Cours d’agriculture (Rozier)/LENTILLE

Hôtel Serpente (Tome sixièmep. 246-248).


LENTILLE. Tournefort la nomme Lens Major, & la place dans la première section de la dixième classe des plantes à fleurs en papillon, & dont le pistil devient une petite gousse à une seule loge. Von Linné la nomme Ervum Lens, & la classe dans la diadelphie décandrie.

Fleur. En papillon ; étendard plane, un peu recourbé, arrondi, grand ; les aîles plus courtes que l’étendart ; la carenne pointue, plus courte que les aîles ; le calice divisé en cinq découpures, étroites, pointues, à-peu-près de la longueur de la corolle.

Fruit. Légume, obrond, obtus, cylindrique, contenant des semences comprimées, convexes, arrondies.

Feuilles. En manière d’aîle, les folioles ovales, entières, adhérentes aux tiges.

Racine. Fibreuse, rameuse.

Port. Tige herbacée, de huit à douze pouces de hauteur, suivant les climats, velue, anguleuse ; les fleurs naissent des aisselles ; les pédoncules portent ordinairement quatre fleurs : les vrilles sont simples, les stipules deux à deux, en forme de fer de flèche.

Lieu. Les champs, les jardins potagers : la plante est annuelle.

Propriété. La farine des lentilles est une des quatre farines résolutives. On se sert de ce légume bien plus comme nourriture, que comme médicament.

Culture. Cette plante réussit très-mal dans les pays chauds ; comme elle, craint les gelées, on est forcé de la semer après l’hiver ; & s’il ne survient pas de pluies au printemps, elle est surprise par la chaleur & par la sécheresse, & à peine récolte-t-on la semence. Elle réussit aussi fort mal dans les terreins gras, humides & tenaces ; elle aime une terre légère, & réussit assez bien sur un sol de médiocre qualité.

Sa principale culture est en plein champ ; & semée dans un potager, elle ne rendroit pas autant qu’un autre légume. Après avoir labouré la terre, dans un temps convenable où la terre ne forme aucune motte, on seme la lentille à la volée, comme le bled, & on fait passer deux ou trois fois la herse par dessus, afin de bien égaliser le terrein, & recouvrir le grain. Le climat décide le moment de la semer, & la meilleure époque est celle où l’on ne craint plus le funeste effet des gelées tardives.

Dans les cantons où la semence est à bon marché & le foin cher, on peut semer la lentille pour fourrage ; c’est le cas alors de semer plus épais que si on devoit récolter le grain. Lorsque la plante est en pleine fleur, on la fauche. Si on attend sa maturité à cause du grain, on la fauchera lorsque les feuilles, dans leur totalité, commenceront à sécher, & on n’attendra pas qu’elles soient très sèches, sans quoi on perdroit beaucoup de grains.

Dans quelques cantons du royaume, on séme l’avoine & les lentilles dans le même temps, parce qu’elles mûrissent & sont fauchées à la même époque. Cette méthode me paroît mauvaise, & je me fonde sur l’exemple des pois, des vesces, dont les vrilles s’attachent au chaume des blés, ségles, & s’y entortillent, les serrent & les étranglent. La ligature formée par la vrille de la lentille, ne serre pas autant, j’en conviens, que celle des pois, &c. mais c’est toujours une ligature ; & chaque plante demande à végéter en liberté. Cette méthode n’est avantageuse qu’autant qu’il est question de fourrage, à l’exemple des Flamands, qui sément tout-à-la-fois des vesces, des pois, des fèves, des lentilles, de l’orge, de l’avoine, &c. pour faire ce qu’ils appellent la dragée ; aucun fourrage ne lui est comparable.

Si on récolte dans sa maturité la lentille mêlée avec l’avoine ou avec l’orge, on sépare ces grains, en les jetant en l’air comme pour vanner. Cette séparation est une suite nécessaire de leur pesanteur spécifique.

Il y a deux espèces de lentilles, ou plutôt l’une est une variété de l’autre. La première est appellée grosse lentille, & la seconde, plus petite, lentille à la Reine. Cette dernière est plus délicate. Ces petits grains sont une ressource précieuse, lorsque les pluies ont empêché les semailles de blés hivernaux, ou lorsqu’ils ont péri par les gelées ou telle autre intempérie des saisons.

Dans les Mémoires de la Société d’Agriculture de Rouen, il est question d’une lentille appellée du Canada, qui est une espèce de vesce à grain blanc, tirant sur le jaune, & dont il est fait un très-grand éloge ; mais comme il n’est pas possible de reconnoître cette plante par le peu de caractères qu’on lui assigne, je n’en parle pas. Les lentilles du Puy-en-Vêlai sont très-renommées, & en effet elles méritent de l’être.

On bat les lentilles comme le blé, les pois, &c. Les tiges servent de nourriture aux animaux.