Cours d’agriculture (Rozier)/PINTADE (Supplément)


PINTADE. Cette poule, originaire des contrées brûlantes, a été très-bien décrite à son article, pour la forme et le caractère. À la vérité, Rozier n’en ayant jamais élevé, s’est trouvé forcé de copier ce qui a été dit : mais comment parler sainement des objets qu’on n’a pas vus par soi-même, et qu’on est réduit à s’en rapporter à ceux qui souvent n’en savoient pas davantage ? Ces réflexions me déterminent à présenter quelques observations particulières sur les mœurs et les habitudes de cet oiseau.

La pintade, ainsi nommée à cause de l’agréable disposition de son plumage, est d’origine africaine ; on l’élevoit autrefois en Italie avec des soins recherchés ; elle faisoit, chez les Grecs et les Romains, les délices des tables : mais il semble que l’espèce s’en est perdue en Europe, car on ne la voit plus reparoître qu’au seizième siècle ; ce n’est même que depuis fort peu de temps que la pintade a été admise dans nos basses-cours ordinaires, peut-être à cause de son cri aigu et perçant, qui l’a fait appeler, par Browne, gallus clamosus. Elle est en effet tellement pétulante et querelleuse, que malgré sa fécondité et la délicatesse de sa chair, la plupart des économes qui ont tenté d’adoucir son humeur irascible, et de la rendre sociable avec les individus de sa grande famille, les gallinacées, paroissent renoncer aux espérances qu’ils avoient conçues d’abord, attendu la difficulté de l’entreprise.

Cependant, sans vouloir disculper tout à fait la pintade des justes reproches qu’elle mérite, j’observerai, relativement au cri dont on se plaint, qu’il paroît provoqué toujours par des causes, qui véritablement réclament, en faveur de cet oiseau, une sorte d’indulgence : la pintade crie, mais c’est au moment où il survient quelques variations dans l’atmosphère ; elle crie, lorsqu’elle demande à couver, ou qu’elle conduit ses petits, pour appeler le mâle, quand, par un évènement quelconque, elle s’en trouve séparée, et qu’elle a besoin de secours pour se défendre contre leurs ennemis communs. Si une d’entr’elles est poursuivie et blessée, toutes les pintades d’alentour prennent part à l’accident, et se font entendre sur le même ton ; aussi ne leur arrive-t-il pas la moindre chose, que le maître n’en soit averti sur-le-champ.

La pesanteur de son corps, et la trop petite envergure de ses ailes, ne permettent pas à la pintade de prendre facilement son vol de dessus les arbres, où elle aime néanmoins à se percher ; mais en domesticité, elle se tient sur le faîte des édifices, se rend maîtresse de la basse-cour ; et, quoique plus petite que les dindons, elle leur en impose, de manière que, comme le dit le Père Margat, elle a plus tôt fait dix tours, et donné vingt coups de bec, que ces gros oiseaux n’ont pensé à se mettre en défense ; enfin, excepté le paon, toutes les volailles sont forcées de lui céder.

Des pintades de Saint-Domingue. Transportées dans nos colonies par les Génois, en 1508, les pintades sont parfaitement acclimatées dans les possessions espagnoles, où elles errent en liberté au sein des bois et des savanes. Curieux de connoître l’influence qu’avoit pu produire, sur leurs mœurs et leur caractère, cette partie du nouveau monde, je chargeai un jeune naturaliste, M. Damart, que j’avois fait employer par le gouvernement aux îles du Vent, de prendre sur les lieux tous les éclaircissemens dont j’avois besoin, pour fixer l’opinion à cet égard. Il vient de débarquer, après avoir échappé à la fièvre jaune et à la fureur des nègres : voici le résultat des observations qu’il m’a communiquées.

