Cours d’agriculture (Rozier)/VERRUES

Libairie d’éducation et des sciences et des arts (Tome dixièmep. 70-71).


VERRUES. (Médecine rurale). Petites tumeurs ou excroissances qui viennent sur plusieurs parties du corps, mais plus particulièrement sur les joues et les mains.

Elles sont pour l’ordinaire dures, squirreuses, sans chaleur, rougeur ni douleur. Les unes sont courtes et larges ; les autres sont longues et menues. Il y en a qui n’excèdent pas la grosseur d’un pois ou d’une lentille ; il en est d’autres qui surpassent la grosseur d’une noisette Quand on examine les verrues de près, elles paroissent se partager comme l’observe M. Astruc, par le bout en plusieurs filets parallèles qui représentent un pinceau. Mais quelquefois aussi le bout en est arrondi et lisse.

Il est bien prouvé par l’ouverture des cadavres qu’il se forme des verrues intérieurement dans les viscères.

François Paulini dans les éphémérides des curieux de la nature rapporte l’exemple de deux verrues très-adhérentes et grosses comme des noisettes trouvées dans l’estomac d’un soldat qui mourut de la suite d’une hémoptysie. Salmutius a découvert une infinité de verrues dans le cadavre d’une fille morte de cachexie.

Les verrues sont toujours formées par l’allongement et l’accroissement des houppes nerveuses de la peau. Cet allongement et cet accroissement ne peuvent avoir lieu que lorsqu’elles reçoivent beaucoup plus de nourriture, ce qui arrive toujours lorsqu’elles sont comprimées à leur base, par quelque obstruction dans les glandes miliaires qui sont auprès, ou dans la membrane réticulaire qui les entoure, parce que cette compression retient dans les houpes la lymphe nourricière qui doit en revenir.

Les verrues sont pour d’ordinaires peu incommodes et n’entraînent jamais aucun danger, à moins qu’elles ne dégénèrent en cancer.

Pour les guérir radicalement, il faut les extirper : et pour cet effet, l’art de guérir nous offre plusieurs moyens. On y parvient en les liant, en les brûlant, en les coupant et en les desséchant ou déracinant.

1°. On les lie avec un crin ou un fil de soie ciré : ce moyen est exempt de danger, mais il est long et douloureux, et ne peut convenir qu’aux verrues longues et grêles ; il a encore un autre inconvénient qui est de ne point enlever les racines de verrues, et de les voir reparoître bientôt après.

2°. On les brûle en les perçant avec une aiguille dont l’extrémité est rougie au feu, ou bien en faisant un trou à une coque de noix où l’on fait entrer la verrue, et où l’on brûle ensuite du souffre.

Cette méthode a beaucoup d’efficacité ; mais aussi elle peut exciter une inflammation dans le voisinage, sur-tout si les verrues sont situées sur quelque partie tendineuse ou aponévrotique. Immédiatement après avoir pratiqué cette méthode, il faut appliquer sur la brûlure de l’onguent basilicon.

3°. Les ciseaux et le bistouri sont les deux instrumens dont on se sert pour couper les verrues ; mais il ne faut pas négliger de scarifier les racines, pour ne pas les voir repousser derechef.

4°. Enfin, on la desséchera en mettant en usage les corrosifs. Cette dernière méthode est préférable à toutes les autres. Il ne manque pas de végétaux, dont les sucs sont très-appropriés à les détruire radicalement. Il n’est pas d’homme, pour si peu qu’il soit accoutumé à vivre à la campagne, qui ne sache que le suc des feuilles de soucy, le lait de figuier sauvage, celui de tithymale, le suc de la chélidoine dont on imbibe la verrue plusieurs fois dans le jour, les feuilles de scrophulaire, du saule, de sabine et de pourpier pilées, réduites en pâte, et appliquées à plusieurs reprises sur les verrues, ont cette vertu.

Le sel fondu dans le vinaigre, ou dans le suc de raifort, la dissolution du sel ammoniac dans l’eau commune, ou bien ce même sel mêlé et pétri avec un peu de galbanum, appliqués sur la verrue, la dessèche et la fait tomber d’elle-même.

Quand tous ces remèdes corrosifs, pris dans la classe des végétaux, ne produisent pas les bons effets qu’on est en droit d’attendre de leur application constante et très-souvent répétée, il faut alors les toucher souvent, mais avec précaution, avec les escarotiques les plus forts, tels que la pierre à cautère, l’acide vitriolique, l’huile de tartre par défaillance, l’esprit de nitre. On peut mettre en usage tous ces moyens sans faire précéder aucune préparation intérieure, à moins que les verrues ne fussent occasionnées par un vice dans le sang et dans la lymphe. M. AMI.