Cours d’agriculture (Rozier)/NERFS
NERFS. (maladie des) Médecine Rurale. Les nerfs sont des cordons formés par l’assemblage de plusieurs filets qui viennent de la moelle alongée, renfermée dans le crâne, & de celle qui est contenue dans le conduit des vertèbres, communément appelée moelle épinière.
Les nerfs se distribuent dans toutes les parties du corps. Celles où ils sont plus nombreux & plus à découvert, sont toujours douées d’un sentiment plus vif & plus exquis. Personne n’ignore que le siège du sentiment est dans la substance intime des nerfs. On a beaucoup disputé pour savoir si les nerfs avoient des cavités. Lewenhoeck qui a fait le premier cette découverte, étoit, à ce qu’il assure, venu à bout de les rendre sensibles. Les physiciens qui ont écrit après lui, ont pensé que les nerfs étoient creux, ou disposés de manière à laisser couler à travers leur substance un fluide spiritueux, dont la distribution donne le mouvement & le sentiment aux parties où il aborde : Heister a adopté ce sentiment ; le baron de Haller ne pense pas de même. Il n’admet point de tuyaux visibles dans les nerfs ; mais comme les ordres de la volonté s’exécutent dans le moment même, & comme le sentiment de la douleur se porte avec une égale rapidité, des extrémités du corps à la tête ; il est vraisemblable que la moelle est formée de tuyaux, en supposant que la sensation & le mouvement soient l’effet d’une liqueur.
Quoi qu’il en soit, l’affection des nerfs est une maladie devenue si commune & si ordinaire, qu’il y a bien peu de personnes qui en soient à l’abri. Il n’y a presque aucune maladie où les nerfs ne soient pour quelque chose ; & leur lésion est souvent marquée par les symptômes les moins analogues aux désordres qu’ils excitent.
Les nerfs peuvent être affectés, ou par trop de tension & d’irritation, ou par un extrême relâchement, qui peut être subordonné à une infinité de causes.
L’irritation & la trop grande tension des nerfs sont le plus souvent causées par toute sorte d’excès. Un exercice violent, l’usage abusif des liqueurs spiritueuses, un régime de vie trop échauffant, l’usage des mêts salés, épicés, & de haut goût, les passions de l’ame, un tempérament vif, & très-sensible ; des malheurs & des chagrins de toute espèce, en agitant vivement les nerfs, en excitent la tension, dérangent l’ordre de leur mouvement, & ces différens désordres occasionnent à leur tour le trouble des fonctions de l’ame. Le relâchement & l’atonie des nerfs reconnoissent des causes différentes de celles-ci : ces deux affections viennent toujours à la suite de quelque longue maladie. Elles dépendent souvent d’une grande déperdition de substance. Les grandes plaies qui fournissent une suppuration très-abondante, des ulcères de mauvais caractère, de fréquentes hémorragies, une diarrhée coliquative, & tout ce qui peut maigrir & dessécher le corps, peut exciter cet état de relâchement & d’atonie extrême, dont les malades ne se relèvent qu’avec beaucoup de peine, & auquel ils succombent quelquefois. Je dois faire observer que la tension & l’irritation des nerfs sont les causes les plus ordinaires de cette affection de nerfs, connue sous le nom de vapeurs, à laquelle le sexe est très-sujet. Je n’indiquerai ni le traitement convenable, ni les différens secours moraux, dont l’application est d’autant plus utile & nécessaire, que cette maladie dépend d’une cause morale. Nous renvoyons le lecteur au mot vapeurs.
Maïs on combattra l’atonie des nerfs par des remèdes & des moyens appropriés aux causes qui l’auront produite. On prescrira aux malades un bon régime de vie, & des alimens abondans en suc nourricier, principalement aux personnes qu’une grande déperdition de substance aura jetées dans un état aussi déplorable.
La diète végétale, & les remèdes toniques, tels que le quinquina, le petit chêne, la gentiane, les martiaux, & l’usage des eaux gazeuses conviendront très-bien au relâchement excité par une longue maladie. Le bon vin, le café, la rôtie au vin, des alimens légèrement assaisonnés peuvent produire les effets les plus salutaires, en remontant le ton des nerfs, & en leur redonnant ce degré de force physique capable de rétablir en eux l’ordre de leurs fonctions. M. AMI.