La pintade est parfaitement naturalisée à St-Domingue ; elle y vit sous deux états, domestique et sauvage ; cette dernière condition paroît être celle qui convient le mieux à son tempérament : mais il existe une différence entre l’un et l’autre, c’est que les sauvages se reconnoissent à la tête, qui est presque noire ; et le créole, qui achète au marché une de ces pintades tuées, s’y trompe rarement.

C’est sous le nom de pintades marronnes que les pintades sauvages sont désignées ; elles multiplient considérablement dans les bois de la partie espagnole de St-Domingue, où on les rencontre par troupes ; elles courent extrêmement vite, et ne volent pas volontiers, à moins que ce ne soit pour se jucher. Le chasseur créole, dans le dessein de les atteindre et de les tuer facilement, s’occupe d’abord de les faire percher ; il y parvient, au moyen de chiens dressés à cet effet : aussitôt qu’elles se sentent poursuivies, elles prennent d’abord la fuite, et ne tardent pas ensuite à prendre leur essor pour se percher : le chien les suit et il demeure au pied de l’arbre à attendre son maître. Les pintades, inquiètes, restent sur l’arbre jusqu’à ce que le chasseur, arrivant, a la facilité d’en tuer souvent plusieurs d’un seul coup.

C’est ordinairement le soir qu’on chasse les pintades sauvages, parce qu’à cette époque de la journée, elles se décèlent pour se réunir et jucher comme font les perdrix. Mais si les habitans de la partie espagnole négligent l’éducation de ces oiseaux, c’est parce qu’ils sont extrêmement communs dans les bois, et que leur chair, et sur-tout celle des pintadeaux, est un gibier délicieux, infiniment préférable à celle des pintadeaux domestiques : car, dans la partie française, où il n’y a presque point de pintades marronnes, les habitans s’adonnent davantage à en élever dans les basses-cours ; elles exigent peu de soins ; on les abandonne pour ainsi dire à elles-mêmes ; elles courent les champs, et reviennent assez souvent se percher près de l’habitation ; elles vont poudre et couver dans les halliers, élèvent leurs petits ; mais la plupart sont perdus pour la maison qui les nourrit : la mère étourdie, s’enfuyant au moindre bruit, les délaisse bientôt ; ils s’égarent, meurent ou sont la victime des animaux de proie.

Pour remédier à cet inconvénient, les ménagères attentives, qui s’occupent de l’éducation des pintades, cherchent à découvrir leurs nids, pour enlever les œufs, et les donner à couver à des poules ordinaires. Cette recherche exige du temps et des soins : on pourroit la rendre plus facile et plus heureuse, par le secours de chiens de chasse, de même qu’on le fait pour les chiens destinés à la chasse de la pintade sauvage ; ils auroient d’autant plus de succès, qu’ils feroient lever la couveuse, qui se décèleroit par son cri. Elle a toujours un caractère sauvage, quoique dans la domesticité, et se plaît plus souvent à l’écart, dans les savanes, que parmi les oiseaux de la basse-cour ; car, elle trouve sa subsistance dans les graines, dans les insectes ; peut-être la nature de cette nourriture la sollicite-t-elle à s’éloigner des habitations pour choisir et trouver ces ressources.

Les pintades vont souvent par troupes, mais toujours précédées par un chef, qui est mâle : c’est le surveillant ; il s’agite et crie dès qu’il apperçoit un oiseau de proie planant sur elles : toutes alors poussent des cris perçans, se séparent, et se mettent à courir, pour se tapir sous quelque hallier, ou sous les hangars de la basse-cour, si elles en font partie : la peuplade volatile répète la même chose ; la terreur devient générale ; les oies crient ; les poules volent pour accélérer leur retraite ; la mère cache ses poussins, que l’instinct porte déjà à se soustraire à la serre meurtrière : en un mot, les ménagères négresses, averties parce tintamarre effroyable, se mettent aussi à faire chorus pour éloigner la buse, qui souvent est détournée par le vacarme qu’elle occasionne, mais dont elle n’est pas toujours épouvantée, puisqu’au milieu de cette espèce de concert, elle enlève souvent des poulets. M. Damart ajoute avoir été témoin d’un combat d’un de ces fameux coqs espagnols qui, après quelques assauts, força une buse à la retraite.

