Cours d’agriculture (Rozier)/MÉTEIL

Hôtel Serpente (Tome sixièmep. 514-515).


MÉTEIL. Froment & seigle mêles & semés ensemble, en plus ou moins grande quantité de l’un ou de l’autre, suivant la volonté du cultivateur. Lorsque l’on seme moitié l’un & moitié l’autre, c’est ordinairement pour la nourriture des valets.

Il n’est pas aisé de deviner sur quel motif cette méthode est fondée : certainement elle n’est pas dictée & approuvée par la raison. L’expérience de tous les temps & de tous les lieux prouve que le seigle semé dans le même champ & en même temps que le froment, enfin, toute circonstance égale, est au moins huit à quinze jours plutôt mûr que celui-ci. Il est donc clair, qu’en moissonnant tout ensemble, la majeure partie du seigle s’égraine sur le sol ou dans le transport. Si on moissonne le froment un peu avant sa maturité, on le sacrifie donc au seigle, & on prévient seulement en partie la perte de celui-ci.

On a sans doute dit, en semant l’un & l’autre ensemble : si le seigle manque, le froment réussira, & ainsi tour à tour. Ce raisonnement, tout spécieux qu’il est, n’en est pas moins absurde. Tout considéré, ne vaut-il pas mieux, sur le même champ semer le froment & le seigle séparément ; on les récolte à leur point, & leur mélange est ensuite plus commodément & plus exactement fait dans le grenier. L’on seme, pour l’ordinaire, le méteil que l’on a recueilli ; mais comme il est rare de voir en même temps réussir le seigle & le froment, il en résulte qu’à la longue il ne se trouve plus aucune proportion entre ces deux grains, & l’on finit par avoir presque tout seigle ou tout froment. Ainsi, sous quelque point de vue que l’on considère les semailles du méteil, elles sont contraires à la saine raison, à l’intérêt du particulier, & l’expérience le prouve chaque année à l’homme dont les yeux ne sont pas fascinés par la coutume moutonnière du canton.