Hôtel Serpente (Tome huitièmep. 609-616).


RIS. Tournefort le place dans la troisième section de la quinzième classe destinée aux herbes à fleurs à étamines, que l’on nomme blés, & il l’appelle Oryza. Von-Linné le classe dans l’hexandrie monogynie, & le nomme Oryza sativa.

Ses fleurs sont à étamines purpurines, les étamines au nombre de six, & un seul pistil. Ses semences sont renfermées dans une panicule ; elles sont ovales, blanches, transparentes, enfermées dans des capsules assez éloignées les unes des autres, cannelées, velues, terminées par une barbe. Ses tiges ou tuyaux cannelés s’élèvent à la hauteur de trois ou quatre pieds ; elles sont grêles ; leurs feuilles sont longues, étroites, terminées en pointe au sommet, placées alternativement, & embrassent la tige par la base. La racine est fibreuse & semblable à celle du froment… Cette plante est originaire des Indes ; on la cultive en Piémont & dans quelques endroits de l’Italie ; elle est annuelle.

Je n’ai jamais cultivé le ris, ni suivi d’assez près ce genre de culture, pour en parler d’après mon expérience. Je préviens que je vais extraire cet article de l’ouvrage intitulé le Gentil’homme cultivateur, publié par M. Hall, & traduit de l’anglois par M. Dupuy d’Emportes.

I. Du terrain propre à cette culture. Le ris n’est point une plante vorace ; elle ne consomme pas beaucoup de principes. Une terre quelconque, pourvu qu’elle en ait une certaine quantité, en a toujours assez pour favoriser la végétation de cette plante, & lui faire acquérir sa parfaite maturité. Les terres légères lui sont propres, pourvu que la couche inférieure ne laisse point échapper des principes de végétation que les eaux dissolvent ; de sorte que l’on peut dire que le ris tire sa principale nourriture de l’eau, puisque l’expérience prouve qu’une terre médiocre devient très-fertile après qu’elle a été en rizière pendant quelque temps.

II. Situation du terrain. Il faut que celui destiné à une rizière soit bien de niveau & bien exposé au soleil, afin qu’il retienne bien l’eau, & qu’on puisse, par une pente douce, la faire écouler chaque fois qu’on veut renouveler l’inondation. Les eaux de rivières sont sans contredit préférables aux eaux de sources. Les eaux des marres & des étangs sont celles qui occupent le second rang : mais si l’on n’avoit que de l’eau de puits ou de fontaine, il faudroit avoir l’attention de faire passer ces eaux à travers une fosse où l’on mettroit de la vase de rivière, une certaine quantité de fumier de cheval, & une égale quantité de crotin de mouton. Toutes les fois que l’on voudroit renouveler les eaux de la rizière, il faudroit, avec une barre ou une espèce de brise-motte, bien remuer les matières à travers lesquelles l’eau qu’on voudroit introduire dans la rizière passeroit ; par ce moyen on supplée au défaut des principes que les eaux des rivières portent avec elles : mais il est certain que le ris n’a point autant de qualité ; nous voulons dire qu’il ne prend point si bien l’eau quand on veut s’en servir : il gonfle difficilement, & conserve une espèce de crudité qu’on ne détruit qu’à force de le faire bouillir & de le remuer avec une cuiller de bois pendant qu’il cuit.

Nous avons encore à faire observer qu’il faut que la rizière soit bien exposée aux rayons du soleil. Les rizières qui n’auroient point cet avantage ne produiroient que des plantes grêles & peu abondantes en graine, & cette graine même n’auroit presque point de qualité, en ce qu’elle ne seroit point spongieuse, & que par conséquent elle ne prendroit que difficilement l’eau & encore moins le lait ou le bouillon.

III. Des préparations à donner au terrain. Il faut bien le labourer ; plus la terre est ameublie & plus elle est favorable à la végétation du ris. On la fume bien. Si la terre est froide, on sent qu’il faut lui donner les fumiers les plus chauds ; si au contraire elle est d’un tempérament chaud & sec, il faut l’amender avec des fumiers humides, comme avec le fumier de vache… On divise la rizière par espaces quarrés, à peu près comme les espaces des jardins. On environne chaque espace d’une espèce de petite levée ou chaussée de terre relevée d’un pied trois pouces de hauteur & épaisse de deux pieds. Cette chaussée retient l’eau dans la rizière : il faut qu’elle puisse soutenir un homme qui passe & repasse dessus pour l’arrosement ; il faut enfin que ces compartimens soient arrosés si commodément que l’eau y découle avec facilité & y séjourne sans s’extravaser par aucune crevasse. Il faut enfin qu’elle y soit retenue comme dans un petit étang. On voit bien par là qu’il n’y a que les plaines qui soient susceptibles déformer des rizières. On fait couler l’eau d’un espace à l’autre par de petites ouvertures, ou ce que l’on appelle clefs pour les étangs, de sorte que l’on peut y faire couler l’eau & l’en ôter à volonté.

