Cours d’agriculture (Rozier)/VACHE
VACHE. Médecine vétérinaire. Économie.
Voici une instruction sur la manière de conduire & gouverner les vaches. Nous avons cru devoir la placer ici, d’autant plus qu’à l’article Bœuf, nous nous sommes peu étendus sur un objet aussi essentiel & aussi utile, & dont les habitans de la campagne à qui nos travaux sont consacrés, peuvent en tirer le plus grand profit.
Ce seroit en vain que la sagesse bienfaisante du roi se seroit étendue sur les familles pauvres de son royaume, en leur faisant distribuer des secours en nature, si elles ignoroient la manière d’en tirer parti : loin de leur devenir profitables, ils mettroient le comble à leur misère, qu’ils ont pour objet de soulager.
Parmi les différens moyens de remplir les vues charitables de sa majesté, s’il n’en est point qui offre des avantages plus réels & plus étendus qu’une distribution de vaches laitières, on ne doit point aussi se dissimuler que ces avantages tiennent continuellement aux soins qu’on donnera à ces animaux ; plus ils seront multiplies, plus le bénéfice sera considérable. C’est une vérité qu’a démontré l’expérience de tous les lieux & de tous les temps.
C’en est encore une autre non moins incontestable, que les vaches transportées d’un pays éloigné, exigent des soins particuliers jusqu’à ce qu’elles se soient accoutumées au nouveau climat sous lequel elles habitent, & que l’omission de ces soins entraîne presque toujours le dépérissement & la perte des animaux.
Il est des attentions générales à avoir sur la nourriture, la boisson, le pansement, la disposition & l’entretien des étables ; il en est d’autres particulières relatives au temps de la conception, à celui de la plénitude, à l’époque du part, à l’éducation des veaux mâles ou femelles, & aux moyens de connoître les maladies, tant des mères que de leurs productions.
Article Premier.
De la nourriture.
S’il est essentiel de donner aux vaches, & sur-tout à celles nouvellement importées, une nourriture abondante, il ne l’est pas moins de la leur donner de bonne qualité ; c’est même un fait généralement reconnu, qu’une petite quantité de nourriture bien choisie & bien saine, est infiniment plus profitable aux animaux, qu’une grande quantité de nourriture viciée d’une manière quelconque.
La nourriture des vaches est de deux sortes, verte ou sèche.
Ou l’on donne la première à l’étable, ou on les laisse paître, ce qui est sans contredit la meilleure méthode, celle qui est la plus conforme aux vœux de la nature.
Dans le premier cas, on doit avoir attention de ne donner que peu de nourriture à la fois, & d’en donner souvent ; on évite par ce moyen que les vaches n’en mangent une trop grande quantité, ou qu’elles ne s’en dégoûtent & ne la rejettent, après l’avoir altérée avec leur haleine. En ne mangeant que peu d’alimens à la fois, elles les broyent mieux, elles ruminent davantage, & la santé & l’embonpoint sont toujours la suite de la perfection de cette opération.
Il est fort peu de plantes qu’on ne puisse ainsi donner en vert, à l’étable. Les plus ordinaires sont la luzerne, le trèfle, le sain-foin, le colsat, la pimprenelle, les carottes, les raves, les navets, les choux, la sauve ou faux sénevé, les laitues, les pommes de terre, les topinambours, le jong marin ou genêt épineux, le persil, les boutons & les feuilles d’ormes, de frêne, d’érable, de saule, de peuplier, la trainasse, les vesces, les cosses de pois, des fèves ; enfin, toutes ou presque toutes les plantes des jardins, ainsi que celles qu’on trouve dans les champs après la moisson.
Lorsqu’on donne des racines aux vaches, il est important de les leur hacher, autrement on les exposeroit à être suffoquées, ce qui n’arrive que trop souvent.
L’expérience a appris que les racines sont plus nourrissantes, & qu’elles donnent plus de lait, lorsqu’on les fait cuire à moitié.
Il est essentiel d’être très-réservé sur la luzerne, outre qu’elle est très échauffante, & que le lait qu’elle fournit a peu de qualité, elle donne aux vaches qui en ont mangé avec excès, des indigestions dont elles périssent souvent.
On doit user de la même réserve pour les pousses d’ormes, de frênes & autres arbres ; prises avec excès, elles occasionnent le pissement de sang, des diarrhées dysentériques, & d’autres maladies graves & souvent mortelles.
