Cours d’agriculture (Rozier)/TREILLAGE, TREILLE

Hôtel Serpente (Tome neuvièmep. 480-481).


TREILLAGE, TREILLE. C’est un assemblage de perches, ou échalas, ou courans, posés & liés l’un sur l’autre par petits quarrés, pour faire des berceaux, des palissades ou des espaliers dans les jardins. Il y en a aussi qui sont formés par des barreaux de fer. Leur destination première a été de supporter des ceps de vigne ; ensuite on s’en est servi pour couvrir les murs, & attacher les branches des arbres tenus en espaliers. Le luxe a bientôt renchéri sur ces premiers objets d’une utilité productive. On a formé avec ces treillages dans les jardins d’agrément, des arceaux, des galeries, des portiques, des colonnades, &c. excessivement coûteuses par la main-d’œuvre, & de courte durée.

Les cultivateurs qui ne peuvent pas palisser à la loque leurs arbres en espaliers, appliqués contre un mur en bonne maçonnerie, feront très-bien d’employer les treillages en bois de chêne bien choisi. Chaque morceau de treillage doit être extrêmement sec, & avoir un pouce d’épaisseur, scrupuleusement dépouillé de tout son aubier. (Consultez ce mot) À tous les points de réunion, les deux morceaux de bois seront entaillés à six lignes de profondeur, sur un pouce d’étendue. Plus la coupe sera juste & bien faite, & plus tard le treillage sera détérioré par les injures du temps. Chaque point de réunion sera maintenu par une cheville en bois de chêne, fixée dans le milieu, & garnie de colle-forte ; ensuite un fil de fer, qui passera par les quatre coins, sera fortement serré, arrêté, & donnera la dernière solidité à tout l’ouvrage. Malgré leur simplicité, ces treillages ne laissent pas d’être fort coûteux, sur-tout dans les pays où le bois de chêne est peu commun. Il convient donc de ne négliger aucune précaution qui, sans augmenter de beaucoup la dépense, assure à la totalité une très-longue durée.

1°. L’ouvrier après avoir débité son bois, l’avoir refendu en morceaux de douze à quinze lignes d’épaisseur sur toute la longueur de la planche, choisira la quantité nécessaire des bois refendus pour former toutes les traverses horisontales. Il unira, à la verlope ou rabot, ce bois sur toutes ses faces, parce que plus il sera uni, & moins il laissera de prise à l’eau de pluie & à la neige. C’est le séjour de l’une ou de l’autre qui occasionne la pourriture du bois. Elle est encore fortement causée par l’alternative de l’humidité & de la chaleur.

2°. Il donnera à la partie supérieure de ces traverses une pente de deux à trois lignes du bord postérieur au bord antérieur. Cette petite précaution empêchera l’eau d’y séjourner.

3°. Cette pente n’aura pas lieu dans la partie de traverse qui s’emboîte dans la partie entaillée. C’est sur ces points de réunion des montans droits & horizontaux que l’ouvrier doit s’attacher, afin de donner beaucoup de précision à sa coupe, afin que les deux entailles réunies l’une sur l’autre ne laissent aucun vide après leur emboîtement ; ces vides deviennent le repaire des insectes & le tranquille dépôt de leurs œufs. C’est toujours par les emboîtemens que commencent la pourriture & la vermoulure des treillages.

4°. Lorsque la totalité du bois est préparée, il convient de passer par-dessus deux couches d’huile de noix ou de lin, ou de colsat ou de navette, rendu siccative par l’ébulition & par l’addition de la litharge. (Consultez l’article Caisse) La seconde couche sera donnée lorsque la première sera exactement imbue par le bois & bien sèche. Il en sera ainsi de la seconde avant de monter le treillage. Ces deux premières couches doivent être à l’huile simple, c’est-à-dire, sans addition de couleur.

5°. On lira à l’article Caisse la manière de préparer la couleur ; mais voici un procédé que j’ai trouvé beaucoup plus simple & infiniment supérieur pour sa durée, & même pour la beauté & ténacité de la couleur… Prenez la quantité de blanc de céruse & d’huile que vous jugerez nécessaire pour colorer tout le treillage, & même un peu au-delà ; moins la céruse sera alongée par le blanc de Troyes ou craie, (mélange très-commun fait par les marchands de mauvaise foi) plus la couleur sera belle, & mieux elle se soutiendra : humectez avec l’eau le blanc de céruse jusqu’à ce qu’il soit en état de pâte un peu claire… En cet état, jetez-le dans le vase qui renferme l’huile, & placez ce vase sur le feu : faites cuire & bouillir ; remuez de temps à autre la matière ; enfin, après une forte heure de bouillonnement, retirez le vase de dessus le feu, & laissez refroidir, & la couleur sera toute préparée. Si elle n’étoit pas assez foncée, assez épaisse, ajoutez de nouveau de la céruse en poudre, passée au tamis de soie, & sans mélange d’eau.

Pendant l’ébulition, l’eau ajoutée en premier lieu à la céruse pour la réduire en pâte, s’évapore, & s’unit à l’eau principe de l’huile & l’entraîne. Dans cette opération, la céruse rend l’huile siccative comme le feroit la litharge ; mais elle n’a pas, comme celle-ci, l’inconvénient de donner à la couleur une teinte jaunâtre, dont l’intensité augmente à mesure qu’elle vieillit. Des expériences faites très en grand, m’ont prouvé la supériorité de ce procédé sur tous ceux employés jusqu’à ce jour.