Cours d’agriculture (Rozier)/NOYAU

Hôtel Serpente (Tome septièmep. 117-119).


NOYAU. Partie dure, ligneuse, contenant une amande ; placé dans l’intérieur d’un fruit charnu, comme dans l’abricot, la pêche, la prune, la cerise, &c. Le noyau est ordinairement formé de deux pièces ou battans, solides, lisses intérieurement plus ou moins raboteux, sillonnés en-dehors comme dans la pêche, & moins dans les autres fruits. Leur usage est de protéger la semence, de la garantir de l’évaporation & du dessèchement qui en seroient une suite. Ces deux pièces ou battans sont tellement rapprochés l’un de l’autre, qu’il est difficile de parvenir à les ouvrir sans endommager l’amande. Ces battans sont moins fortement réunis dans certaines pêches que dans d’autres, puisque certaines espèces s’ouvrent par le milieu, & que chaque moitié du noyau est implantée dans la moitié du fruit, tandis que certaines espèces offrent des noyaux si durs, dont les battans sont si serrés, qu’ils résistent à de grands efforts avant de se briser. Cependant les uns & les autres cèdent aux douces impulsions de la nature ; les battans s’ouvrent sans peine, lorsque la germination de l’amande commence, & ils protègent l’embryon jusqu’à ce que ses deux lobes soient développés. A. B.

Comment la nature, par le secours de la germination, parvient-elle à séparer les deux battans d’un noyau ? Cette question mérite toute l’attention du naturaliste, & elle a été peu examinée. Je vais hasarder quelques conjectures à ce sujet ; je prends le noyau d’abricot pour exemple. Peut-on dire que la déhiscence des deux battans tienne simplement à l’augmentation du volume de l’amande qu’ils renferment ? Doit-on considérer son volume comme un levier qui agit sans cesse du dedans au dehors, & qui enfin les sépare ? J’ai eu beau chercher les articulations par charnière dans le noyau pris pour exemple ; quoiqu’elles soient assez visibles dans ceux de certaines pêches, de certaines cerises, &c. ; je ne les ai point trouvées dans celui-ci. J’ai vu, au contraire, que la partie arrondie du noyau étoit véritablement ligneuse à l’extérieur, & qu’il ne paroissoit à l’extérieur aucune solution de continuité, sur-tout dans le noyau d’abricot dont l’amande est amère, tandis que au côté opposé il semble que ce sont des lames minces, tranchantes, appliquées les unes sur les autres. Si on divise ces deux battans suivant leur longueur sans les endommager, on verra qu’il règne tout autour des deux parties qui se rejoignoient, une rainure correspondante, & que la cavité qu’elle forme est remplie par une espèce de fibre, de corde, de nerf, ainsi qu’on voudra l’appeler. Ce nerf part comme d’un point fixe du gros bout du noyau qui correspondoit au pédicule qui soutenoit le fruit, il va se terminer vers l’extrémité supérieure, & conserve, au moins à la vue simple, à peu près son diamètre. Lorsque l’on casse un noyau lors de la maturité du fruit, on apperçoit que ce nerf est presque blanc & d’une couleur différente de celle du noyau ; dans cet état, il est flexible.

Une autre considération à faire, c’est que le bois du noyau n’a qu’un point d’épaisseur à son extrémité supérieure à laquelle correspond la pointe de l’amande, & par conséquent le germe ; ainsi la partie la plus foible est celle-ci.

D’après cette anatomie, ne peut-on pas dire que ce nerf placé dans la rainure, réunit & serre toutes les parties du cercle contre la circonférence, & que peut-être la solidité de toute la charpente tient à ce lien.

L’amande sèche remplit à peu près la moitié de la cavité ; si elle germe, elle en occupe toute la capacité ; mais pompant une surabondance d’humidité qui fait travailler ses sucs, le nerf se ramollit, le germe s’insinue entre les deux battans, & surmonte le petit obstacle que lui oppose le peu d’épaisseur du bois en cet endroit. Comme l’effort du germe est continuel, peu à peu il divise la pointe des deux battans, & ils ne sont entièrement séparés que lorsque les deux lobes de l’amande les font tomber par leur épanouissement.

Si on admet une articulation par charnière, ou semblable à celle des os du crâne, que j’ai vainement cherchée dans le noyau d’abricot, il sera bien plus aisé d’expliquer ce phénomène par la simple dissolution de la sinovie qui remplissoit les cavités, & servoit de gluten à chaque pièce. Au surplus, je ne propose ces idées que comme de simples probabilités ; si on en connoît de plus justes, je prie de me les communiquer, je les recevrai avec reconnoissance, j’en ferai usage, & je citerai leur auteur.

La nature n’a donné à la pêche, à l’abricot, &c., cette chair délicate qui flatte notre goût, que pour la conservation & la perfection de son noyau par lequel l’arbre se reproduit. Quel travail immense, que de préparations, que d’épuremens des sucs avant qu’ils arrivent à l’embryon ! Par une double articulation, l’une sur la branche & l’autre avec la pellicule du fruit, la séve est élaborée, raffinée & perfectionnée, & toute la partie grossière est rejetée. Cette séve circule dans la pulpe du fruit, elle y contracte de nouveaux mélanges, & par la transpiration de ce fruit, elle s’y épure de nouveau. Le noyau au milieu de cette pulpe, semblable à l’enfant dans le ventre de sa mère, reçoit, par une multitude de cordons ombilicaux, ces sucs ; il les élabore encore & transmet, par le cordon ombilical qui correspond à la partie inférieure de l’amande, une séve plus particulièrement chargée de principe huileux & inflammable, que de tout autre.

Ces cordons ombilicaux ne sont point une chimère ; ils sont blancs, on les distingue sans peine dans les rainures extérieures de la partie tranchante du noyau ; on voit la canelure où ils s’implantent à la base & à la partie supérieure du gros côté. Si le noyau d’abricot est doux, si l’arbre n’a pas été greffé, on peut avec un crin, désobstruer la canelure & enfiler les noyaux comme des grains de chapelet. Ces cordons sont des prolongations des plexus ou réseaux que l’on découvre dans le fruit, & qui contiennent sa pulpe.

Il seroit important d’examiner séparément les fruits & leurs noyaux : mais ces recherches me mèneroient trop loin, il suffit de mettre l’observateur sur la voie.