On ne doit jamais donner aux vaches de verdure échauffée ; elle est la cause assez ordinaire d’un grand nombre de maladies.
On attendra pour cueillir l’herbe destinée à nourrir les vaches, que le soleil ait abattu la rosée ; il seroit très-dangereux de la leur présenter lorsqu’elle en est encore couverte.
On ne donnera aux vaches, autant qu’on le pourra, que de l’herbe qui ait acquis la maturité, c’est-à dire, dont les fleurs commencent à s’épanouir ; plus tard, elle est trop mûre, & ses tiges sont dures ; plutôt, elle manque de suc, nourrit moins, & est plus sujette à fermenter dans l’estomac des animaux qui s’en nourrissent.
Lorsqu’on laisse les vaches prendre elles-mêmes leur nourriture dans les champs, on doit avoir grand soin de ne les faire sortir que lorsque la rosée sera dissipée, par les raisons qui ont été déja indiquées. Si la pâture est peu abondante, on les y laisse en liberté ; si au contraire, elle l’étoit beaucoup, comme les luzernes, les trèfles, les sain-foins, les pimprenelles, & les autres prairies artificielles, on attache les vaches à une corde fixée à un piquet planté dans le champ, & on ne leur abandonne que la quantité qu’on veut leur faire dépouiller. Lorsqu’elles l’ont consommée, on les laisse quelque temps sans les changer, pour leur donner celui de ruminer ; après quoi, on retire le piquet qu’on replace un peu plus loin. Ce déplacement doit se faire quatre à cinq fois par jour au moins. Il ne faut pas croire qu’on puisse s’en dispenser en abandonnant a chaque fois une quantité considérable de nourriture ; les vaches alors en mangeroient avec excès, & se donneroient des indigestions très-dangereuses, ou après s’être rassasiées, elles gâteroient ce qui resteroit, & prendroient du dégoût pour cette nourriture. Peu & souvent, c’est une maxime qu’on ne doit jamais perdre de vue, lorsqu’on nourrit des vaches : elles s’en portent mieux, & fournissent une plus grande quantité de lait.
Pour empêcher les vaches mises au piquet, de se prendre dans leur longe, & de la raccourcir en la tournant, on se sert, d’une longe divisée dans son milieu par un morceau de bois, percé par les deux bouts, qu’on nomme tourillon : la corde est fixée aux anneaux du tourillon, de manière qu’elle puisse y tourner aisément ; il faut que la corde qui tient à la tête soit plus longue que le corps de la vache, afin que le tourillon ne puisse la blesser.
Il est très-important de ne point faire paître les vaches dans les momens les plus chauds de la journée, la grande chaleur les fatigue extrêmement, les mouches les tourmentent, & la quantité du lait diminue sensiblement.
On doit faire sortir les vaches pour paître ou seulement pour se promener tous les jours dans toutes les saisons de l’année, à moins que le temps ne soit extrêmement mauvais ; on profite du moment qu’elles sont dehors, pour retirer les litières & en remettre de fraîches.
Lorsqu’on nourrit les vaches au sec, la première attention à avoir, c’est que la nourriture soit de bonne qualité, & la seconde, qu’elle soit donnée en quantité suffisante : sans ces deux conditions, ce seroit en vain qu’on attendroit du bénéfice des vaches qu’on nourrit.
Les fourrages échauffés, souillés, mal récoltés, poudreux, nourrissent mal, donnent peu de lait & de mauvaise qualité, & sont la source d’une infinité de maladies. Les foins artificiels de seconde & même de troisième coupe, lorsqu’ils sont de bonne qualité, & qu’ils ont été coupés & serrés par un temps favorable, paroissent convenir mieux à la nature des vaches que ceux de la première coupe, dont les tiges plus dures se digèrent moins bien, & donnent moins de lait.
Toutes les plantes vertes, dont nous avons dit qu’on pourroit nourrir les vaches, peuvent leur être données desséchées. On leur donne en outre, les pailles d’orge, d’avoine, de seigle, de blé, ou battues, ou engerbées : les menues pailles, les pois, les féveroles, les graines de lin, de chenevis, l’orge cru ou bouilli ; ce qui est préférable, le son, les criblures, le gland, les feuilles d’arbres fanées, les marcs de navettes, de noix, de colsat, de raisin, &c.