Lorsque la pintade crie le soir, ce cri paroît exprimer l’embarras où le met cet essor, pénible vraisemblablement, qu’elle doit faire pour se percher, à cause de la constitution de l’envergure ; mais, lorsque dans le cours de la journée cet oiseau crie, il annonce, d’une manière certaine, de la pluie on quelque mauvais temps : c’est ce que les ménagères attentives observent très-bien.

D’après ces détails, que M. Damart m’a fournis, il paroît démontré que la pintade, à St-Domingue, n’a rien perdu de ses goûts naturels dans la domesticité. Appartenant à l’ordre des oiseaux pulvériseurs, qui cherchent, dans la poussière où ils se vautrent, un remède contre l’incommodité des insectes, elle gratte aussi la terre, comme nos poules ordinaires ; et ce n’est qu’à la saison des amours qu’elles se séparent, pour aller deux à deux. Il n’est pas facile, au premier coup d’œil, de distinguer le mâle d’avec la femelle : cependant, chez le premier, la peau des paupières est bleue ; elle est rouge chez la femelle.

De la ponte, et de la couvaison des pintades. Le coq pintade peut fournir à six poules, et même à un plus grand nombre ; mais, à cette époque, la barbe est plus rouge ; il crie davantage, et est fort jaloux : les circonstances de son accouplement sont à peu près les mêmes que pour les perdrix ordinaires, excepté que le mâle est très-attaché à sa femelle, qu’il ne la quitte jamais lorsqu’elle pond, et qu’il reste constamment sur le panier jusqu’à ce que l’opération soit terminée.

La pintade dépose ses œufs par-tout où elle se trouve, excepté dans le poulailler : on a beaucoup de peine à la fixer ; on en vient cependant à bout ; mais la femelle et le mâle, qui passent la nuit au milieu des poules, ne sont jamais séparés l’un de l’autre : la femelle aime à pondre à l’aventure, dans les bois, mais de préférence dans les prairies artificielles, et dans les pièces de blé ; sa fécondité est extrême ; sa ponte commence dès les premiers jours de mai et continue jusqu’au mois d’août, pourvu qu’elle ne soit pas gênée ni interrompue pendant le cours de la ponte. Notre collègue Sageret a vu chez lui, à Billancourt, près Sèvres, la pintade faire un grand nombre d’œufs, ne mettre que quelques jours d’intervalle d’une ponte à l’autre : celle de l’automne est à la vérité moins considérable qu’au printemps.

Dès qu’on s’aperçoit que la pintade a choisi pour son nid une luzernière, il faut faire en sorte de lever les œufs, surtout au moment où l’herbe de la prairie est bonne à couper ; car la fauchaison ne manqueroit pas de déranger la couvée, qui alors seroit perdue. Si c’est au contraire une pièce de blé que l’oiseau a préférée, on ne court aucun risque de lui laisser poursuivre sa ponte, parce que l’époque de l’exclusion du pintadeau de la coquille coïncide avec celle de la moisson.

Les sentimens sont partagés, pour savoir si la pintade a réellement soin ou non de sa couvée : le problème est encore à résoudre. Nous avons vu qu’à St-Domingue on ne lui permet pas de couver elle-même ses œufs, par la raison qu’elle ne s’y attache point et qu’elle abandonne souvent ses petits : dans ce cas, il faut donc la faire suppléer par des poules, ou mieux, par des poules d’Inde. Alors, la pintade, devenue libre, perd bientôt le désir de couver pour prendre celui de pondre.

