Hôtel Serpente (Tome neuvièmep. 251-252).


SOIF. C’est l’appétit des fluides. Heister ne veut pas qu’on croye que ce qui est la source de la soif, soit aussi la source de la faim. Bergerus a soutenu cette opinion ; & je ne sais sur quel fondement il a appuyé cette assertion. Souvent le sentiment de la faim, continue M. Heister, n’est pas accompagné de la soif, & l’on sent une grande ardeur dans les entrailles, dans le temps même qu’on est le plus rempli d’alimens : la cause de la soif n’est autre chose que la chaleur qui s’excite dans l’estomac par diverses causes. 1°. Si le gosier n’est pas humecté, la soif se fait sentir, parce que les vaisseaux étant secs, se rétrécissent & augmentent par là le mouvement du sang : c’est à cause de cette sécheresse, que les phtisiques ont la paume de la main fort chaude après le repas.

2°. S’il y a des matières gluantes dans l’estomac, la soif peut survenir, parce que, comme nous l’avons remarqué plus haut, ces matières, qui ont de la viscosité, sont un effet de la chaleur, & quelquefois elles supposent un sang privé de sa lymphe.

Lorsque le sang n’a pas d’humeur aqueuse, il est épais, & alors, selon quelques-uns, il ne peut pas passer librement par les vaisseaux capillaires ; il gonfle donc les artères qui doivent, à cause de cela, battre plus fréquemment & plus fortement ; ce qui ne sauroit arriver que la chaleur ne s’augmente.

3°. Les sels, les matières âcres, ou les corps qui contiennent beaucoup de feu, doivent causer la soif ; car toutes ces substances mettent en mouvement les parties solides, & y excitent par conséquent de la chaleur.

4°. Dans les fièvres, la soif le fait sentir avec violence ; la raison n’en est pas difficile à trouver. Les fièvres ne sont causées que par un excès de mouvement ; les artères étant bouchées, se gonflent ; il faut donc qu’elles battent plus fortement & plus fréquemment, & que par là il survienne plus de chaleur.

5°. Dans l’hydropisie on sent une soif violente ; cela vient de ce que la partie aqueuse du sang reste dans le bas-ventre : il n’y aura donc qu’un sang épais dans les autres parties. Cette épaisseur causera nécessairement de la chaleur ; d’ailleurs, le bas-ventre étant rempli d’eau, les vaisseaux sanguins inférieurs sont fort comprimés : le sang coule donc en plus grande quantité vers les parties supérieures ; de là il s’ensuit que le mouvement & la chaleur y sont plus considérables, & qu’il arrive souvent des hémorragies aux hydropiques.

6°. On voit par tout cela que c’est un mauvais signe, comme dit Hippocrate, que de n’avoir pas soif dans les maladies fort aiguës. Cela prouve que les organes deviennent insensibles, & que la mort n’est pas éloignée.

La soif fébrile est toujours fort incommode ; ceux qui en sont tourmentés soupirent après ce qui peut l’étancher, ou du moins la diminuer : personne n’ignore que l’eau est la ressource que la nature réclame ; froide, elle calme plus vite la soif. Mais l’eau ne remplit pas toujours les vues que l’on se propose dans le traitement des maladies aiguës ; il faut souvent la combiner avec les sucs acides végétaux, ou avec les minéraux les plus concentrés, jusqu’à agréable aigreur, tel que l’acide vitriolique, l’esprit de nitre, &c. La limonade commune, une légère décoction d’eau-de-ris, dans laquelle on fait dissoudre quelques grains de nitre ; celle de poulet, le petit-lait, sont très-appropriés lorsque la soif dépend de l’âcreté de la salive & de la lymphe. La soif peut devenir la source d’une infinité de maladies graves ; elle peut donner naissance à des maladies inflammatoires, surtout dans les viscères naturellement foibles ; elle dispose aux maladies de poitrine, sur-tout à la phthysie. Il est de la plus grande importance pour les personnes qui ont le sang âcre, de prendre quelquefois dans la journée quelque boisson agréable, quoiqu’ils n’ayent pas soif. Celles dont les humeurs circulent difficilement à cause de leur épaisseur, doivent aussi profiter du même avis : mais dans l’état de santé on doit toujours s’abstenir de boire, immédiatement après une course, ou après tout autre exercice violent : l’expérience journalière a démontré que la plupart des pleurésies des jeunes gens, ne reconnoissoit point d’autre cause. M. AMI.