Les vaches s’accommodent très-bien de ces différentes nourritures, lorsqu’on les leur donne avec ménagement, & qu’on les affoure six fois par jour au moins ; si cette attention exige quelques foins de plus, on en est amplement dédommagé par la quantité & la qualité du lait.
On rend les pailles plus appétissantes, lorsqu’on les mêle couche par couche avec le foin qu’on veut garder pour l’hiver ; on a l’attention dans ce cas de ne pas laisser le foin se dessécher autant que si on le serroit pur ; il n’est pas sujet à s’échauffer, son humidité étant absorbée par la paille, à qui elle donne plus de saveur.
Si c’est mal entendre ses intérêts que de ne pas nourrir assez, & s’il est vrai qu’une vache bien nourrie rapporte plus que deux qui le sont mal, ce n’en seroit pas moins un abus très-préjudiciable que de nourrir trop ; les vaches engraisseroient, donneroient moins de lait, ou tariroient même absolument : elles demanderoient aussi le taureau plutôt.
Une des attentions les plus essentielles à avoir lorsqu’on nourrit des vaches, c’est de ne jamais les faire passer brusquement de la nourriture verte à la nourriture sèche, & de celle-ci à la première ; on doit, au contraire, les y amener peu-à-peu & par gradation.
Art. II.
De la boisson.
On doit abreuver les vaches deux fois par jour ; cette précaution est sur-tout essentielle lorsqu’elles sont nourries au sec. L’omission de cette attention est une des principales causes des maladies inflammatoires auxquelles les vaches sont ordinairement si sujettes.
Il faut en outre que l’eau dont on les abreuve, soit la plus pure & la plus claire qu’il soit possible. On doit toujours donner la préférence à celle qui court ; la meilleure de toutes est celle qui coule au dessous des moulins, le battement qu’elle a éprouvée en passant sous les roues, l’a rendue plus douce, plus légère.
C’est un préjuge bien général & bien dangereux que celui de croire que les eaux fangeuses & croupissantes des mares, soient une boisson plus saine que l’eau la plus pure. Les suites funestes que ce préjugé entraîne tous les jours auroient bien dû le faire disparoître.
Lorsqu’on n’a point d’autre eau pour abreuver les vaches que celle de ces mares, ou de l’eau de puits qui s’oppose à la cuisson des légumes, qui dissolve mal le savon, qui ne soit pas propre à laver le linge, on doit la battre en la laissant tomber plusieurs fois d’un vase dans l’autre, ou ce qui est bien plus économique, la filtrer à travers le sable. Pour cet effet, on se sert d’un tonneau défoncé par le bout d’en haut ; on couvre le fond d’en bas d’une couche de sable de quatre à cinq pouces d’epaisseur, après avoir percé ce fond de plusieurs petits trous, & l’avoir enveloppé extérieurement d’une toile, qui laisse passer l’eau & retienne le sable. L’eau, ainsi filtrée, doit être reçue dans un baquet, qui servira d’abreuvoir.
On rendra l’eau bien plus saine encore, en la blanchissant avec le son de froment ou la farine d’orge : cette pratique est excellente, elle procure aux vaches beaucoup de lait.
Dans les chaleurs de l’été, on mettra un verre de vinaigre par seau dans la boisson des vaches, lorsque l’eau ne sera pas de bonne qualité, & si la sécheresse étoit très-considérable, on fera bien d’aciduler ainsi leur boisson, de quelque nature qu’elle soit.
Art. III.
Du Pansement de la main.
