Cours d’agriculture (Rozier)/PERSICAIRE

Hôtel Serpente (Tome septièmep. 592-593).

PERSICAIRE, (Planche XIX). Tournefort la place dans la seconde section de la quinzième classe des herbes à fleurs sans pétales, dont le pistil devient une semence enveloppée par le calice, & il l’appelle persicaria mitis maculosa & non maculosa. Von-Linné la classe dans l’octandrie tryginie, & la nomme polygonum persicaria.

Fleur ; D représente la fleur dans son état naturel ; B la fleur censée ouverte ; les étamines & les pistils sont placés dans un calice qui tient lieu de pétales, il est d’une seule pièce, ouvert & divisé sur ses bords en cinq parties ovales, obtuses. Les étamines sont ordinairement au nombre de huit, quelquefois il n’y en a que six & même que cinq. C représente le pistil. Le calice accompagna l’ovaire jusqu’à sa maturité E.

Fruit F ; une seule semence, planes ovale, à trois côtés, aiguë à son sommet, renfermée dans une espèce de capsule qui n’est autre chose que le calice resserré.

Feuilles ; portées par des pétioles, faites en forme de lance, quelquefois tachetées.

Racine A ; horizontale, grêle, fibreuse.

Port ; tiges d’un à deux pieds de hauteur, rondes, creuses, rougeâtres, nouées ; les fleurs naissent des aisselles des feuilles, elles sont disposées en épis ovales & oblongs ; les feuilles sont alternativement placées sur les tiges. ; les stipules garnies de cils qui entourrent la tige.

Lieux ; les fossés, les terrains humides ; la plante est annuelle ; elle fleurit en mai.

Propriétés. Feuilles inodores, d’une saveur médiocrement âcre ; elles sont détersives, légèrement astringentes & un bon vulnéraire. Les feuilles en tisane ou en infusion, provoquent les urines, sont utiles dans la colique néphrétique causée par des graviers dans la difficulté d’uriner quand il y a des matières pituiteuses ; & dans la gangrène humide par contusion ou par infiltration… On donne les feuilles sèches & pulvérisées depuis demi-drachme jusqu’à une drachme, incorporées avec un sirop, ou délayées dans trois onces d’eau ; ou bien en macération au bain-marie depuis une drachme jusqu’à trois drachmes dans huit onces d’eau. L’eau de ces feuilles retirée par la distillation, n’a pas plus d’efficacité que l’eau des rivières on des fontaines.

La Persicaire-poivre d’eau ou curage. Polygonum urens, sive hydropiper. Tour. Polygonum hydropiper. Lin. Les caractères du fruit & des fleurs, sont les mêmes que ceux de la première espèce ; celle-ci est différente par ses épis beaucoup plus longs & penchés, par ses feuilles lisses, entières à leurs bords avec quelques poils très-serrés ; par les stipules tronquées, nerveuses & dont les nervures se terminent par des poils. La plante fleurit en juillet & en août.

Propriétés. Cette plante est extrêmement âcre & brûlante ; elle est caustique, détersive, résolutive, & un puissant diurétique.

On prescrit les feuilles sèches, depuis quinze grains jusqu’à deux drachmes, en macération au bain marie lorsqu’il faut exciter le cours des urines. Les feuilles sont indiquées dans la colique néphrétique, causée par des graviers & sans disposition inflammatoire ; car elles échauffent beaucoup ; on les prescrit dans la difficulté d’uriner, causée par des humeurs pituiteuses, dans la jaunisse par obstruction des vaisseaux biliaires, dans l’hydropisie de matrice, dans les pales couleurs.

Cette plante teint la laine en jaune.

La Persicaire d’Espagne ou D’orient, ou Monte au ciel. Persicaria orientalis nicotianæ folio, calice florum purpureo. Tourn. Polygonum orientale. Lin. Cette plante est annuelle & originaire des Indes & de l’Orient. Elle diffère des précédentes par la hauteur de ses tiges droites, fermes, & qui s’élèvent à la hauteur de six à sept pieds. Après leur dessiccation, elles peuvent tenir lieu de canne légère & solide : elles paroissent articulées, ou plutôt ressemblent assez à celles du bambou encore jeunes. Les feuilles sont amples, en forme de lance, larges, longues, ressemblant à celles du tabac ; la racine est très-fibreuse.

On cultive cette plante dans les jardins, dans les parterres ; elle figure très-bien dans les grandes plates bandes. La longueur des épis de fleurs colorées en pourpre, & leur situation penchée offre un coup d’œil assez singulier. On sème les graines sur couche dans nos provinces septentrionales, & contre un bon abri dans celles du midi ; mars, avril ou mai, sont les époques auxquelles on doit semer suivant les climats.