Cours d’agriculture (Rozier)/NERPRUN, ou NOIR-PRUN

Hôtel Serpente (Tome septièmep. 83-84).


NERPRUN, ou NOIR-PRUN. (Voyez Planche I, page 63.) On comprend sous le même titre le nerprun & la graine ou granette d’Avignon, parce que cette dernière n’en est qu’une variété. Tournefort le nomme catharticus & le place dans la première section de la vingtième classe des arbres à fleur d’une seule pièce, dont le pistil devient un fruit mou, rempli de semences dures. Von-Linné lui conserve la même dénomination, & le classe dans la pentandrie monogynie.

Fleur. A, représente la corolle vue de face ; B, vue de profil ; C, la corolle ouverte. La corolle tient lieu de calice ; elle est en forme d’entonnoir, rude au toucher, colorée en dedans, divisée en quatre folioles. Les fleurs mâles séparées des fleurs femelles sur des pieds différens ; D représente le pistil.

Fruit ; E, baie à deux loges, & quelquefois davantage ; chaque loge renferme une graine F, ovale, pointue, convexe extérieurement, & aplatie intérieurement.

Feuilles, portées par des pétioles simples, entières, arrondies, dentelées à leurs bords, d’un vert brillant.

Racine ligneuse.

Port ; arbrisseau dont l’écorce est lisse, le bois jaunâtre, les branches garnies d’épines pointues ; les fleurs naissent des aisselles des feuilles, souvent rassemblées ; les feuilles le plus souvent alternativement placées, quelquefois opposées.

Lieu ; nos provinces méridionales dans les haies & le long des rivières ; fleurit en mai.

Propriétés, Baies sans odeur, d’une saveur âcre & glutineuse ; elles sont purgatives, hydragogues. Le suc exprimé des baies, édulcoré avec du miel ou avec du sucre, est indiqué dans l’hydropisie de poitrine simple, & l’hydropisie de matrice. Il fait évacuer une grande quantité de sérosités, mais il excite souvent des coliques. Le sirop de nerprun jouit des mêmes propriétés. Le suc exprimé des baies se donne depuis une drachme jusqu’à une once, édulcoré avec du miel ou du sucre, & étendu dans quatre onces d’eau. Pour l’animal, les baies à la dose d’une poignée, & leurs extraits à la dose d’une once.

Les baies de nerprun préparées, donnent la couleur que les peintres appellent vert de vessie. Ce n’est autre chose que le suc épaissi des baies que l’on fait évaporer à feu lent, & auquel on ajoute de l’alun de roche dissous dans l’eau. Quand cette préparation a acquis la consistance de miel, on l’enferme dans des vessies que l’on met sécher dans la cheminée.

Cet arbuste offre une variété dans son espèce, que l’on connoît sous la dénomination de graine ou de granette d’Avignon, à cause de l’usage de son fruit & du lieu de sa naissance. Tournefort la nomme rhamnus catharticus minor. Elle diffère du précédent par toutes ses parties qui sont plus petites, & par les découpures de la fleur, qui ne sont pas plus longues que le tube, tandis que dans le nerprun ordinaire les découpures de la corolle sont plus longues que le tube. Les baies de cette variété sont très-connues, très-employées pour les teintures en jaune ; on prépare avec elles la couleur appellée stil de grain. Malgré les préparations quelconques des baies, elles donnent un jaune qui se soutient très-peu, & encore moins lorsqu’elles sont employées pour les verts.

Le nerprun livré à lui-même dans les haies, reste en arbrisseau ; mais semé de graine, soigné & élagué au besoin, il s’élève en arbre depuis dix-huit à vingt-quatre pieds. On peut alors l’employer dans les bosquets d’été, à cause du beau vert de ses feuilles. Von-Linné compte dix-huit espèces de rhamnus ; on peut consulter son ouvrage. La plus grande partie exige la serre chaude, ou au moins l’orangerie.