Cours d’agriculture (Rozier)/OPIUM

Hôtel Serpente (Tome septièmep. 283-284).
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OPIUM. Extrait gomme-résineux préparé avec le suc exprimé des feuilles, des tiges & des têtes de pavot blanc : l’Égypte & la Turquie fournissent toute l’Europe de cette préparation ordinairement remplie d’impuretés, & qu’on est obligé de purifier avant de l’employer en médecine. Les pavots blancs de nos jardins fourniroient un opium aussi parfait que celui d’Égypte, si on s’occupait en France de la culture de cette plante. On enlève toute la graine des têtes, on pile les coques, jusqu’à ce qu’elles soient réduites en poudre très-fine : on prend une once de cette poudre qu’on laisse infuser à froid pendant deux jours, dans deux pintes d’eau : après cela, on exprime l’eau contenue dans les têtes, & on passe le tout par le filtre. On fait ensuite évaporer au bain marie, jusqu’à ce que la liqueur soit et réduite à un demi-setier. Après l’avoir filtrée de nouveau, on la verse sur des assiettes de faïence où elle reste en évaporation jusqu’à siccité ; enfin, l’opium collé fortement aux assiettes, & qui en est détaché, est mis dans une bouteille bien bouchée, il sert aux mêmes usages que celui de Turquie, & il est moins dangereux. Une fermentation de quelques heures ou d’un jour, fait perdre à l’opium sa qualité narcotique.

On attribue à l’opium la propriété de suspendre tous les mouvemens déréglés des esprits, les effervescences & le flux, soit du sang soit des autres humeurs, d’où résulte le sommeil & la cessation des douleurs ; il ne doit être prescrit que par un maître de l’art, sans quoi on court de grands risques.

Dans les fortes migraines, un emplâtre d’opium mis sur la partie souffrante, produit de bons effets. Une mouche de laudanum où l’on aura incorporé un peu d’opium, appliquée sur la tempe, calme les douleurs de dents. Si la dent est creuse, on introduira dans sa cavité, & dans la même intention, un peu d’opium uni au camphre. Dans les grandes insomnies, dans les grandes douleurs, pour arrêter les cours de ventre, les vomissemens, les pertes, favoriser la transpiration, &c., on le prescrit à très-petite dose dans le commencement, par exemple à celle de deux à quatre grains, ou seul, ou uni à d’autres médicamens. Une forte dose d’opium produit souvent l’apoplexie ; l’émétique est dans ce cas le remède le plus prompt & le mieux approprié ; & le malade est soulagé dès qu’il a fait son effet. Le vinaigre est encore employé avec succès, parce que la cause du mal & son action première sont dans l’estomac