IV. De la saison propre à semer le ris. Après avoir bien labouré, ameubli & même pulvérisé la terre, l’avoir amendée avec du fumier analogue à son tempérament, on choisit le commencement du mois d’avril pour l’ensemencer. On sème le ris à peu près aussi épais que le froment, & on le recouvre avec la charrue ou avec la herse.

On observera sur-tout de faire tremper la semence dans l’eau pendant l’espace d’un jour ou deux, & de la répandre toute humide sur le terrain, quand elle commenceroit même à germer. Elle n’en pousse que plus facilement & plus vite. On couvre le terroir d’eau à la hauteur de deux doigts, & on tient l’eau continuellement à cette hauteur. On voit dans peu de tems le ris pousser hors de la superficie de l’eau, & quelque fois si vigoureusement qu’il se verseroit si on n’y apportoit remède.

Lorsque l’on s’aperçoit de cet inconvénient, on n’a qu’à lui ôter l’eau pendant quelques jours, jusqu’à ce que, faute d’humidité, il prenne plus de consistance, plus de nerf, & se remette en bon état. Car comme l’eau, ainsi qu’on l’a déja dit, est l’aliment de cette semence, lorsqu’on l’en prive, on empêche ses tiges de filer. Ainsi, lorsqu’après l’en avoir privé, on voit qu’il est fané par le soleil, on lui redonne l’eau, mais en plus grande quantité qu’auparavant, c’est-à-dire, au moins de quatre à cinq doigts, pour proportionner toujours l’eau au degré de l’accroissement de la plante. On l’augmente lorsque l’on s’aperçoit qu’elle fleurit & que par conséquent elle va commencer à grainer, & on ne l’en ôte plus, tant pour favoriser son accroissement que pour le préserver de la nielle, qui ne manqueroit point de l’attaquer si on le privoit d’eau. On fait enfin écouler les eaux peu de jours avant la récolte.

V. Des soins à donner à une Rizière. Si le ris produit beaucoup, il demande en revanche beaucoup d’attentions journalières. Le propriétaire qui entreprend cette culture, doit aller visiter tous les jours tous les endroits de la rizière, examiner les chaussées, les aqueducs, les écluses, &c. afin que l’eau ne manque point & qu’elle ne s’échappe pas par quelques lézardes, & qu’au contraire elle y séjourne continuellement à la même hauteur. C’est pourquoi on en remet tous les jours de nouvelle qui remplace celle que la terre, l’évaporation & le ris consomment.

VI. Du tems de la récolte. Dès que le ris a acquis sa maturité parfaite, ce qui arrive ordinairement dans le mois d’août, & ce que l’on connoît à la couleur jaune de sa paille, on le coupe, après avoir toutefois fait dessécher la rizière pour donner au ris le temps de se dépouiller de son humidité naturelle. Quant à la façon ordinaire de le moissonner, elle est la même que celle des autres grains, avec cette différence que dans certains cantons on coupe la paille aussi près de l’épi que faire se peut. Il suffit qu’on puisse les lier en petites gerbes, & elles donnent moins de peine à battre quand il s’agit d’en séparer le grain. On conserve le ris dans les greniers comme le blé, pourvu que l’on ait soin de le faire sécher avant de le renfermer & de le remuer de temps en temps jusqu’à la moitié de l’hiver, & proportion du plus au moins qu’on connoîtra qu’il est nécessaire. Lorsque le grain est bien sec on le porte au moulin en tout semblable aux moulins à blés, à l’exception que la meule d’en bas est couverte de liège par-dedans, c’est-à-dire entre les deux meules, afin qu’elles n’écrasent point les grains ; & pour cet effet on hausse un peut celle de dessus, jusqu’à ce qu’il y ait le vide nécessaire pour que le ris puisse bien se moudre.

