Cours d’agriculture (Rozier)/VERMOULURE

Libairie d’éducation et des sciences et des arts (Tome dixièmep. 54-56).


VERMOULURE. Le bois vermoulu est piqué par de fausses chenilles ou par des vers, dont les espèces sont aussi multipliées que peu connues. Vermoulure signifie la trace qu’ils font dans le bois, ou la poussière qu’ils en détachent et qu’ils laissent après eux. Réaumur et Duhamel en ont observé qui sont du volume des plus grosses chenilles. Ils se pratiquent une entrée à travers l’écorce et la partie ligneuse des arbres même les plus durs, tels que le chêne, le pommier, le poirier, et n’en sortent qu’au moment où la nature leur commande de se métamorphoser, soit en phalènes, soit en mouches. On rencontre des arbres tellement criblés par ces insectes, qu’un fort coup de vent suffit pour les rompre. Lorsqu’on apperçoit de petits trous, dit Duhamel, à l’écorce des arbres, il faut faire la recherche de l’insecte avec une aiguille à tricoter ; et quand on remarque que les vers ou fausses chenilles se sont multipliés au point d’y faire plusieurs loges ou galeries, il est nécessaire de leur faire la guerre avec la pointe de la serpette, observant toutefois de ménager l’écorce le plus qu’il est possible. Ces moyens, il en faut convenir, sont bien foibles, et presqu’autant auroit-il valu les passer sous silence. Cependant s’ils ne peuvent être d’un grand secours en général dans une administration rurale, ils peuvent réussir pour la conservation de quelques individus particulièrement affectionnés, soit à raison de leur beauté, soit à cause de la rareté ou de la bonté de leur bois ou de leurs fruits.

Le bois mis en œuvre, n’est point à l’abri de la vermoulure. Les planchers, les parquets, les boiseries, les solives, les les poutres, les timons et les brancards faits de bois de chêne, de noyer, de hêtre, d’orme et de frêne sont très-sujets à la piqûre du ver tarière. Le châtaignier est d’autant plus précieux pour être employé dans les charpentes, qu’il en est exempt. Les seuls moyens connus de garantir les premiers de la vermoulure ou plutôt d’en retarder les progrès sont, pour les ouvrages de menuiserie et de charronnage, d’exposer à la fumée les bois tout préparés, et quand ils sont mis en œuvre de leur appliquer ou quelques couches de peinture à l’huile, ou un vernis ou un enduit d’essence de térébenthine. Cette attention de peindre à l’huile non-seulement les bois employés aux meubles, aux ornemens, aux commodités de l’intérieur des maisons, est d’un grand secours pour les maintenir sains pendant long-tems, mais elle est d’un avantage inappréciable pour l’économe jaloux de la conservation de ses instrumens aratoires. Le bon cultivateur anglais fait peindre ses charriots, charrettes et voitures de toutes espèces, ses brouettes, les fûts des herses et les charrues elles-mêmes. Après une telle précaution, tous ces ustensiles bravent les effets de la chaleur, de l’humidité, et toutes les intempéries de l’air ; par elle on économise cette foule de bâtimens, de hangards que nous avons cru jusqu’à présent indispensables, et d’où à résulte que, parmi nous, une ferme de cent cinquante arpens ressemble plutôt à un village qu’à un seul établissement rural ; que les intérêts des capitaux employés, soit à la construction, soit aux réparations, absorbent, tout bien calculé, le revenu du domaine. Il est de fait que nous avons vu nombre de métairies d’un rapport annuel, par exemple de quinze cents livres, dont les bâtimens avoient coûté plus de trente mille livres à élever. Cependant les fermiers n’y étoient pas toujours commodément logés, les moutons étouffoient souvent dans les bergeries faute d’air et d’espace, et les vaches les plus gourmandes s’appropriaient les repas de leurs voisines, parce que la grandeur des étables ne permettait pas de les éloigner assez les unes des autres. Pour économiser sur le nombre des bâtimens, prenons donc le parti de n’avoir pas besoin de logemens pour conserver nos voitures de transport et tous les ustensiles et meubles de bois, comme claies de parc, cabanes de berger, barrières, échelles, et généralement tout ce qu’il est indispensable d’exposer souvent au soleil et à la pluie.

Quant au bois destiné à être converti en plancher et en charpente, il faut préalablement employer le moyen connu pour le durcir, parce que plus le bois est dur, plus il a de force et plus il est exempt de la vermoulure. Ce moyen, nous le devons à une suite d’expériences très-intéressantes faites par Buffon. Elles prouvent que les arbres écorcés sur pied un an avant d’être renversés, acquièrent, la partie de l’aubier sur-tout, qui est essentiellement la plus exposée à la piqûre des vers, une force et une densité bien supérieures à celle des arbres non-écorcés avant l’abattage. (Lisez l’article Aubier). Il seroit bon de faire succéder à cette précaution le procédé indiqué dans les Mémoires de l’Académie Royale de Suède. Il consiste à faire tremper les bois à plusieurs reprises dans une dissolution de vitriol, faite dans l’eau, et à le couvrir ensuite de quelques couches de peinture à l’huile. On y assure que cette méthode est très-propre à conserver les bois pendant un très-grand nombre d’années, et qu’elle peut être utilement appliquée à ceux qu’on destine à la construction des vaisseaux.