C’est une erreur de croire que le pansement de la main soit moins nécessaire aux vaches qu’aux chevaux, & la négligence dans laquelle cette opinion fait trop souvent tomber, est la source d’une infinité de maux. Les vaches ne sont bien portantes que lorsqu’elles transpirent bien, ce qui ne peut pas être, lorsqu’on les laissé séjourner dans la fange, & qu’on n’a pas soin d’enlever la crasse qui bouche les pores de la peau. Dans les pays où l’usage salutaire d’étriller & de bouchonner les vaches, est établi, on remarque qu’elles sont moins sujettes aux maladies, qu’elles ont plus d’embonpoint & de vigueur, qu’elles donnent un lait plus abondant & sur-tout de meilleure qualité. On étrillera donc les vaches une fois par jour, & on ne laissera point leur fiente s’attacher à leurs poils, comme cela se pratique trop souvent : cette opération sera très-prompte & très-facile, si l’on a le soin de donner tous les jours aux vaches, une litière fraîche & abondante : elles s’en porteroient infiniment mieux, & le bénéfice sera bien plus considérable. On croit assez ordinairement que, pourvu que les vaches ayent une nourriture abondante, il ne leur faut rien de plus : mais nous ne craignons pas d’assurer, que des vaches, quelque bien nourries qu’elles soient, ne réussiront jamais bien, si on leur refuse les soins qui viennent d’être indiqués, tandis que celles à qui on les donnera, prospéreront quoique beaucoup moins bien nourries. On doit aussi avoir l’attention de laver le pis de temps en temps, on prévient par-là les engorgemens durs & indolents auxquels il est très-sujet, les porreaux, les fongus, les excroissances de différentes sortes dont il est très-souvent couvert ; il n’est pas même très-rare que les trayons soient rouges & entièrement consumés par des ulcères qui ne sont dûs qu’aux ordures qui s’y attachent, & qui acquièrent par leur séjour un caractère âcre, caustique & destructeur.
Art. IV.
Des Étables.
Les étables les plus saines sont celles qui sont exposées au levant & placées sur un sol sec & élevé ; leur défaut le plus général est d’être beaucoup trop fermées ; le préjugé où l’on est que le froid nuit aux vaches, & qu’on ne sauroit trop les en garantir, est la cause la plus commune des accidens de tout genre, auxquelles elles sont si sujettes. Non seulement la plupart des étables n’ont que des ouvertures très-étroites, mais on s’attache encore à les boucher exactement, pour peu que l’air soit froid : il n’est peut-être pas une pratique aussi funeste, aussi meurtrière, & contre laquelle il soit plus important d’être en garde. L’expérience a démontré que les vaches pouvoient rester sans abri, sans qu’il en résultât aucun inconvénient, dans les saisons même les plus rigoureuses ; il est mieux sans doute de les tenir dans des étables ; mais elles ne sauroient être trop ouvertes ; quelque froid que soit l’air, il fera certainement moins de mal que celui qu’on y laisse corrompre, en les tenant exactement fermées. On doit regarder comme une règle générale qu’elles le sont trop, toutes les fois qu’en y entrant, on éprouve de la difficulté à respirer, & qu’elles exhalent une odeur pénétrante.
S’il est important que les étables soient bien aérées, il ne l’est pas moins qu’elles soient souvent nettoyées ; le fumier qu’on y laisse trop long-temps séjourner, altère l’air, & cause beaucoup de maladies putrides.
On doit aussi bien prendre garde que les vaches ne soient pas trop gênées, elles doivent avoir chacune un espace de cinq pieds au moins.
Art. V.
Des soins qu’exige la conception.
Les vaches qui ne sont pas pleines, reviennent pour l’ordinaire en chaleur toutes les trois semaines. On doit profiter, pour les conduire au taureau, du moment où cette chaleur est la plus forte ; elles en retiennent bien plus facilement ; il est quelques vaches dont la chaleur a peu de durée ; on doit se hâter de les faire couvrir.
La chaleur se reconnoît à ces signes. Les vaches mugissent presque continuellement, elles sautent les unes sur les autres, elles s’agitent, se tourmentent & bondissent aussitôt qu’on les laisse libres ; on reconnoît encore la chaleur au gonflement des parties génitales.
Lorsqu’elles ont été couvertes, on doit attendre qu’elles donnent de nouveaux signes de chaleur pour les faire couvrir derechef.
On ne fera point couvrir les génisses avant deux ans ; elles deviendront beaucoup plus grandes, & seront mieux développées que si elles concevoient plutôt ; si on attendoit jusqu’à trois ans, elles deviendroient plus belles encore.
On doit faire couvrir les vaches tous les ans ; l’expérience a prouvé que celles qu’on laisse plusieurs années sans les faire porter, finissent par avoir la phthisie pulmonaire, connue assez généralement sous le nom de pomelière. (Voyez Phthisie.)
Art. VI.
Des soins qu’exige la plénitude.
