissent aucune perplexité sur leur présence : ces parties se montrent souvent encore très-enflammées & fréquemment d’un rouge noir, & même quelquefois entièrement noires.

Les ulcères de l’estomac se guérissent avec un peu de térébenthine fine (la dose pour le cheval est de quatre gros, pour ceux de la forte espèce ; pour le bœuf, le mulet, idem ; pour le mouton un demi-gros ; même dose pour les gros chiens), que l’on fait dissoudre dans un jaune d’œuf, & que l’on étend ensuite dans une décoction d’orge, ou d’aigremoine, ou de pervenche, ou de ronce ; on continue ce remède, que l’on donne tous les matins à l’animal étant à jeun, pendant dix à douze jours. On donne ce même médicament en lavemens pour ceux qui ont des érosions ou des ulcères dans le rectum. Cette même térébenthine, ainsi dissoute dans le jaune d’œuf, doit être étendue dans une forte décoction de carottes ou de panais, ou de saponaire, & donnée en breuvage tous les matins à ceux chez lesquels on se propose de fondre les engorgemens du foie, de déterger & de consolider les ulcères des canaux biliaires.

À l’égard de ceux où l’on a à combattre les ulcères dans l’intérieur des bronches pulmonaires, on doit étendre la térébenthine dissoute, ainsi que nous l’avons dit, dans le jaune d’œuf, dans l’infusion de lierre-terrestre de d’orvale des prés, ou de pulmonaire & de mille-feuilles.

En ce qui concerne les tuméfactions & ulcérations de la membrane pituitaire, des injections d’eau d’orge miellée suffiront pour en triompher ; si elle est très-enflammée, on y ajoutera quelques gouttes de vinaigre ; & si elle réfléchit la couleur noire que nous lui avons remarquée, les injections seront composées d’infusions de quinquina, aiguisées d’un peu d’eau-de-vie camphrée.

Section XII.

Préparation de l’huile empyreumatique.

Tous les corps oléagineux, soumis à l’action du feu dans des vaisseaux clos, peuvent fournir de l’huile empyreumatique ; celle dont nous avons fait usagé a été tirée des animaux, & préparée ainsi.

Prenez ongle de pied de cheval, ou corne de cerf ou de bœuf, &c. la quantité qu’il vous plaira ; coupez-la par petits morceaux, que vous mettrez dans une cornue de grès ou de fer ; remplissez-la aux trois quarts ; lutez une alonge & un grand ballon perforé ; distillez à feu nu dans un fourneau de réverbère : il passera 1°. du flegme ; 2°. un peu d’alkali volatil ; 3°. l’huile empyreumatique, qui se montre jaune & sous forme de stries ; continuez le feu jusqu’à ce qu’il ne sorte plus rien ; délutez, ramassez l’huile noire & fétide qui occupe le fond du ballon, vous aurez l’huile dont il s’agit.

Prenez une livre de cette huile ; mêlez-la avec trois livres d’essence de térébenthine ; mettez dans une cucurbite de verre ; couvrez-la d’un chapiteau ; adaptez une alonge & un grand ballon perforé ; laissez le mélange en digestion pendant quatre jours ; distillez au bain de sable ; chauffez peu ; augmentez le feu par gradation, afin d’éviter le gonflement des matières & la rupture des vaisseaux ; laissez aller la distillation tant qu’elle fournira : elle s’arrête ordinairement aux trois quarts ; délutez, versez ce qui est contenu dans le ballon, dans des bocaux à bouchon de crystal, & conservez pour l’usage ; l’huile alors est jaunâtre, très-légère ; elle l’est même plus que l’essence de térébenthine ; elle nage sur l’eau, elle se colore par la suite ; & plus elle est ancienne, plus elle a d’efficacité. Telle est l’huile empyreumatique dont nous avons fait usage ; cette rectification ne lui enlève pas son odeur, elle la rend au contraire plus pénétrante, infiniment plus légère & moins âcre.

Cette huile agit au surplus sur les œstres renfermés dans des bocaux, plus efficacement que l’huile empyreumatique non rectifiée ; mais celle-ci ayant été donnée pure à un cheval qui avoit beaucoup de ces insectes dans l’estomac, a eu la même efficacité ; l’animal a été seulement un peu dégoûté.

Nous supposons que ceux qui voudront préparer cette huile, sont versés dans le manuel de la distillation. M. BRA.