Cours d’agriculture (Rozier)/PHYTOLACA ou RAISIN D’AMÉRIQUE.

Hôtel Serpente (Tome septièmep. 637-638).


PHYTOLACA ou RAISIN D’AMÉRIQUE. (Planche XX) Von-Linné le classe dans la décandrie digynie, & le nomme Phytolacca americana. Tournefort le place dans la sixième section de la huitième classe des herbes à fleur en rose, dont le calice devient un fruit mou.

Fleur ; rosacée, composée de cinq pétales ouverts, étendus, courbés à la pointe, & dépourvue de calice ; A, représente sa fleur avec ses dix étamines.

Fruit ; baie B, pleine de suc, aplatie en-dessus & en-dessous, à dix sillons longitudinaux. Cette baie est vue en C, coupée transversalement ; chaque loge contient des semences lisses, & en forme de rein D.

Feuilles ; portées par des pétioles lisses, simples, très-entières, chargées de nervures, douces au toucher.

Racine ; en forme de fuseau, blanche, plus grosse que la jambe dès la seconde où la troisième année.

Port. Les tiges s’élèvent quelquefois à la hauteur de six pieds, elle sont rondes, fermes, rougeâtres, rameuses, cylindriques ; les fleurs sont disposées en grappes opposées aux feuilles, soutenues par de courts pédoncules ; la couleur des fleurs est purpurine, & celle des baies, lors de leur maturité, est d’un violet foncé tirant sur le noir ; les feuilles sont alternativement placées sur les tiges.

Lieu. Originaire de Virginie, de l’Amérique ; on la cultive dans les jardins, où elle brave les rigueurs de l’hiver ; la plante est vivace.

Propriétés ; les feuilles sont, dit-on, anodines & résolutives ; elles ont une odeur légèrement virulente, une saveur fade, âcre & nauséabonde. On a essayé l’usage de l’extrait de ces feuilles & leur application sur des tumeurs squirreuses & cancéreuses, ainsi que sur des ulcères de cette nature, & l’un & l’autre n’ont pas produit l’effet que l’on en attendoit. M. Dejussieu place la racine au rang des plantes purgatives médiocres, dont on ne doit faire aucun usage lorsqu’il y a des inflammations internes, mais qu’on emploie dans les fièvres malignes, putrides, & intermittentes, & dans les menaces de léthargie.

Propriétés économiques. Cette plante figure très-bien dans le milieu des grandes plates-bandes.

On retire par l’expression du fruit, lors de sa maturité, un suc d’une couleur pourpre belle & bien décidée. Après en avoir passé le suc au tamis, ou à travers un linge serré, on l’obtient pur, débarrassé des graines & des débris du fruit. Je m’en suis servi pour teindre différentes étoffes. Le suc traité avec les acides, prend supérieurement sur les étoffes de laine, tels que les draps, les moletons, les serges, &c. ; mais sans les acides il prend la couleur de feuille morte. Sur la soie non décruée, sur le coton, la couleur est la même ; la soie bien préparée prend la couleur pourpre, moins bien que la laine.

J’avois renfermé le suc dans un vase que je tenois dans le cabinet où je travaillois ; après un certain nombre de jours j’éprouvois en travaillant un mal-aise, des maux de cœur, des envies de vomir dont je ne prévoyois pas la cause ; enfin je me rappelai le vase, & je trouvai le suc en fermentation vineuse, & dont la surface ressembloit à celle d’une cuve qui travaille. Je rapporte ce trait afin que si quelqu’un entreprend de nouvelles expériences, il se tienne sur les gardes.