Cours d’agriculture (Rozier)/TOURNOYEMENT, VERTIGE DES BREBIS

Hôtel Serpente (Tome neuvièmep. 438-440).


TOURNOYEMENT, VERTIGE DES BREBIS. Médecine vétérinaire. Cette maladie est plus familière aux brebis qu’aux autres animaux. La cause prochaine paroît être la même que celle de la pourriture, (voyez ce mot) avec cette différence néanmoins, que dans l’une le vice est dans les viscères du bas ventre & de la poitrine, tandis que dans celle-ci, il est dans le cerveau, & vraisemblablement c’est le même principe qui produit l’un & l’autre.

Outre les brebis, les bêtes à cornes, & parmi celles-ci, les jeunes taureaux & les génisses au-dessous de deux ans, y sont particulièrement sujettes. Elle s’annonce, dans les uns & dans les autres, par la perte d’appétit, l’abaissement de la tête, & le tournoyement. On remarque que l’animal tourne toujours la tête du même côté, & cela peut quelquefois servir d’indice pour l’endroit de l’application du remède ; enfin, au bout de quelques jours, l’animal périt, & la mortalité est quelquefois générale dans un troupeau.

L’ouverture des cadavres a fait voir constamment des hydatides ou vessies pleines d’eau, quelquefois plusieurs, le plus souvent une seule, plutôt à la superficie du cerveau : on en a trouvé aussi dans les ventricules de ce viscère. Dans les brebis, on y a vu quelquefois de petits vers vivans, de différente grosseur, les uns tout blancs, les autres grisâtres, & tachetés de noir sur le dos, qui rongent quelquefois le crâne, au point de se faire jour à travers, si l’animal ne succomboit toujours avant la violence de la maladie. Dans les bêtes à cornes, on a remarqué le plus souvent dans les hydatides, outre une eau lympide, un sédiment au fond, semblable à une craie friable, mêlé dans un pus épais.

Quoiqu’il y ait beaucoup de plantes qui donnent cette maladie, telles que la ciguë, la coriaire, &c. il ne paroît point, par les observations anatomiques, qu’on ait trouvé dans ces cas des hydatides dans le cerveau ; mais comme l’on présume que la cause principale est la même que celle de la pourriture des hydatides, nous renvoyons à ces mots, quant à la méthode curative.

Sur les coteaux arides du diocèse de Lodève, complantés seulement de genêt[1], & dans les plaines sèches du bas Languedoc, les moutons sont quelquefois sujets au tournoyement ; mais on comprend bien qu’ici les principes de la maladie ne sont pas les mêmes, & qu’on doit la rapporter à cette nourriture échauffante, & à la longue exposition aux rayons du soleil. Chez quelques sujets morts de cette maladie, nous avons toujours rencontré une grande disposition vers l’état inflammatoire, & plénitude dans les vaisseaux sanguins du cerveau, sans trouver la moindre quantité d’eau dans ses ventricules.

Les indications que présente cette espèce de vertige, doivent donc être différentes de celles qui reconnoissent la même cause que la pourriture ; il s’agit ici de diminuer la quantité de sang qui se porte à la tête, de modérer la vélocité & la chaleur, de l’animal : pour cet effet, saignez le mouton à la queue, donnez-lui pour nourriture & pour boisson, du son mouillé, avec de l’eau saturée de deux parties de nitre & d’une partie de sel marin : si les symptômes ne paroissent pas diminuer quatre heures après avoir fait la première saignée, répétez-la. Gardez-vous de conduire les moutons dans les génétières, ou autres endroits abondans en plantes aromatiques ; bien loin de diminuer la quantité & la vélocité du sang qui se porte à la tête, ce régime ne serviroit au contraire qu’à accroître l’une & l’autre, & à accelérer la mort de l’animal : c’est à la vigilance des propriétaires ou gardiens des troupeaux, de les mettre, autant qu’il est possible, à l’abri de l’influence du sol & de la nourriture, par des compensations de soins bien entendus. M. T.


  1. Voyez notre mémoire sur la ginestade des moutons, (maladie produite par l’usage du genêt) communiqué à la société royale d’agriculture de Paris, & inséré dans le trimestre d’automne des mémoires de cette société, année 1786.