La vache porte neuf mois ; quelques-unes donnent du lait pendant tout le temps de leur plénitude ; d’autres tarissent deux mois environ avant d’être à terme. On doit cesser de traire les unes & les autres à la fin du septième mois, à moins que le pis ne s’engorge ; dans ce cas, on ne les trait qu’à-demi ; outre que le lait qu’on auroit après cette époque seroit de mauvaise qualité, il est nécessaire au fœtus que porte la mère.
On doit ne conduire les vaches pleines que sur un terrain uni, on les expose souvent à avorter, lorsqu’on leur fait sauter des fossés. Les vaches pleines, & sur-tout celles qui approchent du part, doivent être nourries plus abondamment & avec une nourriture plus substantielle qu’à l’ordinaire. Les grains leur conviennent très-bien, & les bons économes leur en donnent toujours, comme quelques poignées d’orge, d’avoine, de la gerbée, &c. on leur réserve aussi du foin de meilleure qualité pour cette époque.
Lorsque plusieurs vaches pleines paîtront ensemble, on doit les veiller très-exactement, pour les empêcher de se battre ; on en a vu souvent avorter après des coups de corne ou de tête, reçus en se battant.
Art. VII.
Des soins qu’exige le part.
On reconnoît que le part sera prochain, aux hurlemens, au gonflement du pis, aux agitations de l’animal, à l’abaissement des flancs & de la croupe : on veillera la vache, afin d’être présent lorsqu’elle mettra bas, & de l’aider dans le cas où le part seroit trop laborieux.
On donnera à la vache une ample litière, afin que le veau ne puisse se faire du mal en tombant, car les vaches mettent presque toujours bas debout.
Il faut avoir grand soin d’empêcher la vache de dévorer son délivre, rien ne les fait autant dépérir, & elles meurent ensuite de consomption. Lorsqu’elles sont trop longtemps à se délivrer, on les aide en leur donnant une rôtie au vin, ou au cidre, ou au poiré. Lorsqu’on l’a fait au vin, on la mêle avec une égale quantité d’eau ; cette rôtie doit être de cinq à six pintes de liquides, dans lequel on a émietté environ une livre & demie de pain rôti ; elles dévorent certainement cet aliment.
Quelques heures après on donne à la vache, un demi seau d’eau tiède, blanchie avec de la farine d’orge grossièrement moulue, ou avec le son de froment.
On continue de leur donner cette boisson pendant cinq à six jours, & si l’on voit que la vache soit foible, qu’elle ait de la peine à se rétablir, on lui donne pendant huit à dix jours la rôtie au vin ou au cidre, dont on vient de parler. On a soin de ne remettre les vaches nouvellement vélées, à la nourriture ordinaire, que par gradation, lorsqu’on néglige cette précaution, on leur donne des indigestions d’autant plus dangereuses, que les vaches sont plus foibles.
On doit avoir pour règle générale de ne donner aux vaches nouvellement vélées, qu’une assez petite quantité d’alimens, mais de choisir les plus nourrissans, les plus substantiels, ceux qui se digèrent le plus aisément.
On ne doit traire les vaches que deux mois après le part ; le lait qu’elles donnent jusqu’à cette époque, est de mauvaise qualité & doit être laissé aux veaux.
Il arrive assez souvent que les vaches portent deux veaux, qu’elles ne mettent bas qu’à des intervalles plus ou moins éloignés. Lorsque le premier est né, on reconnoît qu’il y en a un second, à l’agitation de la mère, qui regarde continuellement son flanc, qui continue de faire des efforts, & qui ne paroît pas faire attention au veau déjà né. Lorsque cet état dure trop longtemps, on aide la mère en lui faisant prendre une bouteille de vin chaud, & en l’excitant à éternuer en irritant les nazeaux avec un peu de tabac ; si l’effet de ces moyens n’étoit pas assez prompt, il faudroit recourir sur le champ aux moyens indiqués à l’article Bœuf. (Voyez ce mot) Art. VIII.
Des soins qu’exigent les veaux.
Il arrive quelquefois que les mères négligent de lécher leurs veaux nouveaux nés, on les excite à le faire en semant sur leurs corps un peu de sel, ou de mie de pain, ou de son.
Il est des veaux qui ne prendroient point le trayon de leur mère, si on ne les en approchoit, ou si on ne le leur mettoit dans la bouche.
