Cours d’agriculture (Rozier)/ROUILLE du fer, des métaux

Hôtel Serpente (Tome huitièmep. 642-643).


ROUILLE du fer, des métaux. Espèce de poussière de couleur différente, suivant le métal, qui se forme sur la superficie exposée à l’air. Tous les êtres, dans la nature, réagissent les uns sur les autres s’entre-détruisent, reparoissent sous de nouvelles combinaisons, & toute la matière est sans cesse agitée, & successivement reproduite sous différentes formes. C’est ainsi que la partie du fer en contact avec l’air atmosphérique, se convertit en rouille ou chaux de fer, & cette chaux devient la base des terres ocreuses & les colore en jaune ou en rouge foncé si on les expose à un feu ardent. C’est ainsi que le cuivre donne sa chaux, qui est bleue & forme le vert-de-gris, &c. On pense communément que cette transformation de la substance métallique en chaux est l’effet & la suite de l’action du sel acide de l’air qui, dissous dans son humidité, corrode la superficie du métal, & en chasse le principe feu nommé phlogistique. En effet, si on redonne du phlogistique à ces chaux, la rouille redevient fer, le vitriol cuivre, le blanc de céruse plomb, &c. Si les métaux sont tenus à l’abri du contact de l’air, par exemple, un grain de plomb dans une bouteille pleine de vin, bien bouchée & tenue dans une cave fraîche, l’acide du vin n’attaque point ce plomb, ne le convertit pas en chaux, tandis que si la bouteille reste débouchée, la superficie de ce plomb se couvre d’une poussière blanche qui est une vraie céruse ou chaux de plomb. Le fer tenu dans l’eau, & à une certaine profondeur, ne se rouille pas, & les médailles antiques & en cuivre, enfouies dans la terre, se chargent d’une espèce de vernis, se bronsent, pour se servir du langage des antiquaires, & ensuite se conservent intactes. La réduction des superficies métalliques en chaux est donc due à leur contact avec l’air, & à la dissolution de leurs parties par l’acide que cet air contient. Si on soustrait ces superficies à son contact, elles n’en sont plus attaquées. C’est d’après cette théorie qu’on a imaginé différentes préparations qui garantissent les métaux tant qu’elles subsistent. Voici celle qui est la plus généralement adoptée pour le fer. On prend la quantité nécessaire d’huile siccative, telle que celle de lin, de noix, de navette, de colsat, de pavot, &c ; en un mot, presque toutes les espèces d’huiles en général, celle d’olive exceptée, parce qu’elle est trop longue à sécher. Pour rendre ces huiles plus siccatives, on les fait cuire à petit feu & pendant plusieurs heures ; l’action du feu fait évaporer une partie de leur eau de composition, & les rapproche de l’état de résine ; mais afin d’accélérer plus promptement leur dessiccacation, on suspend au milieu de l’huile, pendant sa cuisson, un nouet de litharge réduite en poudre. Si on veut une plus prompte dessiccation encore, on jette, petit à petit, dans l’huile, de la couperose ou vitriol de fer réduit en poudre très-fine. Une livre de litharge suffit pour dix livres d’huile, & un once de couperose pour la même quantité. Après que l’huile a cuit avec ces drogues pendant une heure ou deux, elle est vidée dans un vaisseau que l’on doit tenir bouché, & mêlée exactement avec les couleurs que l’on se propose d’employer. L’ocre rouge s’unit mieux avec l’huile & se conserve plus long-temps lorsqu’elle est employée sur les métaux, que l’ocre jaune. La chaux de plomb, nommée céruse, si elle est sans mélange de craie, friponnerie assez commune, vaut beaucoup mieux. Ces préparations servent également sur les bois & les conservent beaucoup. Pour peindre en verd, on ajoute un peu de vert-de-gris, & encore mieux du verdet à la céruse. Ces couleurs deviennent plus foncées à mesure qu’elles vieillissent ; il faut donc employer peu de verd dans le mélange. Avant de préparer la couleur, on met un peu d’huile en réserve, & cette huile sert à passer la première couche sur le fer, le cuivre, le plomb, &c. ; & elle en détache la rouille. Avant de passer la seconde couche, il est nécessaire de frotter exactement toutes les superficies du métal, afin d’en détacher ce qui a été dissous. Lorsque cette première couche est parfaitement sèche, on passe la seconde chargée de couleur, & on la passe très-légère ; si elle est épaisse, elle s’écaillera & se gercera ensuite. Le même défaut aura lieu si on n’attend pas que la première couche soit sèche avant de donner la seconde, la troisième, &c. Cette espèce de vernis met les métaux à l’abri de la rouille tant qu’il subsiste. Lorsque le temps l’a détruit, on lui en substitue un second. Lorsqu’on trempe le fer & le cuivre fortement rougis au feu & incandescent dans une huile quelconque, leur superficie contracte plus de dureté, & cette huile devient un vernis qui les conserve. Voici une autre manière de préserver le fer de la rouille, sans lui faire perdre sa couleur. Cette recette est tirée du Journal économique du mois d’octobre 1766… On prendra huit livres de panne de porc ; on en ôtera toutes les peaux & la chair ; il faudra ensuite les hacher & les faire fondre sur le feu, avec trois ou quatre cuillerées d’eau dans un pot neuf vernissé. On passera le tout dans un linge ; on le remettra dans le même vase sur un petit feu, avec quatre onces de camphre écrasé en miettes, & on laissera bouillir doucement jusqu’à ce que le camphre soit entièrement dissous. On ôte alors du feu cette composition, & pendant qu’elle est encore chaude, on y met autant de mine de plomb qu’il en faut pour lui donner une couleur de fer. On se sert de cette graisse, au lieu d’huile pour en frotter le fer ou l’acier. Elle doit être fort chaude dans le moment qu’on en fait usage ; mais on attend qu’elle soit tout-à-fait refroidie sur les fers ou aciers qu’on aura enduits pour les essuyer fortement avec un linge sec.