VII. Des avantages que le sol retire d’avoir été converti en Rizière. Dans plusieurs endroits un champ n’est semé en ris que de deux en deux ans. Que de peines perdues, que de dépenses inutiles pour la construction des petits bâtardaux. Il vaut bien mieux semer pendant deux ou trois années de suite. L’eau de riviere, purement comme eau, a porté sur le sol bien peu d’amendement ; mais cette eau a empêché l’évaporation des principes contenus dans le sol ; elle a attiré à elle les émanations de l’air ; une multitude d’insectes a pris naissance dans son sein, & y a laissé ses dépouilles ; les plantes non aquatiques s’y sont pourries, & de toutes ces décompositions le sol s’est enrichi ; mais que les habitans des environs des rizières paient bien chers les avantages d’une telle récolte !

M. Hall est du sentiment que les rizières établies dans des endroits naturellement marécageux, nuiroient moins, vicieroient moins l’air que ces marécages, parce que, dit-il, le ris absorbe en végétant l’air méphitique. Ce raisonnement n’est que captieux, il faudroit commencer par prouver que la végétation du ris absorbe tout l’air méphitique (consultez ce mot), & la chose est impossible. Cette vérité a été si bien reconnue, qu’il est défendu en Espagne d’établir des rizières à une lieue de distance des villes. On n’y compte donc pour rien les bourgs & les villages ? Il est de fait que dans les pays de l’Europe où l’on cultive le ris, les fièvres tierces y sont presques continuelles &. détruisent les habitans. On en a fait la triste expérience dans le Forès, dans le Languedoc, &c. lorsqu’on a voulu y introduire la culture du ris. Si l’observateur se transporte dans le Piémont, il jugera des maux que cette culture traîne après elle par les visages livides, pâles & décharnés de ses habitans. Mais ce n’est pas répondre à l’assertion de M. Hall. Les rizières & les lieux marécageux ne valent pas mieux les uns que les autres pour la santé de l’homme. Sous un gouvernement sage, qui compte pour beaucoup la santé des habitans, les terrains marécageux doivent être desséchés, à moins que les dépenses ne soient excessives ; & quand même elles seroint considérables, il trouvera, toutes les fois qu’il le voudra, des compagnies qui se chargeront du dessèchement, s’il est bien prouvé que le sol soit susceptible de culture. Ce que des particuliers ont exécuté près de Dunkerque prouve mon assertion. En général, presque tous les endroits marécageux du royaume appartiennent à des communautés & sont communaux, c’est par cela même qu’ils sont marécageux (consultez ce mot) ; il vaut beaucoup mieux qu’il sorte chaque année une certaine somme d’argent du royaume, en échange du ris qui s’y consomme, que de sacrifier la santé des habitans d’une province entière. On auroit beau établir la loi de ne semer le ris qu’à la distance d’une lieue des villes, cette distance n’est pas suffisante. L’expérience ne prouve que trop souvent que les exhalaisons des marais & des étangs de la Sologne, s’étendent jusqu’à Blois, jusqu’à Orléans, & y portent le fléau des fièvres. Bientôt la ville de Frontignan sera déserte ; les Capucins l’ont déja abandonnée.

VIII. Des qualités nutritives & médicinales du ris. Ce grain est très-nutritif. Plusieurs nations en font un pain qu’elles trouvent aussi agréable au goût & aussi avantageux pour la santé que le pain de froment. Les semences de ris en décoction tempèrent la soif, la chaleur du corps & l’ardeur des urines. Elles constipent légèrement & pèsent quelquefois sur l’estomac. Elles développent beaucoup d’air ; elles tendent avec assez de promptitude vers l’acide : elles sont rarement utiles aux enfans, aux personnes délicates qui mènent une vie sédentaire, aux mélancoliques. La crème de ris, nourriture légère, rafraîchissante & agréable, convient dans plusieurs espèces de maladies, comme dans la toux essentielle, la toux convulsive, l’hémoptysie par la toux ou par un effort ; la diarrhée causée par des médicamens âcres ou par des poisons ; sur la fin de la dyssenterie bénigne & des maladies aiguës, lorsqu’il n’existe ni météorisme ni humeurs acides dans, les premières voies, ni vomissemens ni douleur extrêmement vive dans la région épigastrique… Sous forme de cataplasme, plusieurs praticiens préfèrent le cataplasme de ris au cataplasme de mie de pain, dans l’inflammation des mamelles, dans celles des glandes des aisselles, lorsqu’elles sont accompagnées d’une grande dureté de douleur, & de chaleur.

De la culture du ris sec.

Depuis un certain nombre d’années, on ne cesse de parler de cette culture & de la nécessité de l’établir en France.. Il est constant qu’elle mériteroit la préférence sur celle du ris ordinaire, puisqu’elle ne nuiroit pas à la santé des habitans. Le point de la question est de savoir si le climat de France conviendroit à cette plante. C’est au temps & à l’expérience à le prouver. Voici ce qu’on lit à son sujet dans le Journal d’Agriculture du mois de février 1772. Le Mémoire est de M. de Reine, habitant de l’isle de France.