Plusieurs faits cependant sembleroient prouver que des pintades, qui avoient amoncelé leurs œufs dans une luzernière, les ont couvés avec succès ; et M. Sageret que nous aimons toujours à citer, parce qu’il est exact et bon observateur, remarque que mal à propos on a reproché à la pintade de n’avoir qu’un foible attachement pour son nid ; que si elle a réellement ce défaut, il est commun aux autres oiseaux un peu sauvages, quand on les dérange et qu’on les effarouche. Peut-être ne se soucie-t-elle pas de pondre à la maison, dans la vue de soustraire ses œufs à l’indiscrétion des curieux et des malveillans, que son cri et ses coups de bec ne parviennent pas à repousser, quoiqu’elle se laisse difficilement approcher.

Mais il en est autrement dans la basse cour : peut-être ne permet-on pas à la pintade de couver ses œufs, moins à cause de l’indifférence qu’elle montre pour son nid, où elle a été dérangée, que parce qu’elle ne se dispose à les couver que vers la fin d’août, et qu’alors il seroit trop tard dans nos climats pour le succès de l’éducation des petits. Il faut donc, ainsi que nous l’avons déjà dit, recourir de bonne heure aux poules d’Inde, qui s’acquittent parfaitement de cet emploi. Si, au contraire, c’est la pintade elle-même qui couve, il faut la soustraire au regard du mâle ; car, s’il la voyoit, il casseroit les œufs. La durée de l’incubation est de vingt-huit à vingt-neuf jours, selon les climats, l’attention et l’ampleur de la couveuse.

D’après le caractère volage des pintades, et les observations de notre collègue Sageret, il semble qu’il vaudroit mieux les abandonner à elles-mêmes, toutefois en les surveillant, que de les contraindre à pondre près du poulailler, ou de confier leurs œufs à une autre femelle. Plus libres et plus tranquilles dans les champs, elles amènent à la ferme leurs petits, quand ils sont assez forts pour les suivre, et, quoiqu’un peu farouches, ils s’accoutument avec les autres volailles ; mais lorsque le temps n’est pas favorable, et qu’ils ne joignent pas assez tôt le gîte, il est nécessaire que la fille de basse-cour protège et accélère leur retour. M. Sageret observe encore que quand une fois on a découvert le nid où elles couvent, il faut jeter du grain auprès ; que le mâle revient toujours coucher la nuit au poulailler, et rejoint pendant le jour la couveuse ; mais que quand les petits sont éclos, et qu’il fait beau, le père et la mère les promènent ensemble : d’où il conclut, de ces observations, qu’il faut d’abord se borner à élever les pintades dans les cours écartées pour en tirer parti ; et que probablement la domesticité et les caresses de la gouvernante parviendront insensiblement à corriger leurs défauts ; mais que, placées dans des parcs, les pintades prospéreroient comme le faisan, et seroient, ainsi que l’observe M. Sonnini, un gibier de plus.

Éducation des pintadeaux. On ne peut se dissimuler que les pintadeaux ne soient difficiles à élever, sur-tout quand la saison est humide et froide ; cependant, au moment d’éclore, ils percent aisément la coquille, quoique fort dure, et sont disposés à manger et à marcher d’eux-mêmes, comme les poussins.

On n’est pas tout à fait d’accord sur la nourriture qui leur convient le mieux : les uns prétendent qu’elle doit consister dans une pâte avec du persil haché, de la mie de pain et des œufs durs ; les autres recommandent du chènevis et du millet écrasés, et mêlés avec de la mie de pain et des œufs. Je crois avoir remarqué que pour rendre toutes ces substances plus efficaces à la première éducation des pintadeaux, il convenoit de leur associer des œufs de fourmi, et que, quand il étoit impossible de se procurer une pareille ressource, il falloit la remplacer par la verminière, et en continuer l’usage pendant vingt à vingt-cinq jours au moins.

