Cours d’agriculture (Rozier)/RAFRAÎCHIR

Hôtel Serpente (Tome huitièmep. 495-496).


RAFRAÎCHIR. Terme de jardinage qui désigne l’opération par laquelle on coupe l’extrémité des racines avant de planter un arbre. Il est constant que si un arbre est depuis long-temps enlevé de terre, s’il a resté quelques jours exposé à l’air, l’extrémité des racines doit être desséchée & raccornie ; dans ce cas, il est essentiel de rafraîchir les racines, c’est-à-dire de couper le bout sur l’épaisseur seulement d’un sol marqué. Si l’écorce des racines est très-endommagée, de manière que sa partie ligneuse reste à nu, c’est encore le cas de supprimer cette partie ; mais si cette plaie se trouve au haut d’une forte racine, on rendroit un mauvais service à l’arbre ; il suffira dans ce cas de cerner l’écorce tout au tour de la plaie, & de la recouvrir avec de l’onguent de St. Fiacre. Si le bout d’une racine est froissé, écorché, partagé, cassé en esquille, c’est le cas de la rafraîchir, c’est-à-dire de supprimer tout ce qui est altéré ; mais qu’il y a loin de cette opération simple & méthodique, à la manière barbare dont les planteurs d’arbres traitent les racines ; ils commencent par détruire le pivot, ils raccourcissent toutes les grosses racines, & leur fureur s’étend même jusque sur les chevelus. La nature qui ne fait rien en vain, a-t-elle donc prodigué les racines aux arbres pour qu’on les coupe ? Les a-t-elle multipliées, suivant les besoins de l’arbre, pour les soustraire dans le moment où elles sont les plus essentielles, afin de faciliter sa reprise ? Que résulte-t-il d’un pareil travail ? que la reprise est foible, traîne & languit ; que l’arbre pousse à peine quelques petits rameaux ; que si la sécheresse survient, sa végétation est nulle ; enfin, que les trois quarts de la plantation périssent. Propriétaires, qui achetez vos arbres chez les pépiniéristes, ne recevez point, à quelque prix que ce soit, ceux dont la greffe fait le bourrelet, ceux dont les racines sont écourtées. Il vaut mieux payer le double pour avoir un bon arbre bien enraciné ; sa reprise est assurée, & il ne vous obligera pas, l’année d’après, d’ouvrir une nouvelle fosse, d’acheter un nouvel arbre, & de le planter. Que l’on calcule les frais de replantation, & on jugera qu’il valoit mieux payer le double pour avoir un bon arbre… Lorsque les arbres ont resté long-temps en route, & hors de terre, il convient, avant de les planter & de les rafraîchir, de les laisser pendant 12 à 24 heures dans l’eau ; mais on ne doit jamais les y plonger deux fois ; sortant de l’eau, il faut les planter sur le champ.