Cours d’agriculture (Rozier)/RUE ou RHUE DES JARDINS

Hôtel Serpente (Tome huitièmep. 688-689).


RUE ou RHUE DES JARDINS. V. Planche XXXIX, pag. 599. Tournefort la place dans la quatrième section de la sixième classe, qui comprend les herbes à fleurs de plusieurs pièces régulières & en rose, dont le pistil devient un fruit divisé en cellules, & il l’appelle Ruta hortensis latifolia. Von-Linné la classe dans la décandrie monogynie, & la nomme Ruta graveolens.

Fleur A, composée de cinq pétales B, concaves, attachés par des onglets étroits ; le calice est divisé en cinq parties ; le plus souvent les pétales sont au nombre de quatre, ainsi que les divisions du calice. C représente le pistil accompagné des huit & plus souvent des dix étamines adhérentes au calice ou réceptacle commun.

Fruit ; capsule divisée en autant de lobes qu’il y a de pétales ; ils s’ouvrent par le haut. Le pistil D, vu de face, offre les quatre embrions qui deviennent des graines E, anguleuses & en forme de rein F.

Feuilles, composées, découpées, petites, oblongues, charnues, lisses, rangées comme par paire sur une côte terminée par une feuille impaire.

Racine A, jaune, ligneuse, très-fibreuse.

Lieu ; originaire de Provence, d’Italie, cultivée dans les jardins ; la plante est vivace & fleurit en juin ; c’est un sous-arbrisseau plutôt qu’une plante simple.

Propriétés ; toute la plante a une odeur forte & désagréable, quoique aromatique ; sa saveur est âcre & amère. Les feuilles sont un puissant emménagogue, indiquées dans la suppression du flux menstruel occasionné par l’action des corps froids ; la suppression des règles par état caché tique ; la suppression des règles par excès de graisse, la suppression des lochies par impression des corps froids ; la suppression des pertes blanches par des remèdes astringens & les pâles couleurs ; quelquefois utiles intérieurement & en parfum dans les fièvres intermittentes rebelles au kina ; dans l’épilepsie par la suppression du flux menstruel ; dans les espèces de maladies produites par les vers cucurbitins ou ascarides ou lumbricaux dans le rhumatisme par des humeurs séreuses ; dans les affections soporeuses par des humeurs pituiteuses ; dans la passion hystérique & l’affection hypocondriaque. Il est douteux si le suc exprimé des feuilles, & introduit dans l’œil à la dose de quelques gouttes, peut détruire les taches de la cornée ; si l’infusion de rue dans du vinaigre préserve des maladies contagieuses ; si l’application des feuilles récentes s’oppose à l’inflammation que produit la piqûre des abeilles, & aux progrès de la gangrène humide ; si la même application sur les mamelles, en répercute & dissipe le lait.

Intérieurement elle cause de la chaleur dans l’estomac & par tout le corps ; rarement elle procure des nausées, encore moins le vomissement. Elle irrite les bronches pulmonaires, sans contribuer à l’expectoration ; elle augmente la soif, & souvent l’appétit diminué par des humeurs pituiteuses ou séreuses.

Extérieurement elle n’enflamme point les tégumens ; le suc exprimé des feuilles introduit dans l’œil, l’irrite considérablement, & souvent y détermine une légère inflammation. L’huile de rue par infusion, recommandée en onction sur l’épine du dos, dans les affections convulsives & les affections paralytiques, n’est d’aucun secours ; à peine est-elle utile en lavement dans des coliques venteuses.

L’huile distillée de rhue ranime avec promptitude les forces vitales ; elle est même si âcre, si échauffante, que son usage est dangereux. Extérieurement elle peut être de quelqu’avantage, en onction sur les parties affectées de paralysie, par des humeurs séreuses, & sur le ventre dans les coliques venteuses. L’eau distillée des feuilles de rhue ne possède point les vertus de l’infusion des feuilles : elle est très-rarement utile dans la passion hystérique.