L’avidité avec laquelle les oisons et les canetons se jettent sur la viande, l’instinct des poussins ordinaires, des poussins d’Inde et de tous les oiseaux qui grattent la terre pour avoir des vers, qui mangent des sauterelles et autres insectes semblables, sont des indices, suffisans pour nous apprendre que la première nourriture des oiseaux devroit toujours être composée d’un mélange de matières végétales et animales, et auroit une grande influence sur le succès de leur éducation ; cela m’autorise à croire qu’on ne fait pas assez d’usage de la verminière adoptée et proposée pour la nourriture exclusive des poules. Rien, à mon gré, n’est plus économique, ni plus salubre, ni plus propre à la constitution physique de la volaille, quand on a soin d’en proportionner la quantité à l’âge, à la saison, et aux ressources locales. Ce goût pour les vers se fortifie à mesure qu’elle se développe, et on connoît l’agilité avec laquelle elle les découvre et les saisit pour s’en nourrir. J’ai vu, pendant mon séjour en Angleterre, chez lord Egremont, distribuer tous les jours des œufs de fourmi aux poussins d’Inde, et cette nourriture leur réussir à merveille.

Je lis dans l’Histoire naturelle des Oiseaux, par Buffon, édition de Sonnini, une note de M. Virey, sur la pintade. Ce jeune homme, qui a déjà tant fait pour sa gloire et pour les sciences, prétend qu’à mesure que les oiseaux vivent de matières animales, leurs intestins sont plus courts ; que ceci indique, dans la pintade, un grand appétit pour se nourrir d’insectes et de vermisseaux : cet oiseau est pour cela même plus méridional que le reste de sa famille naturelle ; car c’est dans le midi que naissent une foule d’insectes. Je le répète, il n’est pas douteux qu’en donnant aux pintadeaux domestiques, comme aux faisandeaux, des œufs de fourmis de pré, et ensuite, à mesure qu’ils avancent en âge, de fourmis de bois, qui sont plus gros et plus solides, leur réussite seroit plus assurée : mais, à défaut d’une pareille ressource, il faut y suppléer par de la viande crue ou cuite hachée, mêlée avec de la mie de pain et du grain moulu, et de temps en temps par la verminière. Ce moyen, appliqué indifféremment à tous les oiseaux de la basse-cour, dans le premier âge, rendroit leur éducation plus facile et moins équivoque.

Nourriture des pintades. Un mois après leur naissance, les pintades semblent être acclimatées ; le chènevis pur, l’avoine, le sarrasin, le blé, le son, les pommes de terre cuites, toutes sortes d’herbes, principalement les poirées, les laitues et les choux peuvent entrer dans la composition de leur nourriture : enfin, elles s’accommodent très-bien du régime ordinaire des poules.

L’appétit de la pintade suffit pour l’engraisser tout naturellement, sans qu’il soit nécessaire de recourir à la castration et aux autres moyens barbares que la sensualité a fait imaginer ; il n’est question que de lui donner des alimens substantiels, d’une certaine consistance et à discrétion ; de l’empêcher de courir, de la placer dans un lieu éloigné du bruit. Quand elle est jeune, sa chair est plus succulente que celle des autres volailles du même âge, et ressemble assez à celle du faisan ; mais, en vieillissant, la pintade devient plus dure, plus coriace que la poule ordinaire ; enfin, les gourmets exercés prétendent, que son goût n’est comparable à celui d’aucun autre oiseau.

Il paroît que les pintades, comme les autres oiseaux domestiques, sont exposées à plusieurs maladies ; mais la pépie à laquelle sont sujets les individus de sa grande famille, ne les affecte pas autant : on remarque, à la vérité, que de très bonne heure elles sont exposées à des accès de goutte ; et pour peu qu’on les contrarie, elles se sentent tellement en colère, qu’elles tombent d’épilepsie. Le froid leur fait mal aux pattes et à la tête, aussi doit-on les accoutumer à venir pendant l’hiver au poulailler.

