Cours d’agriculture (Rozier)/POIRÉE ou BETTE (1)

Hôtel Serpente (Tome huitièmep. 73-74).


POIRÉE ou BETTE. Von-Linné la classe dans la pentandrie dyginie, & la nomme Beta vulgaris. Tournefort la place dans la première section de la quinzième classe des herbes à fleurs, à étamines, dont la partie inférieure du calice devient le fruit, & il l’appelle Beta alba, vel pallescens quæ Cicla officinarum.

Fleur ; apétale, à étamines, composée de cinq étamines placées dans un calice divisé en cinq pièces ovales, oblongues & obtuses.

Fruit ; espèce de capsule à une seule loge qui renferme une semence en forme de rein, comprimée, entourée du calice, & comprise dans sa substance.

Feuilles ; grandes, longues, très-entières, se prolongeant sur le pétiole qui est aplati, épais, large, blanc ou vert, de couleur de la feuille suivant la variété.

Racine ; cylindrique, en forme de fuseau, longue & blanche.

Port ; tiges souvent de plus de deux coudées, cannelées, branchues ; les fleurs naissent au sommet & quelquefois des aisselles des feuilles ; les feuilles sont alternativement placées sur les tiges.

Lieu. Les bords de la mer, cultivée dans les jardins potagers. La plante est bienne, & fleurit en mai & en juin.

Culture. Les soins donnés à la plante maritime naturellement petite, d’une seule couleur, d’un vert foncé & triste, ont produit la poirée des jardins, dont les feuilles sont d’un vert tirant sur le jaune, &C leurs pétioles blancs. Une culture encore plus soignée a produit la superbe poirée appelée de Hollande, qui ne diffère des précédentes que par une plus grande hauteur & largeur des feuilles & l’amplitude des pétioles. On fera bien de ne cultiver que cette dernière, celle à pétiole vert a un goût un peu sauvage.

On sème la poirée en mars ou en avril, & même jusqu’en août, suivant le climat ; dans les provinces du midi, elle monte tout de suite en graine si on la sème un peu tard.

Si on veut faire un carreau entier, cela suppose un semis en pépinière d’où on tire les pieds pour en garnir le carreau, dès qu’ils sont assez forts & peuvent supporter la transplantation. Quelques-uns se contentent de faire des bordures le long des allées, dans l’intention de se procurer du menu jardinage en recoupant sans cesse les feuilles ; mais si on veut cultiver la poirée pour le pétiole ou côte de la feuille, on laisse un pied & même un pied & demi de distance d’une plante à une autre, sur-tout si on cultive la belle espèce de Hollande, & si le sol lui convient. Le produit de cette plante consiste dans ses feuilles : on les coupe dès que la côte est large & bien formée ; il en pousse de nouvelles que l’on coupe de nouveau, & ainsi de suite jusqu’aux gelées ; mais il faut observer de ne point toucher aux feuilles du centre de la plante, parce que ce sont celles qui seront ensuite bonnes à couper. Après chaque cueillette de feuilles on donne un bon labour à la plante, on fume même chaque fois le sol si on veut avoir d’amples récoltes. Les fréquens arrosemens ou irrigations ne doivent pas être épargnés ; si on les néglige, la côte de la feuille sera dure & la feuille prendra peu d’accroissement.

Ces plantes supportent les hivers en pleine terre dans les provinces du midi, & la poirée verte mieux que toute autre, parce qu’elle est moins éloignée de son état primitif que la poirée de Hollande. Dans le nord on fera bien de couvrir les plantes avec la paille de litière ; après l’hiver on aura encore plusieurs récoltes de feuilles, jusqu’à ce que la plante monte en graine. Si on veut que la graine soit belle, soit bien nourrie & produise ensuite de belles poirées, on laissera à la plante toutes ses feuilles : lorsqu’on la verra disposée à élancer sa tige, on fera très-bien de soutenir les tiges avec des piquets, afin que les coups de vents ne les coudent pas ne les renversent pas.

Propriétés médicinales. Plante aqueuse dont la saveur fade est mêlée avec une espèce d’âcreté nitreuse. Elle est placée au rang des cinq plantes émollientes : elle est délayante, indigeste peu nourrissante, relâchante. Le suc exprimé des feuilles & particulièrement de la racine, inspiré par le nez, fait éternuer & déterminer par les fosses nazales une évacuation plus abondante de mucosités ; en conséquence il est proposé pour les douleurs rhumatismales & l’enchifrènement catarrhal. Les feuilles appliquées sur l’espèce d’excoriation produite par les vésicatoires en entretiennent l’écoulement séreux : elles agissent de même sur l’ulcération de la tête par la teigne, sur celle des cautères.