Cours d’agriculture (Rozier)/MIGRAINE

Hôtel Serpente (Tome sixièmep. 544-546).


MIGRAINE. Médecine Rurale. Douleur aiguë, qui occupe le côté droit ou le côté gauche de la tête, quelquefois le devant, le derrière & le sommet, & souvent dans un seul point. La migraine est toujours caractérisée par des douleurs vives, aiguës & lancinantes. Ceux qui en sont attaqués, ne peuvent pas quelquefois supporter la lumière du jour, & sont obligés de se renfermer dans l’obscurité. Ces douleurs ne se bornent pas toujours à l’endroit affecté, elles s’étendent quelquefois jusqu’aux oreilles, de telle sorte que le moindre air produit dans cet organe une sensation des plus vives & des plus douloureuses : les gencives se ressentent quelquefois aussi de leur impression.

Dans certains sujets, la migraine occupe une partie si petite, qu’il leur semble qu’on leur enfonce un clou. Le pouls, dans cet état, se ressent de l’irritation de la tête ; il est serré, tendu & piquant. La convulsion survient ; les soubresauts des tendons se font appercevoir, ainsi que les nausées & le vomissement. Il est aisé de distinguer la migraine du mal de tête général, appellé céphalée. Dans celui-ci la douleur est étendue, & il n’y a aucune partie de la tête qui en soit exempte ; dans la première, au contraire, la douleur est circonscrite & fixée à un seul côté.

La migraine est véritablement une maladie périodique. La moindre erreur dans le régime, le passage subit d’un endroit chaud en un lieu froid, la suppression de transpiration, donneront naissance à des retours périodiques.

Ceux qui menent une vie molle & oisive, les gros mangeurs, ceux qui ne font aucun exercice ; les femmes, & sur-tout celles qui sont stériles, sont en général très-sujettes à la migraine : leur organisation, la sensibilité de leurs nerfs prêtent beaucoup au développement de cette maladie.

Tout ce qui peut affecter la tête & les parties qui en dépendent, peut l’exciter. L’irritation des fibres du cerveau, & de ses membranes, leur inflammation, la contusion du péricrane, des coups portés à la tête, la lésion des parties molles & externes, une commotion quelconque, sont autant de causes idiopathiques de la migraine, mais elle en a de sympathiques, telles qu’une abondante saburre des premières voies, la présence des vers dans l’estomac, la suppression des mois, du flux hémorroïdal & des lochies, la répercussion de quelque éruption cutanée, & tout ce qui peut affecter la matrice & les parties qui en dépendent.

Elle est aussi occasionnée quelquefois par la plénitude générale des humeurs, & par des causes morales ; dans ce nombre on doit comprendre tout ce qui peut affecter trop vivement l’ame, & exciter certaines oscillations dans le système nerveux ; les vives passions, les grands chagrins, des désirs immodérés, mais rendus vains, une irritation extrême dans le système artériel.

Elle dépend très-souvent d’un exercice trop fort, d’un travail trop pénible, de l’abus des boissons spiritueuses.

D’après la différence des symptomes qui caractérisent la migraine & la céphalée, ou le mal de tête général, on peut dire qu’il n’y a personne, même parmi celles qui ne sont pas de l’art, qui méconnoisse la migraine, & qui ne la distingue de l’autre maladie.

La migraine en général est une maladie peu dangereuse ; il ne faut cependant pas la négliger, ni la perdre de vue. Il ne faut pas aussi trop la heurter par des applications & des remèdes peu convenables, elle pourroit avoir des suites très fâcheuses, dégénérer en inflammation, & exposer le malade au plus grand danger, ou déterminer certaines maladies de l’œil, & occasionner la perte de cet organe.

On doit être très-réservé pour différentes applications vulgaires qu’on n’oublie jamais de mettre en exécution, & qui pour l’ordinaire sont nuisibles.

Il faut, avant d’en venir aux remèdes, examiner avec attention, & tâcher de découvrir la véritable cause de la migraine, & agir en conséquence.

On combattra la migraine par cause putride des premières voies, avec des vomitifs & des purgatifs appropriés ; & si malgré l’usage de ces remèdes, elle persiste & reconnoît pour cause la foiblesse de l’estomac, on donnera des eaux ferrugineuses, les martiaux, quelques cuillerées d’élixir de garus, du cachou brut, ou prépaté à la violette, le rob de genièvre, de la rhubarbe, & autres différens stomachiques.

Si elle dépend de la suppression des règles, ou des hémorroïdes, ou de l’écoulement d’un cautère, il faut alors rétablir ces évacuations, soit par la saignée, soit par les sangsues, soit par le vésicatoire, pour suppléer à l’écoulement supprimé.

Si elle est occasionnée par la tension des nerfs, une irritation considérable, par un état spasmodique, & de raideur de tout le corps ; les bains domestiques, les bouillons frais, les remèdes anti-spasmodiques, tels que le camphre corrigé par le nitre, les narcotiques donnés à une dose modérée ; l’eau de fleurs de tilleul, une infusion de fleurs de camomille ou de menthe, le petit-lait, sont les remèdes recommandés en pareil cas.

Si ce sont des vers contenus dans l’estomac, qui lui donnent naissance, les huileux combinés avec la thériaque, l’eau de menthe, & les différentes poudres absorbantes, produiront à coup sûr les effets les plus salutaires.

La saignée du bras & du pied trouvera son emploi, lorsque la migraine reconnoîtra pour cause la plénitude du sang, &c.

Si le mal de tête ne cède point à ces remèdes, on appliquera sur la partie douloureuse, des compresses imbibées d’eau-de-vie de lavande, ou d’esprit-de vin camphré, ou un emplâtre d’opium.

On emploiera le quinquina dans la migraine périodique, sans néanmoins perdre de vue l’intensité de la douleur, & certaines autres circonstances qui peuvent être inséparables de la maladie.

Mais le cautère est le vrai spécifique des migraines invétérées. Gramt a guéri une demoiselle qui souffroit d’une migraine violente depuis beaucoup d’années, en lui faisant un cautère sur la tête, à la jonction des deux sutures sagittales & temporales ; mais la profondeur de ce cautère doit porter jusqu’à l’os, il faut qu’il soit découvert entièrement, & dépouillé de son périoste.

Dans la migraine, par relâchement & faiblesse de toute la constitution, le bain froid, les substances aromatiques, le quinquina, & les différentes préparations martiales, sont très-convenables.

Westey fait recevoir par le nez, pendant demi-heure, la fumée d’ambre ; il recommande un autre moyen, qui peut suppléer au cautère ; il veut qu’on fasse raser la partie de la tête qui est affectée, qu’on y applique un emplâtre qui puisse s’attacher, & dans lequel on aura pratiqué un trou rond, large comme une pièce de vingt-quatre sols, & qu’on mette sur ce trou des feuilles de renoncule fraîchement écrasées & remplies de leur jus. C’est un vésicatoire fort doux, qu’on peut mettre en usage sans courir le moindre risque.

Quand la migraine a pour cause l’humeur de la goutte remontée, si le malade ne peut point supporter la saignée, on fera baigner souvent ses pieds dans l’eau tiède, & on les lui frottera souvent avec une toile. Si ces deux moyens sont insuffisans, on lui appliquera des cataplasmes de moutarde & de raifort, ou des sinapismes à la plante des pieds.

Enfin, les secours moraux viendront à l’appui de ces différens remèdes, si la migraine est causée par de vifs chagrins, & par certaines affections de l’ame. M. Ami.