Cours d’agriculture (Rozier)/MÈRE (mal de)

Hôtel Serpente (Tome sixièmep. 497-498).


MÈRE (mal de). Médecine Rurale. Maladie connue sous différens noms. Pline en a parlé sous celui de suffocation des femmes ; Rodericus l’a appellée étranglement de matrice ; Lorry, apoplexie spasmodique ; les Latins, suffocation histérique, & le peuple, mal de mère.

Cette maladie vient tout-à-coup ; les femmes qui en sont frappées, perdent le mouvement & le sentiment ; la respiration est à peine sensible ; le pouls est déprimé, petit, & quelquefois intermittent, le froid s’empare de tout le corps, & les deux mâchoires sont quelquefois si étroitement serrées, qu’il est impossible de faire ouvrir la bouche aux malades. Les femmes sujettes à cette maladie, sentent, pour l’ordinaire, les approches d’un paroxysme aussi extraordinaire ; il est toujours précédé de vives passions, de quelque terreur panique ; les malades éprouvent une sorte d’étranglement, une difficulté, ou pour mieux dire, une gêne dans la respiration : on apperçoit même dans le globe de l’œil un mouvement extraordinaire ; elles sont aussi tourmentées par des rapports très fréquens, & par un battement à l’hypogastre.

Une infinité de causes peut exciter cette maladie ; pour l’ordinaire elle dépend de la sensibilité des nerfs, de la délicatesse des organes, & de l’irritabilité de la matrice. Outre ces trois causes, qui sont les plus ordinaires, on a vu cette maladie occasionnée par la présence des vers dans l’estomac, par l’abus des boissons échauffantes & spiritueuses ; par un exercice immodéré ; par des évacuations périodiques supprimées ; par l’effet des poisons, pris intérieurement ; par l’usage immodéré de l’opium ; par une pléthore universelle ; enfin, par l’abus des plaisirs.

Cette maladie ne doit pas être regardée comme fort dangereuse, sur-tout si elle dépend de toute autre cause que du poison.

Les hypocondriaques subissent souvent de pareilles attaques ; mais quand ils sont hors du paroxysme, ils se rappellent avoir parlé, sans s’être remués ; avoir entendu d’une manière fort obscure, tout ce qu’on leur a dit ; ils assurent même l’avoir prouvé par les gestes qu’ils ont fait dans l’attaque.

Les indications à remplir dans le traitement de cette maladie, sont relatives à l’intensité du paroxysme, & aux moyens qu’on doit employer pour s’opposer à ses retours.

1°. Dans le paroxysme, si le malade a le visage rouge & enflammé, un degré de chaleur augmentée, une pulsation bien marquée aux artères temporales, le pouls fort, piquant & tendu, il faut alors faire saigner le malade, & lui tirer une petite quantité de sang ; quoiqu’en général la saignée soit contre-indiquée, & même nuisible dans presque toutes les affections nerveuses, néanmoins l’expérience a prouvé ses bons effets dans quelques circonstances ; le pouls devient plus fort, le paroxysme cède bientôt, & le malade est bientôt rétabli.

Mais si la cause est purement nerveuse, on emploiera avec succès les remèdes antispasmodiques, tels que la rhue, le castor, le camphre corrigé avec le nitre ; un grain de musc mis dans la vulve, est le véritable spécifique dans cette maladie ; je m’en suis toujours servi avec succès.

Il est quelquefois avantageux d’avoir recours à des remèdes qui produisent des irritations locales.

Dans quelques circonstances, il faut faire inspirer la fumée de plume brûlée sur des charbons ardents, ou de cuir. Un emplâtre fétide, fait avec parties égales de thériaque & d’ossa-fétida, appliqué sur le creux de l’estomac, produit aussi de bons effets.

L’eau de menthe, combinée avec la liqueur minérale anodine d’Hoffman, le petit-lait coupé avec la fleur de tilleul, les bains domestiques, le régime végétal, sont les remèdes les plus propres à combattre le retour & les paroxismes de cette maladie. M. Ami.