On cultive à Madagascar, dans le Bengale & à la Chine, cinq espèces de ris, dont les trois premières croissent le pied dans l’eau & les autres sans eau. Le gros ris blanc, le ris rouge & le petit ris sont les trois premières espèces. On les a naturalisées en Piémont ; on en avoit fait des plantations en Auvergne sous le ministère du cardinal de Fleury ; elles avoient réussi, mais comme elles infectoient l’air & causoient des épidémies, elles furent détruites par ordre du gouvernement.

Le ris sec n’exhale point de vapeurs pestilentielles, il est d’un meilleur goût que le ris aquatique ; il est moins gluant, s’enfle plus à la cuisine, & a un léger goût de noisette, qui fait qu’on le mange avec plaisir, sans qu’il soit même assaisonné.

Les deux espèces de ris sec sont le ris long & le ris rond. Celui que M. de Reine a reçu & qu’il distribue, est le ris long. Il rapporte beaucoup, mais il a une pellicule rouge qui le rend plus difficile à blanchir au pilon ; cette pellicule ne lui donne aucun mauvais goût… Le ris rond paroît préférable au ris long, parce qu’il vient bien sur les hauteurs, & sous une température plus froide. Il est plus aisé à piler, mais il s’égraine facilement. Il faut se hâter de le couper lorsqu’il est mûr, sans quoi on en perd beaucoup, surtout s’il fait du vent.

Le ris sec est celui qui réussit le mieux tous la zone torride dans les terres nouvellement défrichées. M. de Reine étant à l’isle de France, en tira de Mangalor, côte du Malabar, environ quatre onces. Il le planta & le replanta, la troisième année il récolta trente deux milliers pesant. Cette multiplication est prodigieuse. Dans ces climats brûlans, on ne doit planter ce ris sur les terres défrichées, que sur la fin de la saison des pluies ; mais on le plante avant cette saison dans les terres qui ont porté plusieurs récoltes. Quoique le ris sec ne demande pas d’être dans l’eau, il lui faut pourtant un terrain qui ait une certaine fraîcheur.

Comme la végétation est rapide dans les climats brûlans, dit M. de Reine, j’ai éprouvé que le ris ne restoit en terre que 30 à 40 jours.

Pour que mon ris levât également, je le plantois avant les pluies qui arrivent vers novembre & décembre.

Je présume qu’on pourroit en France le planter de bonne heure dans des endroits à l’abri du froid, pour le transplanter en pleine terre quand le temps des gelées seroit passé, ou le semer sur couche & sous châssis. Ce seroit le moyen de pouvoir récolter au mois d’août. En Europe un bon terrain exposé au midi, & qui seroit un peu en pente, conviendroit le mieux au ris sec. Il occupe la terre de quatre mois à quatre mois & demi à l’isle de France ; dans l’Inde, il mûrit plutôt.

On dit qu’il faut planter le ris parce que c’est la seule manière de le cultiver dans les colonies. Il seroit très-difficile de faire autrement en Europe, vu qu’il est nécessaire que les touffes de ris soient à 15 ou 18 pouces de distance les unes des autres. Si on le plantoit plus près, comme il talle beaucoup, les jeunes plantes s’étoufferoient.

Dans les terres nouvelles de la zone torride, la couche végétale est tellement embarrassée de grosses & de petites racines, qu’il est très-difficile de faire des trous à coups de pioche. Il faut y planter le ris avec un’piquet ou plantoir quarré par le bout. On fait des trous de trois bons pouces de profondeur, & l’on jette dans chacun trois, quatre ou cinq grains de ris au plus, que l’on recouvre en rabattant dessus la terre des bords du trou avec le même plantoir. Quand le défrichement a plusieurs années, les pluies, les rosées & la grande chaleur ont fait pourrir les racines, & l’on peut se servir de la pioche ou du plantoir ; mais M. de Reine préfère encore ce dernier.

Si on vouloit éviter de planter le ris en Europe, il faudroit ou le donner parfaitement mêlé avec une grande quantité de terre au semeur, ou employer des semoirs qui ne laissent tomber les grains qu’à la distance indiquée, ce qui paroit très difficile. Il vaut donc mieux avoir recours à la plantation. Elle n’emportera pas autant de temps qu’on le pense, puisqu’on peut planter les grains même à 20 pouces de distance.