Leurs plumes sont de trois couleurs, blanches, grises et noires ; elles étoient autrefois très-recherchées des fourreurs, qui en faisoient des manchons fort élégans pour les femmes ; mais celles-ci ont renoncé à cette parure d’hiver, et préféré nos gros manchons de toutes sortes de fourrures : l’usage en est abandonné aujourd’hui par l’un et l’autre sexe.

Nous en avons dit assez jusqu’à présent, pour faire craindre qu’il soit difficile de captiver la pintade ; cependant, les succès qu’on a déjà eus en ce genre ne doivent pas décourager ; peut-être, moyennant les soins de l’éducation, plus soutenus, parviendra-t-on à affoiblir la propension qu’elle a de faire la guerre aux autres volailles, vu que d’ailleurs on est déjà parvenu dans quelques endroits à la familiariser, au point d’accourir de très-loin à la voix qui l’appelle, et de venir aux heures du repas manger sur la table. Mais l’outarde dans nos basses-cours présenteroit un bien plus grand intérêt ; cet oiseau, dont l’origine, le caractère et l’existence ont donné lieu à tant de discussions, sembleroit, d’après ce qu’en dit Olivier de Serres, avoir été autrefois commun parmi nos oiseaux domestiques. On a déjà la preuve que l’outarde, prise jeune, s’habitue fort bien à vivre en société avec les autres volailles. Quelques tentatives infructueuses, entreprises à dessein de l’apprivoiser, n’ont pas été suivies assez long-temps pour nous faire perdre l’espérance d’un meilleur succès. Nous ne doutons pas qu’un jour ce grand oiseau, si précieux par la bonté de sa chair, ne perde un peu de son caractère sauvage. M. Chaptal, pendant son ministère, a bien voulu écrire aux préfets des départemens de la Vienne, de la Marne et des Ardennes, pour me procurer des outardes, soit à la faveur de filets, ou en s’emparant de leurs œufs, qui, couvés par une poule ordinaire, donneroient peut-être des petits plus propres à la naturalisation ; car, on s’est trompé, en croyant qu’elles ne pondoient pas en France : il n’est pas même encore bien prouvé que l’outarde soit un oiseau de passage ; car, Mauduyt, entr’autres, prétend qu’elle habite la Champagne, la Lorraine et le Poitou toute l’année, ou du moins qu’il y en reste toute l’année. Ce naturaliste en a vu prendre de fort jeunes dans les plaines de la Champagne, leur véritable patrie en France ; et il ajoute que, toutes les fois que l’hiver est rigoureux, et la terre couverte de neige pendant quelques jours, on apporte au marché de Paris des outardes qui toutes viennent de ce département.

Dans son second voyage dans l’intérieur de l’Afrique, M. Levaillant dit avoir vu, dans les basses-cours des Hollandais, plus de vingt espèces de canards et d’oies sauvages, qui nous sont inconnues ; ils y multiplient comme les autres oiseaux domestiques de nos climats : l’oie de la Chine, l’oie d’Égypte, l’oie de Barbarie, les différens canards du Cap de Bonne-Espérance, la sarcelle de la Caroline, les hoccos d’Amérique, prospèrent non seulement sur les marais glacés de la Hollande, mais on en obtient des métis, en croisant leurs races.

Pourquoi la gélinotte, cette gallinacés dont la chair est si bonne et si nourrissante, ne pourroit-elle pas également figurer dans nos basses-cours ? d’autant mieux, que, comme la pintade, elle ne paroît pas attachée à un climat particulier, et qu’elle peut vivre en Lybie et sur les côtes de la mer Baltique.

Ne bornons jamais nos recherches eu ce genre : l’exemple du dindon, apporté de si loin, et qui s’est multiplié parmi nous, comme dans sa terre natale, ne devroit-il pas être pour les voyageurs un motif puissant de faire à leur pays de pareils présens ? (PArm.)