On ne doit jamais sevrer les veaux aussi-tôt après leur naissance, cette méthode est très-vicieuse, ils dépérissent, & ne donnent pas autant de profit.
Les veaux craignent le froid, & il est prudent de les en garantir ; mais il faut bien prendre garde aussi de ne pas tomber dans l’excès ordinaire, c’est-à-dire, de les tenir dans des étables trop chaudes & étouffées.
On ne doit jamais sevrer avant deux mois, ou au moins six semaines, les veaux mâles ou femelles, soit qu’on les destine au boucher, soit qu’on se propose de les élever. Nous en avons déjà dit les raisons plus haut ; le lait n’est point propre a la nourriture de l’homme, pendant les deux premiers mois qui suivent le part, & il est nécessaire aux veaux pour lesquels il ne peut être suppléé par aucune autre nourriture. C’est un fait incontestable, que plus les veaux tettent, plus ils deviennent grands & forts.
Lorsqu’on les a sevrés on ne doit pas leur donner tout de suite des alimens solides ; pour toute nourriture on leur donne du lait coupé avec deux tiers d’eau, ou bien on fait bouillir de l’orge qu’on leur présente avec l’eau dans laquelle elle a cuit. On les nourrit aussi très-bien avec le lait dont on a enlevé la crème ; ils ont d’abord de la peine à en boire, mais ils s’y accoutument bientôt.
De quelque manière qu’on les élève, il est important de leur fournir une nourriture très-abondante, si l’on veut qu’ils deviennent beaux. On est assez dans l’usage de ne faire manger que deux ou trois fois par jour au plus, les veaux qu’on a sevrés ; ce n’est pas assez, il vaut bien mieux leur donner moins de nourriture & la leur donner plus souvent.
Aussi-tôt qu’ils sont en état de suivre la mère, on doit les faire sortir, rien ne leur étant plus contraire que le trop long séjour à l’étable.
Les veaux ont la mauvaise habitude de se tetter, ce qui les fait dépérir à vue d’œil ; on prévient cet inconvénient, en les tenant séparés les uns les autres.
On ne peut trop les tenir proprement, & leur donner trop souvent de la litière fraîche ; s’ils croupissent dans l’urine ou le fumier, leur corps se couvre de galle, & ils restent toujours maigres & chétifs.
Les veaux sont fort sujets à un flux dysentérique qui les jette dans une maigreur extrême qui est assez souvent suivie de la mort. On arrête les mauvais effets de cet accident, en donnant aux veaux plusieurs fois par jour, jusqu’à guérison, des jaunes d’œufs délayés dans du vin rouge, & en leur faisant prendre quelques lavemens d’eau, dans laquelle on aura fait bouillir du son.
Art. IX.
Des signes généraux auxquels on reconnoît que les vaches sont malades.
La tristesse, l’abattement, le dégoût, les yeux sombres, éteints, ou étincelans, le froid des cornes, des oreilles, & quelquefois la chaleur considérable de ces mêmes parties, la sécheresse & l’ardeur de la bouche, de la langue, du mufle, la couleur jaune des lèvres, de la langue, des yeux, du dedans des oreilles & de toute la peau ; l’agitation du flanc, les fréquentes flexions de la tête, que fait la vache pour se regarder, les mugissemens répétés, les efforts fréquens pour uriner, l’ardeur, la crudité des urines, la dureté ou la trop grande fluidité des excrémens, leur couleur noire ou jaune, le sang dont ils sont mêlés quelquefois ; la suppression de l’humeur fluide, qui découle par les naseaux, leur sécheresse, leur chaleur, celle de l’air qui en sort, la cessation de la rumination, le poil terne, sombre, piqué, peu adhérent à la peau, la sécheresse & l’aridité de celle-ci, son adhérence aux os, les tumeurs qui y paroissent quelquefois tout d’un coup ; enfin, les mouvemens continuels de la queue.
Aussi-tôt qu’on reconnoîtra quelques-uns de ces signes, on supprimera aux vaches la nourriture solide, on ne leur donnera que de l’eau blanchie avec le son de froment ou la farine d’orge ; on leur fera une litière plus abondante qu’à l’ordinaire ; & quant aux autres remèdes, l’on consultera les articles relatifs à chaque maladie du bœuf, que l’on trouvera par ordre alphabétique dans le corps de l’ouvrage.