Si le ris étant acclimaté, on vouloit en ensemencer de grands terrains, on pourroit choisir entre les deux méthodes suivantes, ou d’avoir quelqu’un qui suivit la charrue & déposât les grains en les recouvrant avec le pied, ou quelqu’un qui, marchant devant elle, laisseroit tomber dans le sillon quelle viendroit d’ouvrir les grains que la charrue elle-même recouvrirait en traçant le sillon suivant ; car il est essentiel de ne pas laisser le grain à découvert, pour le préserver des ravages des oiseaux.

En Europe, il faudra très-peu enfoncer le dernier labour qu’on fera en semant ou en plantant le ris. La raison en est que plus le climat est froid, & plus le grain doit être près de la superficie de la terre, pour mieux profiter de l’influence du soleil. Deux pouces de profondeur seront plus que suffisans.

Le ris en herbe ressemble assez à l’avoine. Il porte comme elle un épi en grappe d’environ trois à quatre pouces de longueur, & qui contient depuis 30 jusqu’à 50 grains. Comme chaque semence pousse plusieurs tuyaux, on estime que le ris sec rend au-delà de cent pour un.

La paille du ris sec s’élève a deux pieds & demi ou trois pieds dans la zone torride. Elle est bonne pour la nourriture des bêtes à corne. Il est vraisemblable qu’elle seroit meilleure en Europe, parce qu’elle y seroit moins desséchée. La récolte se fait comme celle de nos bleds, en coupant la paille à trois ou quatre pouces au dessus du sol. Après que le ris est coupé, il repousse un regain excellent pour les bestiaux. On pourroit le laisser deux ans en terre, mais à la seconde année il donneroit beaucoup d’herbe & peu d’épis mal grainés. Cependant M. de Reine assure qu’il a souvent fait trois récoltes par an sur un même terrain.

Pour battre le ris on attache horizontalement à deux pieds & demi ou trois pieds de hauteur, & à côté l’un de l’autre., deux morceaux de bois de quatre à cinq pouces de diamètre & d’une longueur convenable. On place dessous ces deux perches une natte ou un drap, & prenant ensuite à deux mains une grande poignée de paille de ris, on bat les épis a deux ou trois reprises sur les perches ; le grain tombe & la paille n’est pas froissée ; c’est la méthode employée à L’isle de France. Celle de nos fléaux paroîtroit être plus expéditive ; mais M. de Reine assure le contraire. Le ris ainsi égrainé conserve son enveloppe ou balle ; tant qu’il est couvert de cette balle, on l’appelle ris en paille ; c’est dans cet état qu’il faut le semer ou le planter. Avant de serrer le ris en paille, on le fait sécher au soleil. Si on le met ensuite dans un lieu bien sec, il se conserve plusieurs années & même au-delà de 20 ans. De tous les grains de la zone torride, c’est celui qui se conserve le plus long temps s’il n’est pas attaqué par une espèce de papillon qui le mange dans sa balle. Dans ce cas il faut faire monder le ris. Pour monder ou blanchir le ris on le pile dans des mortiers de bois.

Lorsqu’on a fait piler une quantité considérable de ris, on le fait vanner dans un grand plat de bois léger, & l’on en retire, outre le grain blanchi, une espèce de farine qui est proprement le germe du ris. On fait de cette farine une bouillie très-délicate, d’une digestion facile, excellente pour les enfans & pour les malades. On la conseille surtout aux personnes qui sont attaquées de la dyssenterie ou du flux de sang, ou qui ont un mauvais estomac. Le ris blanc peut se conserver encore plusieurs années en le vannant au moins deux fois par an, sans quoi il contracteroit un goût désagréable, & seroit attaqué dans les climats chauds par un petit insecte noir un peu plus gros que la mite. Depuis plus de 20 ans qu’on envoye des Indes, de ce ris à M. de Reine, il n’y a jamais vu cet insecte, quoiqu’il ait conservé du ris pendant dix ans : la température est sans doute trop froide en Europe.

La farine de ris n’est pas propre à être mélangée avec aucune autre farine pour en faire du pain cuit au four. Elle demeure compacte & ne lève pas ; mais le ris en grain sert à une infinité d’usages, sans compter ceux qu’on connoît en Europe.

Si le Cours d’Agriculture tombe entre les mains de quelques personnes qui aient du ris sec & susceptible d’être semé, l’Éditeur les prie d’avoir la complaisance de lui en céder quelque peu. Il en suivra la culture avec le plus grand soin chez lui, & la fera suivre par des gens instruits en Provence & en Languedoc, afin de s’assurer si on peut cultiver avec quelque succès ce ris en France.