Cours d’agriculture (Rozier)/LITIÈRE

Hôtel Serpente (Tome sixièmep. 295-296).


LITIÈRE. Paille qu’on répand dans les écuries, dans les étables, sous les chevaux, les bœufs, les moutons, & sur laquelle couchent les animaux. Dans beaucoup d’endroits la paille, même de seigle, est trop sèche & trop rare ; par exemple, sur les montagnes, pour la sacrifier à cet usage, on la supplée par de jeunes pousses de pins, de sapins, de mélèze, par la bruyère, les genêts, la fougère, le chaume des bleds, les tiges du sarrazin, ou bled noir, du maïs, ou bled de Turquie, des buis, des feuilles de noyer, de châtaignier, celles des arbres forestiers, des vignes mêmes, dans le besoin ; enfin, de ce que l’on trouve de plus abondant, de moins coûteux, & de plus susceptible de s’imprégner de l’urine des animaux.

Dans les villes, on a la sage coutume de lever chaque jour la litière, de pousser sous l’auge la paille qui n’est pas humectée, & de transporter au dehors celle qui l’est. Le soir, on étend de nouveau la paille mise en réserve, & on en ajoute de nouvelle ; & ainsi de suite chaque jour. Cette méthode est très-bonne ; mais est-elle praticable dans les campagnes où, par une parcimonie mal entendue, le nombre des valets est toujours au-dessous de l’ouvrage que l’on doit faire ; & quand ce nombre seroit augmenté en proportion du travail, auroit-on assez de paille à sacrifier à la litière ? Cela est bon dans quelques provinces à grains, mais très-difficile ou presqu’impossible dans beaucoup d’autres. De-là est venue la détestable manie de ne lever la litière qu’une, ou deux, ou trois fois l’année tout au plus, & chaque jour, ou tous les deux jours, on ajoute un peu de paille ou un peu de feuilles, &c. sur celles de dessous ; il en résulte que l’animal est complètement toute l’année dans un bourbier. Pour juger du mal qui résulte de cette méthode, Voyez ce qui a été dit au mot Bergerie. Le cultivateur attentif à ses intérêts, qui sait le prix des engrais, (Voyez ce mot) qui sait que les engrais sont la base fondamentale de l’agriculture, fera enlever toute la litière au moins une fois par semaine pendant l’hiver, & deux fois pendant le reste de l’année. Il se procurera ainsi le double & le quadruple de fumier ; car, avec une brassée de paille, le valet, toujours négligent, fait la litière pour toute une écurie. C’est un point sur lequel ne veillent pas assez les cultivateurs ; ils doivent de temps en temps venir dans la nuit visiter leurs écuries, & faire lever tous les valets pour voir si la litière manque, ou si elle n’est pas assez abondamment fournie. Lorsqu’ils auront été ainsi dérangés plusieurs fois, la litière, à coup sûr, sera bonne, par la crainte qu’auront les valets de ces sortes de visites : les exhortations, les menaces servent très-peu ; il faut des punitions prises dans la chose même.